Actualité

Quand les réalités industrielles réapparaissent, les promesses disparaissent

Christian M., créateur d'une boisson naturelle innovante, s'est vu proposer une aide par l'ANVAR. Alors que l'agence a versé l'aide et que les différents acteurs publics profitent de ce projet pour faire leur auto-promotion, les premières difficultés de trésorerie apparaissent. Les promesses et engagements d'alors n'étaient-ils qu'une tromperie ?

Le Business Plan du projet de Monsieur M. a été établi à notre connaissance sans qu'aient été précisées ses conditions de réussite. Certes, Monsieur M. peut montrer une constance dans la qualité du produit qu'il fabrique artisanalement, une acceptation par les autorités sanitaires et des durées de conservation satisfaisantes pour permettre une distribution. Mais le talon d'Achille de tout projet, sa rentabilité financière, n'est pas prouvée, d'autant qu'il ne s'agit pas de vérifier la rentabilité d'un produit dans une société existante mais bien d'une société bâtie autour d'un produit.

Or, lorsque M. est utilisé par l'ANVAR et même le Sénat pour montrer la réussite de leurs actions, le projet n'est pas encore viable, puisque le chiffres d'affaires est seulement de 2000 euros pour l'année 2003 et de 10.000 euros pour les trois premiers trimestres de l'année 2004. Nos plus hautes autorités se targuent de succès qui n'existent pas encore.

Plus grave, lorsqu'un Business Angel investit dans un projet comme le projet de Christian M. (dont le montant correspond bien au montants dont ils sont coutumiers) il suit le projet sinon au jour le jour au moins semaine par semaine, injecte des idées, utilise ses réseaux, prépare la phase suivante de financement. Avec l'ANVAR, rien de tel. Christian M. ne verra aucun des membres de l'ANVAR qui ont étudié son dossier, ni l'expert qui avait revu le Business Plan pendant l'année et demie que durera finalement la phase dite d'amorçage. Tout au plus un coup de téléphone d'un chargé d'affaires qui tous les deux ou trois mois s'enquiert du projet et s'assure que Monsieur M. est satisfait de sa progression. Et ceci va préparer la chute finale…

Le dépôt de bilan

Lorsque les fonds de la phase d'amorçage ou de vérification commencent à s'amenuiser et que cette phase se rapproche de la fin, tout Business Angel se concentre sur la réunion des fonds qui vont permettre de passer de la phase exploratoire à la phase semi-industrielle, soit en préparant un second tour de table avec des Business Angels, soit, si le projet est assez avancé, en préparant l'entrée au capital du capital-risque.

Les chargés d'études de l'ANVAR, comme M. lui-même, étaient bien conscients qu'au-delà de la phase exploratoire, il fallait passer à la phase semi-industrielle et depuis le début, laissaient entendre à M. que le relais serait assuré par les instances régionales telles que l'ARI. Lorsqu'est arrivée la fin du contrat de première phase, pas d'argent mais des promesses verbales auxquelles M., tout à son projet, a le tort de croire.

L'inventeur s'endette donc, achète des machines, un chromatographe : il produit et vend, embauche deux personnes en CDI. Mais les coûts de production restent supérieurs au coût de revient et il ne peut passer au stade supérieur de production, c'est-à-dire l'industrialisation avec une véritable chaîne de production et son corollaire, un réseau de distribution permettant d'atteindre les quantités où le prix de revient devient acceptable. Il tente par lui-même en dernière limite d'intéresser une affaire d'eau minérale à la reprise de son développement mais cette entreprise, bien que très intéressée et soutenue par un réseau local de business angels ne pouvait pas disposer immédiatement des fonds nécessaires car déjà engagée sur d'autres investissements.

Ce que M. ne sait pas, c'est que le président de l'ANVAR, Philippe Jurgensen et son secrétaire général, Jean-Marie Sépulchre, conseiller référendaire à la Cour des comptes, ont laissé se creuser un énorme trou comptable de 242 millions à l'ANVAR, que l'Agence qui dépend en partie pour ses prêts des remboursements des prêts antérieurs est incapable de relier les chèques qui rentrent aux engagements de remboursement correspondants et que le scandale a atteint un niveau tel que l'agence va être absorbée par Oséo.

Tous les programmes sont gelés. L'ARI disparaît purement et simplement, les contacts avec l'agence sont de plus en plus éloignés. Le directeur d'alors reconnaît dans un témoignage, que l'aide régionale supposée prendre le relais de l'aide à l'innovation disparaît alors que les nouvelles aides mises en place par Oséo, comme le prêt participatif d'amorçage ou le contrat de développement innovation, sont inadaptées. Le témoignage de la chargée d'affaires est éloquent : « Nous avons peut-être eu tort d'encourager Monsieur M. dans son projet, mais pour ma part, j'étais très confiante en son projet et dépitée de voir que les différentes institutions n'ont pas poursuivi notre aide financière. »

Arrive ce qui devait arriver, la société de M. doit déposer le bilan le 5 décembre 2005, après avoir attendu près de 18 mois, l'hypothétique versement de l'aide de l'Agence.