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Arrco-Agirc : l’équité en question

Les partenaires sociaux qui se sont réunis vendredi dernier ont finalement trouvé une solution pour l’avenir des retraites complémentaires Arrco et Agirc. Rappelons que ces retraites sont versées aux salariés du privé. L'Arrco compte 18,1 millions de cotisants pour 11,9 millions de pensionnés tandis que 4 millions d'actifs sont affiliés à l'Agirc pour 2,7 millions de pensionnés, et ont représenté 74 milliards d’euros en 2014. Alors que les négociations s’étaient cristallisées sur les oppositions entre les propositions des syndicats et du patronat, un protocole d’accord a été trouvé qui prévoit les mesures suivantes :

  • Baisse du rendement de 6,56% à 6% qui devrait intervenir d’ici 2018 et conduira à ce que 1.000 euros de cotisations rapportent 60 euros de pension et non plus 65,6 euros ;
  • Dès 2016, la cotisation AGFF, qui a été mise en place pour financer l’abaissement à 60 ans de l’âge de départ à la retraite en 1982, sera appliquée aussi aux cadres qui cotisent à la tranche C de l’Agirc (entre 4 et 8 fois la plafond de la SS). Rappelons que ces cotisations n’ouvrent pas de droit à la retraite ;
  • À partir de 2016, les pensions seront revalorisées par rapport à l’inflation le 1er novembre et non plus le 1er avril. Une mesure de gel temporaire qui permet des gains immédiats de l’ordre de 300 millions d’euros;
  • Les partenaires sociaux se sont mis d’accord sur la poursuite de la sous-indexation des retraites en 2016, 2017, 2018 sur la base de : l'inflation – 1 pt. Cette mesure ne pourra pas conduire néanmoins à des baisses de retraite en vertu d’une clause plancher. Dans son rapport de l’année dernière la Cour des comptes avait proposé la suppression de cette clause plancher. Cette mesure est estimée devoir rapporter 1,3 milliard d’euros en 2017.

Mesures phares de l’accord, ce sont les dispositifs de bonus malus qui ont largement été commentés :

  • Tout d’abord un abattement (différent du système de malus) est prévu pour les salariés qui prennent leur retraite avant l'âge du taux plein (67 ans) sans avoir tous les trimestres requis. Ils subiront une minoration de 10% de leurs pensions complémentaires ;
  • Une minoration de 10% de la retraite complémentaire sera mise en œuvre pour les salariés liquidant leur retraite à 62 ans et justifiant de tous leurs trimestres. Ce malus sera appliqué pendant 3 ans et pourra être annulé si le salarié accepte de reporter son âge de départ à la retraite à 63 ans (malus abaissé à 5% pour les retraités soumis au taux réduit de CSG, et non appliqué pour les retraités exonérés de CSG) ;
  • Dans le même esprit, un bonus sera appliqué pour les salariés justifiant de tous leurs trimestres, au titre de la durée de cotisation, qui reportent leur âge de départ à la retraite au-delà de 63 ans : 10% pour un départ à 64 ans, 20 % pour un départ à 65 ans, 30% pour un départ à 66 ans.

Enfin, le projet d’accord prévoit une hausse des cotisations qui s’appliquerait sur le taux d’appel qui passerait de 125%  à 127%. La différence entre le taux d’appel et le taux de cotisation n’ouvrirait pas droit à pension. La hausse des cotisations devrait être compensée par une baisse des cotisations AT-MP.

Pour connaitre le détail des mesures, cliquez ici.

Notons que l’accord prévoit une fusion de l’Arrco et de l’Agirc dans un régime unifié, ce qui devrait permettre de mutualiser les réserves des deux régimes. Cette mesure a été approuvée par la CFE-CGC qui a obtenu en contrepartie l’ouverture de discussions sur la reconnaissance du statut cadres, autrement que par l'adhésion à une caisse de retraites des cadres puisque c'est -à terme - la disparition de l'Agirc.  

Les organisations signataires (hors FO et CGT), le gouvernement et la présidence de la République se sont félicités de cet accord qui doit permettre de redresser cette composante incontournable de la retraite du privé affichant plus de 4 milliards d’euros de déficit pour 2014, et dont les réserves devaient, selon la Cour des comptes, s’épuiser si rien n’était fait, en 2023, et même en 2018 pour l’Agirc.

Ce sauvetage se traduit, comme on le voit, par de gros sacrifices pour les retraités et les salariés. Et s‘ajoute aux efforts demandés dans le cadre de la réforme du régime général des retraites mise en œuvre par le gouvernement de JM Ayrault, notamment aux entreprises (hausse de 0,15pt en 2014 et 0,05pt des cotisations salariales pour les 3 années suivantes, idem pour les cotisations employeurs), en plus de l’allongement de la durée de cotisation.

Notons au passage que la réforme en jeu des retraites complémentaires va mécaniquement venir soulager le régime général du fait du report de l’âge effectif de départ à la retraite. Le gouvernement Ayrault dans sa réforme prévoyait l’allongement de 41,5 à 43 années de cotisations progressivement à partir de 2020. Mais la réforme des complémentaires va venir apporter un coup d’accélérateur.

Surtout, il n’a échappé à personne que cette réforme rompt la sacro-sainte convergence des régimes vantée dans tous les rapports officiels (voir encore la dernière étude du COR commentée sur le site de la fondation iFRAP) où l’on ne cesse de nous expliquer que – mode de liquidation mis à part – tous les paramètres sont alignés. Or, non seulement cette affirmation passe sous silence le cas des régimes spéciaux, mais elle ne tient plus au regard de la comparaison avec le régime des fonctionnaires et celui des non-titulaires de la fonction publique (IRCANTEC). Le gouvernement aura-t-il le courage de se lancer dans une réforme des retraites publiques à 1 an et demi de l’élection présidentielle ?