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Le témoignage d'un DRH d'une entreprise internationale

O.T. est le DRH européen d'une entreprise industrielle mondiale, un des leaders dans son secteur. En Europe, 17.000 salariés et des implantations dans 20 pays. L'entreprise choisit au coup par coup le pays le plus adapté pour faire fabriquer les produits qui lui sont commandés par ses clients.

Comment la France se compare-t-elle en particulier à la Grande-Bretagne ?

Pour ce DRH, l'avantage de flexibilité existant dans ce dernier pays est plus important que l'inconvénient des salaires plus élevés, car les salaires anglais sont effectivement plus élevés que ceux de leurs homologues français. En quoi consiste cette flexibilité ? Dans le fait de pouvoir embaucher (exemple récent) 70 employés pour une commande déterminée, s'en séparer après livraison et en réembaucher 32 quelques mois après pour faire face à une nouvelle commande. Ce qui n'est pas possible en France.

Comment s'explique cette différence ?

En partie parce que le recours au travail intérimaire est plus facile en Grande-Bretagne qu'en France. Mais surtout, la faculté de licencier n'y est entravée ni par une législation et une pratique jurisprudentielle permettant de mettre en cause la décision de l'employeur, sauf abus manifeste, ni par un état d'esprit procédurier de la part des salariés.

Notre DRH, qui est français, est surpris par l'attitude du salarié britannique qui ne cherche pas à se maintenir dans une entreprise où il n'est plus désiré. Ce n'est pas à dire que les conflits sont moins aigüs, mais très vite on négocie et « on paye », le plus souvent sur la base de barèmes pré-négociés avec les syndicats. Tout y est plus simple et plus rapide, pas nécessairement moins coûteux mais l'adaptation aux circonstances économiques en est grandement facilitée.

Il y a en Grande-Bretagne, contrairement à la situation française, très peu de recours au CDD parce que cela n'est pas nécessaire ; pas de discussions interminables sur la notion de cause réelle et sérieuse, et peu de recours au juge. Le licenciement pour motif personnel (en général pour « low performance ») obéit chez nos voisins aux mêmes règles que le licenciement économique. Le juge n'intervient pas pour assurer le respect de procédures de licenciement qui n'ont pas le caractère formel et quasi talmudique connu en France, et finalement cette intervention est limitée aux cas limites.

En Grande-Bretagne 7% des licenciements sont contestés devant les tribunaux, mais la proportion est de 25% en France, où la durée des procédures n'est jamais inférieure à un an et peut s'envoler jusqu'à quatre ans en cas de recours en cassation. Cette durée peut être d'ailleurs préjudiciable aussi bien à l'employé qu'à l'employeur : un employeur sera rebuté par des procédures qui n'aboutissent pas dans des délais raisonnables, d'où une incertitude et un blocage des décisions de direction, mais il pourra aussi se servir de cette même lenteur de la justice contre l'employé lorsque par exemple il aura de mauvaise foi déguisé un licenciement économique en licenciement individuel et retardé la solution en épuisant les recours judiciaires. Surtout qu'à la durée des procédures s'ajoutent les délais administratifs, comme celui imposé par les greffes pour mettre les jugements en forme exécutoire (les « grosses ») : 5 mois au Conseil de Prud'hommes de Paris, ce qui est un authentique scandale qui laisse apparemment de marbre nos autorités.

A la complexité de ces recours répond aussi celle du droit écrit : dans la récente recodification du droit du travail français le dernier article législatif porte le numéro 8.331, sans compter les sous-articles (par exemple il existe un numéro 1.233-84 !), et le nombre des articles de décrets et réglementaires est encore plus important, sans compter les textes non codifiés. Le tout nécessite la bagatelle de 2.786 pages du dernier code Dalloz.

L'Employment Rights Act britannique de 1996 comporte de son côté 245 articles en tout et pour tout, même si cette loi doit être complétée par un assez grand nombre de textes non codifiés.

En résumé le droit britannique est fait pour la simplicité et la rapidité, qualités jugées primordiales par un chef d'entreprise, même si le montant des indemnités payées est comparable dans les deux pays. Mais « time is money », sauf en France.