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La face cachée des Trains Express Régionaux (TER)

« Doute sérieux sur l'utilité de cette ligne », « Aucune information précise pour se faire une idée de la fréquentation », « Ne présente pas la garantie d'une réduction de la circulation automobile ». Le juge des référés de Toulouse traitait, le 3 juin 2011, d'une nouvelle ligne de tramway dont il a fait arrêter la construction. Des critiques identiques venaient d'être fournies sur de nombreux projets de lignes de TGV. « Trop d'infrastructures nouvelles. Un schéma ni chiffré ni hiérarchisé. Des prévisions de trafic trop optimistes », selon le rapport du député Hervé Mariton. Dans l'ambiance actuelle de forte contrainte financière, au moment où le sénateur Grignon publie son rapport sur l'ouverture à la concurrence du marché des Trains Express Régionaux, les mêmes questions se posent sur les TER : sont-ils aussi économiques et écologiques qu'on le croyait ?

Pour les voyageurs, les TER sont bon marché, les usagers ne payant qu'entre 15 et 30% de leur coût réel. Et les contribuables ne réalisent pas qu'il leur en coûte 5 milliards d'euros par an, puisque l'État finance la plus grande part et les Régions le reste. Les TER ne représentent pourtant que 2% des transports de personnes. Mais les TER sont de merveilleux panneaux publicitaires mobiles pour les Conseils Régionaux. Peints de couleurs vives aux armes de chacune des Régions, ils sont bien connus par les voyageurs et aussi par ceux qui ne les prennent jamais. De toutes les activités des Conseils Régionaux, c'est incontestablement la plus voyante.

L'examen du trafic des Trains Express Régionaux existants montre que ce moyen de transport peut être très utile mais pour des trajets bien adaptés. Par rapport aux autocars, les trains sont des engins très coûteux, très lourds et donc très polluants (la plupart des TER fonctionnent au Diesel), et ont des parcours rigides, ne pouvant desservir que les gares situées une fois pour toutes sur leur trajet. Les TER ne sont donc justifiés que sur des lignes transportant un grand nombre de voyageurs. Ce n'est pas actuellement le cas, trop de trains transportent moins de 50 voyageurs, et certains beaucoup moins de dix. Pour éviter que cela se sache, les statistiques par ligne sont d'ailleurs tenues secrètes par la SNCF, une attitude anormale pour une entreprise publique.

En 2011, c'est toujours la SNCF qui gère tous les Trains Express Régionaux de France, notre pays n'ayant pas encore transposé la directive européenne qui autoriserait les Régions à faire appel à d'autres entreprises comme c'est le cas depuis une dizaine d'années en Suisse, en Allemagne et au Royaume-Uni par exemple. Dans ces deux derniers pays, des entreprises françaises comme la SNCF ou Veolia gèrent de nombreuses lignes de voyageurs. Une situation cocasse alors qu'en France, c'est le lobbying de la SNCF qui a jusqu'à présent réussi à faire repousser la date d'ouverture à la concurrence. Mais une situation de moins en moins tolérée par les pays étrangers qui réclament la réciprocité. En s'exprimant récemment devant le Conseil Économique et Social à propos du rapport Grignon sur la libéralisation des TER, la ministre de l'Écologie et des Transports, Nathalie Kossciusko-Morizet, a déclaré "Introduire une concurrence maîtrisée dans notre transport ferroviaire régional, c'est créer les conditions d'un bénéfice profitable à tous.". Une première avancée ?

Car dans plusieurs Régions françaises, notamment Provence-Alpes-Côte d'Azur, Basse-Normandie, Picardie, Midi-Pyrénées, les voyageurs et les Conseils Régionaux ont manifesté leur vif mécontentement à l'encontre du service fourni par la SNCF. Pétitions des « Naufragés des TER », déclarations à la presse régionale, échanges de lettres publiques, menaces de poursuites judiciaires et application de pénalités auraient logiquement dû conduire à la rupture. Le sentiment de « ne pas en avoir pour son argent » semble d'ailleurs justifié puisqu'une étude interne à la SNCF constate que ses coûts sont de 30% plus élevés que ceux de ses concurrents. Curieusement, depuis que la possibilité de traiter avec d'autres entreprises ferroviaires françaises ou étrangères se rapproche, les tensions ont été mises en veilleuse par les Conseils régionaux favorables au maintien du monopole de la SNCF.

Pour sortir de cette impasse, c'est à une double ouverture à la concurrence qu'il faut procéder. Elles permettront de « découvrir » quelle est la bonne solution de transport du public pour chaque trajet dans chaque Région et à quel prix. Concurrence d'abord entre les différents modes de transport public (trains / autocars) et ensuite entre différents opérateurs de transport ferroviaire. Les Trains Express Régionaux sont certainement indispensables et performants comme trains de banlieue typiquement autour des villes, et comme trains inter-régionaux entre grandes agglomérations, mais de plus en plus de citoyens regroupés en associations et de responsables politiques, contestent l'utilité économique et environnementale de dépenses publiques de transport qui ont pris un tour démesuré. Il est temps de revenir au pragmatisme.