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Régime spéciaux : malgré la réforme, le déficit sera permanent

En réponse au rapport du Sénat qui s'inquiétait de l'absence de chiffrage de la réforme des régimes spéciaux de retraite, le Ministre du travail a affirmé le 28 septembre 2008 "J'ai entendu tellement d'âneries sur la réforme des régimes spéciaux qui allait nous coûter plus, que j'ai voulu remettre les pendules à l'heure et j'ai demandé à mes services de faire un tableau précis". Pour convaincre les Sénateurs, et l'iFRAP, ces données devront prendre en compte les éventuelles économies sur les retraites mais aussi le coût des avantages accordés en contrepartie aux salariés en activité. En attendant de nouveaux chiffres du Ministère, voici les derniers connus.

Les retraites des 6 millions de salariés du secteur public (RATP, SNCF, EDF/GDF, Fonctionnaires notamment) sont beaucoup plus coûteuses que celles du secteur privé. Certains syndicats assurent que c'est la faute à un rapport démographique défavorable, trop de retraités et pas assez d'actifs, un mauvais cap à passer.

Parmi les organismes publics, la RATP constitue un cas moyen, ses effectifs étant stables. La suppression des receveurs dans les bus et des poinçonneurs du métro ayant été sans doute compensée par une intensification du trafic, une extension du réseau et les 35 heures. En 2006, la RATP comptait 43.000 cotisants en activité et un nombre à peu près identique (41.000) de retraités.

Les salariés de la RATP sont embauchés à 20 ans, partent en moyenne en retraite à 53 ans et meurent à 82 ans. Soit 33 ans de vie professionnelle et une durée de retraite quasiment identique de 29 ans. En tenant compte des retraites de réversion, la situation est encore plus sévère : si l'âge moyen de décès du dernier survivant est de 86 ans et avec un écart d'âge de 3 ans entre les conjoints, la durée de versement des retraites est de 36 ans. Aucune amélioration du rapport démographique n'est à attendre à l'avenir comme le montre le rapport du Conseil d'Orientation des Retraites de 2006. Au contraire, il va empirer et le déficit du régime de retraite de la RATP va tripler d'ici 2050 passant de 400 millions en 2008 à 1,4 milliard en 2050.

Effectifs en moyenne annuelle et montants sur l'année (stock en euros constants)
20002003201020152020203020402050
Nombre de pensionnés de droit direct - 27 211 30 415 33 910 36 909 42 016 43 973 48 786
Nombre de pensionnés de droit dérivé - 11 697 10 484 9 898 9 348 8 146 7 942 8 343
Pension moyenne de droit direct (euros) - 20 656 22 416 23 998 25 601 29 225 33 199 39 374
Pension moyenne de droit dérivé (euros) - 9 171 9 398 9 766 10 258 11 577 13 272 15 584
Total des pensions (Meuros) 658 669 780 910 1 041 1 322 1 565 2 051
Nombre de cotisants - 43 384 44 073 44 073 44 073 44 073 44 075 44 072
Total des cotisations (Meuros) 247 276 325 356 389 465 555 664
Rapport démographique corrigé* - 1,31 1,24 1,13 1,06 0,96 0,92 0,83
Solde technique** (Meuros) - -393 -455 -555 -652 -858 -1 010 -1 387
en % des dépenses - -58,7% -58,3% -60,9% -62,6% -64,9% -64,5% -67,6%
en % des cotisations - -142,2% -139,9% -156,0% -167,7% -184,5% -181,8% -208,9%
en % du PIB - -0,03% -0,02% -0,03% -0,03% -0,03% -0,03% -0,04%
* : Rapport démographique corrigé = nombre de cotisants / (nombre de droits directs + 50% nombre de droits dérivés)
** : Solde technique = Total des cotisations - Total des pensions
Meuros = millions d'euros
Source : COR

Pour pouvoir payer ses retraités, la RATP, ou plutôt les contribuables et les consommateurs, cotisent au taux de 44 % des salaires, contre 15 % dans le secteur privé. En 2007, nous finançons ainsi 52 % du montant des retraites RATP.

En 2007, le régime de retraite RATP n'a pas pu être adossé au régime général comme il avait été prévu, en raison d'un déficit supérieur aux prévisions. Mais ce rapprochement ne résoudrait en rien le problème de financement, ne constituant qu'un artifice de présentation des comptes pour éviter la faillite comptable de la RATP et sembler satisfaire aux demandes de Bruxelles. Exactement comme cela a été fait pour la SNCF et EDF/GDF.

La commission des Finances du Sénat, le 6 novembre 2008

"Les retraites de la fonction publique sont le principal facteur de dérive des dépenses de l'Etat.
Le coût des pensions augmentera de 2,5 milliards € par an sur la période 2009-2011 et, avec la charge de la dette, absorbera 70 % des marges de manœuvre budgétaires.
Plus de 55 milliards € seront consacrés en 2009 au financement des retraites de la fonction publique et des principaux régimes spéciaux dont l'Etat assure l'équilibre financier".

Dans la fonction publique, l'excuse du déséquilibre démographique ne peut pas non plus être invoqué, ses effectifs ayant considérablement augmenté depuis 30 ans. A la SNCF qui comptait 450.000 salariés en 1945, ce problème a pu être réel, mais n'explique pas pourquoi le déficit de la caisse de retraite sera permanent. Même les retraites des salariés qui ne sont pas encore embauchés en 2008 ne pourront être payées en 2050 que grâce aux subventions de l'Etat.

En milliards € 200020102020203020402050
Solde technique ou déficit 2,9 2,9 3 2,8 3 3,5
Source COR 2006

Les contribuables sont certainement prêts à financer les déficits résultant de déséquilibres démographiques, mais à condition que ce soit pour payer des retraites strictement équivalentes aux leurs, et que le problème soit temporaire. En réalité, dans tout le secteur public, si les régimes de retraite ne sont pas vraiment réformés, très au-delà de ce qui a été fait en 2003 et 2007, le problème de financement et l'inégalité de traitement entre le public et le privé seront permanents. Les chiffres promis par le Ministère le confirmeront.