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12 octobre 2010 : grève sans procuration

Difficile pour nos services publics de transport, SNCF et RATP, de justifier l'entrée en grève de leur personnel. La moyenne d'âge auquel ce personnel prend sa retraite est environ 54 ans et 10 mois à la SNCF et 53 et 10 mois à la RATP, contre 61,5 ans pour les salariés du privé, soit une bagatelle de plus de 7 années de différence. Il y a plus précisément deux catégories de personnels, celle qui prend sa retraite (au taux plein bien entendu) à 50 ans, l'autre à 55 ans. C'est donc pour ne pas prendre leur retraite à 52 ou 57 ans que ces agents se battent…

Les représentants syndicaux se trouvent donc contraints de donner des raisons plus convenables pour faire grève. Didier Le Reste, représentant CGT à la SNCF, nous gratifie de son explication : la grève est justifiée « par l'intérêt général » ! Et il précise encore « si nous ne faisions pas grève on nous accuserait d'égoïsme » !!!

Les galériens du métro-boulot-dodo, incontestables bénéficiaires de cet extraordinaire élan d'altruisme apprennent ainsi que c'est uniquement pour eux, et par procuration, et pour ne pas être taxés d'égoïsme, que les agents font grève. Le problème est que la prétendue procuration n'a pas été donnée. Les adhérents de l'UNSA RATP n'ont pas quant à eux envie de servir de « chair à canon » et n'appellent pas, finalement, à faire une grève reconductible.
Quant aux lycéens et étudiants, dont la seule réaction devrait en réalité consister à refuser de payer pour les générations qui les précèdent, et donc à applaudir à la réforme des retraites, les voilà qui descendent eux aussi dans la rue.

Nous voici donc dans une très étrange situation, où les salariés concernés, ceux du privé, sont au travail comme chaque jour, alors que la grève est, soit le fait de non-concernés qui n'ont reçu aucune procuration des premiers, soit celui de jeunes qui devraient au contraire manifester en faveur de la réforme. Sans compter que le terme de grève est parfaitement dénué de sens pour lycéens et étudiants, et que nous sommes aussi en dehors d'une motivation valable pour les autres, car il ne s'agit, de l'aveu même du représentant CGT, que d'une pure grève politique.

Les sondages sont tout aussi étranges. Si 71% des Français trouvent le mouvement « justifié », ils sont 49% à souhaiter (IFOP) que le mouvement s'arrête très vite alors que seulement 31% souhaitent que le mouvement dure au-delà de quelques jours… Au fond, la grève ne parait pas aux sondés totalement injustifiée, mais ne doit pour autant pas durer. Jugement paradoxal qui aurait certainement pu être évité par plus de pédagogie notamment sur l'enjeu avant tout démographique de la réforme. Le manque de lisibilité de notre système des retraites fait le jeu des passéistes.

Nos voisins en Europe regardent d'un œil étonné les « Français » manifester contre l'idée de travailler jusqu'à 62 ans. Eux qui travaillent déjà jusqu'à 67 ans… Les journalistes suédois ou norvégiens n'en reviennent toujours pas. Et les Allemands ont bien de la chance que leurs lois interdisent totalement les grèves politiques.

Qui doute en effet que, sans réforme, le montant de la retraite va chuter ? Aujourd'hui de 50% du dernier salaire en moyenne, les retraites de demain seront, si de vraies réformes n'interviennent pas, peut-être de 30%, voire moins. Faire croire que garder la retraite à 60 ans permettrait de conserver une retraite indemnisée à 50% du dernier salaire est un mensonge manipulateur qui ne sert que ceux qui refusent par principe toute réforme et qui se moquent du sort de leurs concitoyens. On est là bien loin de l'intérêt général ou de la procuration.