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La concurrence selon la SNCF

La SNCF irrite la Deutsche Bahn

En annonçant sa décision de concurrencer les trains rapides de la Deustche Bahn (DB) sur les lignes Berlin-Francfort et Francfort-Hambourg, la SNCF a provoqué la stupeur chez sa consœur. Non pas à cause de la concurrence, la décision d'ouvrir tous les trafics à la concurrence a été prise en Allemagne avant même d'y avoir été contrainte par Bruxelles, mais parce que cette attaque provient du plus farouche défenseur du monopole en Europe.

En France, seul le marché du Fret ferroviaire a été libéré. Dans un an, en décembre 2010, le trafic international sera lui aussi ouvert aux autres transporteurs. Mais avec de sérieuses restrictions : Paris-Lyon-Milan, oui, mais à condition qu'il n'y ait pas trop de « cabotage », c'est-à-dire trop de voyageurs sur le segment Paris-Lyon. Pour les transports régionaux TER, la SNCF argumentait encore cet été contre leur ouverture à la concurrence, en s'abritant derrière une interprétation très personnelle du texte de Bruxelles qui l'exige pour 2010. En septembre, le Sénat et Dominique Bussereau ont proposé d'ouvrir la possibilité de timides « expérimentations » en 2011. En France, ce n'est pas encore voté, mais en Allemagne, la SNCF concurrence déjà la DB sur ce créneau.

Mais le comble dans ce différend SNCF-DB, c'est que la France, sous l'impulsion de la SNCF, a justement obtenu de Bruxelles le droit d'interdire la concurrence sur les trajets inter-régionaux ou nationaux, comme précisément Berlin-Francfort ou Paris-Marseille. Pour ces trajets, aucune date d'ouverture n'a pu être fixée par la Commission Européenne. Le sujet sera rediscuté à Bruxelles « après avoir pu tirer les conclusions des ouvertures précédentes », le moyen de perdre quelques années.

La réaction de la Deutsche Bahn est compréhensible, d'autant plus qu'elle gère avec la SNCF les trains rapides TGV et ICE entre Paris et Francfort. Mais l'intérêt de l'Allemagne est tout autre.

Ulrich Homburg
Responsable du transport passager de la Deutsche Bahn :

Ce sera une bataille sanglante qui laissera des traces profondes dans les bilans. Dans une guerre, il n'y a pas de vainqueur

Source : Financial Times Deutschland

En ouvrant ses trafics à la concurrence, elle a provoqué un développement qualitatif et quantitatif du transport ferroviaire sur son territoire dont toute son économie bénéficie. Au contraire, la France, en surprotégeant la SNCF, outre les 12 milliards de déficit annuel, handicape tous les autres secteurs d'activité. Et au final, puisque la concurrence finira quand même par être généralisée, la SNCF y sera beaucoup moins bien préparée que la Deustche Bahn.

La même semaine, le Directeur Général de « Ferrovie delle stato » italien s'est à nouveau insurgé contre les obstacles mis par la France à son entrée sur le marché français … alors qu'avec un partenaire privé, la SNCF fera rouler des trains rapides dès 2011 entre Rome et Milan.

Passer pour le mauvais joueur de l'équipe Europe n'est pas positif quand on a besoin du soutien de ses partenaires dans de si nombreux domaines : déficits, agriculture, immigration illégale, nucléaire …