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Réforme des collectivités territoriales

Il est temps de moins dépenser

Dans l'introduction de son rapport sur les collectivités intitulé « Il est temps de décider », l'ancien premier ministre Edouard Balladur pointe « la complexité » et « le coût » de l'organisation territoriale de la France. Et le rapport du patricien de conclure que nous souffrons de « trop de niveaux d'administration territoriale et trop de collectivités locales (…) ; caractère imparfaitement maîtrisé de la dépense publique locale en raison notamment des excès de financements croisés, enchevêtrement des compétences, vieillissement de la fiscalité directe locale »…

Au fil des pages, le rapport du comité Balladur pointe une véritable anomalie de nos dépenses publiques locales : la révision constitutionnelle de mars 2003 a consacré l'autonomie financière de nos collectivités locales mais, sur plus de 200 milliards d'argent public dépensé chaque année dans les collectivités (20 % du total des dépenses publiques), 64 milliards, soit près d'un tiers, viennent en réalité de l'ensemble des concours financiers de l'Etat, une participation qui, en dépit de la décentralisation affichée ne cesse d'augmenter. Seulement la moitié, soit 100 milliards, des dépenses locales sont issues de la fiscalité locale.

La plus grosse part des financements de l'Etat vers les collectivités est comprise dans l'enveloppe que l'on appelle la Dotation Globale de Fonctionnement (dans le jargon DGF) qui était de 38 milliards en 2006 et vise à garantir aux collectivités locales un niveau de ressources prévisible et à compenser une partie des écarts de richesse entre les collectivités. Le rapport Balladur pointe à juste titre que l'effort de l'Etat en faveur des collectivités locales ne pourra pas être purement et simplement augmenté en l'état des finances publiques. Il est vrai qu'avec 100 milliards d'euros de déficit pour 2009, c'est la sagesse qui parle.

Péréquation : la fausse piste

En revanche, quand le rapport évoque l'idée d'une « amélioration de la péréquation », il s'engage sur une fausse piste. En effet, la péréquation (entre strates locales et entre les collectivités et l'Etat) anesthésie les décideurs locaux en les déresponsabilisant au profit de l'administration centrale. Seule une concurrence interrégionale reposant sur une véritable responsabilité fiscale serait efficace et responsabilisante pour nos collectivités. Il pourrait s'ensuivre, comme en Suisse, une péréquation dégressive et un mécanisme permettant de prohiber les doublonnages des interventions centrales et locales sur les mêmes tâches.

Puisque le rapport Balladur n'impose pas de regroupement de régions mais propose aux collectivités locales de décider d'elles-mêmes des fusions, des réorganisations nécessaires que ce soit des regroupements volontaires de régions ou de départements, il serait certainement incitatif de subordonner les financements de l'Etat aux collectivités qui acceptent de fusionner et de réduire ainsi la toile d'araignée territoriale qui maille la France.

Clause générale de compétence : encore un effort

La clause générale de compétence permet pour l'instant aux collectivités locales d'être toutes compétentes dans tous les domaines. C'est le principe de « libre administration ». Quant à lui, l'Etat reste compétent sur tout. Déjà, en 2007, le sénateur Alain Lambert évoquait « l'enchevêtrement des compétences et la contractualisation polymorphe » ayant « un coût élevé » et entravant « l'efficacité des politiques publiques ».

La clarification des compétences entre les échelons qui est appelée de ses vœux par le comité Balladur ne va pas assez loin dans son exigence. En effet, si on suit les préconisations du rapport, le département serait prié de se désengager du tourisme, mais tous les échelons pourraient toujours allègrement intervenir en matière culturelle en « soutien à la création artistique ». Sur la question cruciale de l'actuel découpage entre les communes qui gèrent les écoles, les départements les collèges, les régions les lycées, le rapport ne trouve rien à redire à cette distribution des rôles plus qu'artificielle. Bref, au niveau de la clause générale de compétence, on n'a pas encore atteint le dégroupage total.

Et les effectifs ?

Derrière le problème du mille-feuille administratif local se pose la question capitale des effectifs que le président de la République posait dans un de ses discours : « j'assumerai mes responsabilités sur la diminution des effectifs et sur la réforme des échelons territoriaux. » La fonction publique locale a augmenté de 51 % en 25 ans alors que l'ensemble des administrations augmentait de 17 %. En tête des augmentations exponentielles des effectifs, ces dernières années, les régions ont le carton rouge avec + 92 % d'effectifs, suivent les intercommunalités avec + 89 % et les Départements avec + 42 %.

Le système de la péréquation verticale et horizontale et celui de la dotation globale de fonctionnement de l'Etat aux collectivités ont contribué à inciter les échelons territoriaux à embaucher sans compter les deniers publics, à créer, sans s'en soucier, des doublons et des déficits, entraînant une inflation des effectifs mais aussi des rémunérations. A qui son centre culturel, sa direction du tourisme, etc. Aujourd'hui, les dépenses de personnel des collectivités locales représentent 60 milliards d'euros par an.

Le rapport Balladur propose que soit voté tous les ans par le Parlement l'équivalent d'un ONDAM, soit un "objectif national d'évolution des finances locales". Cette piste n'est pas suffisante, d'autant plus qu'elle n'a pas vraiment fait ses preuves pour restreindre les dépenses d'Assurance maladie. La solution idoine pour inciter les collectivités à être plus productives, moins cigales avec les deniers publics et plus raisonnables sur leurs embauches serait plutôt de mettre en place des critères, à la manière de la Révision Générale des Politiques Publiques, incitant les collectivités à fusionner entre elles et réduire leurs effectifs. Une des pistes à explorer serait de subordonner les dotations de l'Etat aux fusions entre échelons locaux et aux réductions de postes dans la fonction publique territoriale.