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Guillaume Pépy, prêt à affronter les syndicats ?

La réforme ferroviaire sera présentée la semaine prochaine en Conseil des ministres mais d'ores et déjà les syndicats de cheminots annoncent des mouvements de grève en ordre dispersé : leur objectif, manifester contre un projet qui ne les satisfait pas et mettre la pression sur le gouvernement pour qu'il défende le modèle français alors que le 4e paquet ferroviaire qui est en préparation à Bruxelles devrait être dévoilé en 2014.

Les grandes lignes du projet sont connues :

[*Création de SNCF Mobilités et SNCF Réseau*] : La création d'un « EPIC mère » dénommé SNCF et de deux filiales : SNCF Mobilités pour la part des activités relevant de l'opérateur ferroviaire et SNCF réseau qui reprend les activités de RFF. Rien qu'à la dénomination on voit bien que la SNCF a repris la haute main sur ce projet et consolide sa position sur le rail français.

[*Un cadre social homogène pour les salariés du rail public ou privé*] : Deuxième élément important de la réforme, il est prévu la négociation d'un cadre social homogène s'appliquant à l'ensemble des salariés du rail privé ou public. L'objectif est de négocier avec les syndicats de transporteurs et de cheminots la mise en place d'une convention collective qui pourra être complétée par des accords d'entreprises. Mais en tout état de cause, il s'agit de revoir les conditions de la concurrence alors que les temps de travail et le coût des retraites créent un avantage certain au profit des opérateurs privés. En témoigne d'ailleurs la part de marché croissante qu'ils ont obtenue dans le secteur du fret. La nouvelle convention collective sera donc un compromis entre la défense du cadre social du statut cheminot que le gouvernement entend préserver, et les attentes des opérateurs privés : c'est sur le temps de travail que la négociation sera la plus dure, les retraites, elles, restent hors négociation.

De surcroît, l'ARAF – autorité de régulation des activités ferroviaires – qui doit contrôler entre autres l'accès équitable des opérateurs au réseau ferré, a vu ses pouvoirs affaiblis.

[*L'État renonce à son dividende de 500 millions d'euros :*] Enfin, l'Etat français a annoncé son intention de renoncer à son dividende de 500 millions d'euros sur la SNCF pour contribuer à renflouer le secteur ferroviaire. En contrepartie, la SNCF et RFF se sont engagés à des économies ambitieuses, voire même irréalistes, attribuées à des efforts de productivité et des gains internes à attendre de la réorganisation.

On le voit, ces éléments confortent a priori la place de la SNCF dans le paysage du rail français. Pourtant les syndicats de cheminots sont inquiets car la réforme achève la séparation de l'opérateur historique en deux entités différentes : les activités d'infrastructure et les activités d'opérateur ferroviaire. Alors que l'organisation qui a prévalu jusqu'à présent avait permis de maintenir la quasi-totalité du personnel dans le giron de la SNCF.

Or, les syndicats craignent que le « 4e paquet ferroviaire » qui prévoit une série de mesures destinées à préparer à l'ouverture totale à la concurrence en 2019 exige une séparation stricte entre les activités de gestionnaire de réseau et d'exploitant ferroviaire et remette en cause la place de l' « EPIC mère ». De nombreux observateurs évoquent donc une course de vitesse entre la SNCF et Bruxelles pour que l'organisation soit validée au Parlement avant que le 4e paquet ne sorte.

La SNCF peut compter aussi sur la pression des régions qui ont récemment déclaré leur intention de se regrouper, pour 8 d'entre elles, et de créer une structure d'acquisition du matériel « afin de conforter leur rôle d'autorité organisatrice de transports ». En clair, ces régions ne veulent plus passer par la SNCF pour le matériel et veulent négocier directement et s'assurer de la pleine possession du matériel, dans le cas où elles voudraient faire jouer la concurrence. Une menace à peine voilée de changer d'opérateur dès que la libéralisation du secteur le leur permettra.

Face à l'ouverture à la concurrence qui se profile et qui se traduira forcément par des rapprochements, voire des fusions, entre grands acteurs européens, la France peut jouer la résistance le plus longtemps possible ou au contraire tenter de se placer comme un acteur majeur du secteur. Le président de la SNCF après avoir manœuvré pour préparer une réforme ferroviaire qui conforte l'opérateur historique anticipe déjà cette évolution. Lors d'une présentation des axes de développement pour les prochaines années, il a insisté sur la concurrence élargie à laquelle doit s'affronter le transport ferroviaire : co-voiturage, location de voitures, compagnies aériennes low cost, etc. D'où son souhait de faire du voyage sur mesure et d'être capable d'offrir un transport « porte à porte ». Pour y parvenir Guillaume Pepy devra revoir l'organisation des activités ferroviaires entre les différentes filiales, de convaincre des vertus du low cost tout en dégageant des économies. Mais pour réussir, il lui faudra affronter les syndicats.