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Réforme de la fonction publique

Le Big Bang aura-t-il lieu ?

« Si le Big bang correspond au début de l'expansion de l'univers, alors non, il n'aura pas lieu ! » C'est ainsi qu'André Santin choisit de répondre à la question posée par l'iFRAP dans son colloque organisé en partenariat avec la Fondapol et le club des acteurs de la modernisation de l'Etat à Sciences Po, le lundi 27 avril 2009, sur le thème « Fonction Publique : le Big bang aura-t-il lieu ? » .

La Fonction publique représente un emploi sur cinq en France. Elle doit faire face à plusieurs défis :

Ce colloque fait suite à notre dossier sur la réforme de la Fonction Publique.

la modernisation de la gestion des ressources humaines, la simplification statutaire, les attentes des usagers et des fonctionnaires, ou encore la diffusion des nouvelles technologies. Pendant près de quatre heures, les intervenants ont analysé les difficultés de la France à moderniser sa fonction publique, et fourni des éléments de comparaison à l'échelle européenne. Deux pays ayant réussi la réforme de leur fonction publique, l'Italie et la Suisse, étaient représentés.

André Santini, Secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique convient, dans son discours d'ouverture, que la réforme de notre fonction publique « est urgente », à condition qu'elle se fasse « dans le consensus ». Cependant, il soutient que vouloir transposer chez nous la réforme de la fonction publique italienne ou suisse serait « méconnaitre les spécificités françaises ». Il s'agit de ne froisser personne, et de faire évoluer notre modèle progressivement, « en en conservant le meilleur ». Il propose pour cela de poursuivre la généralisation de la rémunération au mérite, de faire évoluer le mode de recrutement et de mettre en place une véritable politique de gestion des ressources humaines.

Voir la vidéo d'André Santini

La première table ronde du colloque s'attache à comparer la fonction publique française à celle de ses voisins. Elle débute avec la présentation, par Sandrine Gorreri, d'un tableau synthétique incluant des données chiffrées sur les fonctions publiques de quelques pays européens.

FranceItalieAllemagneSuèdeSuisseRoyaume-Uni
Population totale 65,0 60,0 82,0 9,1 7,6 61,0
Population au travail 25,5 23,2 38,1 4,5 4,4 28,4
Nombre de fonctionnaires 5,2 3,4 4,9 1,1 0,5 2,8
Fonctionnaires / Population au travail 20,4% 14,6% 12,9% 24,8% 11,2% 9,7%
- Sous Statut 81% 15% 38% 0% 0% 10%
- Sous Contrat 19% 85% 62% 100% 100% 90%
Indicateur de réduction des effectifs 95'-05' +1,1 -4,8 +0,0 -6,5 - +8,3
Calcul de la rémunération Corps, échelon, grade + primes aux responsabilités et à la performance Performance évaluée annuellement Mérite et ancienneté Négociation annuelle et individuelle. Pas d'avancement automatique Fonction, expérience et performance évaluée annuellement Responsabilités et performance

Franco Bassanini, ancien ministre italien de la fonction publique explique ensuite comment la réforme a pu être conduite en Italie. En fait, « plus un Etat est délabré, et plus il est facile de trouver le consensus nécessaire pour le réformer ». Si la réforme n'a pas produit tous les changements culturels escomptés en Italie, elle a tout de même amélioré l'efficacité et la perception par l'opinion d'une administration italienne «  obsolète, inefficace, couteuse et bureaucratisée ». Dans le cas de la France, il souligne donc l'importance de réaliser un consensus et pose pour cela la question de la représentativité des syndicats.

Voir la vidéo de Franco Bassanini

Pierre Bessard, de l'Institut Constant de Rebecque (Suisse), espère quant à lui que son pays pourra « inspirer la France ». La réforme intervenue en 2002 a aboli en Suisse le statut de fonctionnaire à la suite d'un référendum d'initiative populaire perdu par les syndicats. En effet, 67% des votants se sont exprimés en faveur de la suppression du statut. Depuis la réforme, il note une « meilleure implication des agents et une plus grande motivation ». En outre, il assure que l'administration Suisse a gagné en souplesse et en efficacité.

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Dominique Reynié, directeur de la Fondation pour l'innovation politique et professeur à Sciences-Po, conclut la première table ronde. Il estime qu'en raison de la mondialisation, la différence de statut entre les salariés du public et du privé s'est accentuée. La situation qui prévalait au cours les trente glorieuses, et qui voyait toutes les catégories de la population relativement protégées, a beaucoup changé. A présent, « l'emploi non délocalisable à vie » est porteur d'avantages « bien plus consistants qu'autrefois ». Les syndicats entretiennent pour Dominique Reynié la confusion entre fonction publique et service public ou entre statut et nombre de fonctionnaires, alors que ces problèmes « doivent être dédramatisés ». La France doit aujourd'hui faire « un choix crucial » : soit utiliser les ressources limitées dont elle dispose pour soutenir la création de richesses, la formation et l'avenir de ses jeunes, soit les utiliser pour soutenir sa fonction publique. Dominique Reynié fait le choix de réduire la part de richesses consommées par l'Etat et souligne qu'au-delà du coût, « le problème n'est pas seulement son poids dans la population active, mais aussi et surtout son poids dans la population électorale ».

Voir la vidéo de Dominique Reynié

Michel Sapin, député (PS) de l'Indre et ancien ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, ouvre la deuxième table ronde sur le thème : « la fonction publique peut-elle être réformée à l'instar de ses consœurs européennes ? » Il commence par assurer que « L'idée selon laquelle on peut tout réformer en un jour est fausse ». Au contraire, Michel Sapin estime que «  la réforme est un processus continu et dynamique » qui consiste à chercher en permanence des marges d'amélioration. Selon lui, « on ne fait pas une réforme pour faire des économies » et il rejette donc l'objectif du chef de l'Etat de non remplacement d'un départ en retraite sur deux. Néanmoins, il admet que « la réforme est absolument nécessaire dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres ». Pour réussir, elle doit s'appuyer sur la « simplification du statut » de manière à encourager la mobilité, et sur la « responsabilisation du dialogue social ».

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Jean-Michel Fourgous, député des Yvelines et coprésident du groupe de députés Génération Entreprise se demande, en guise de préambule : « Qui est au service de qui ? » Son expérience de dirigeant de PME lui permet d'affirmer que si l'administration n'a pas d'intention de nuire, elle méconnait totalement le secteur marchand. Les politiques ne sont pas en reste, et « ne comprennent pas non plus le processus de création de richesses ». Pour Jean-Michel Fourgous, le problème de la réforme de la fonction publique n'est ni de droite ni de gauche : « on ne peut pas rester durablement en dehors de ce qui est vrai ». Et ce qui est vrai, c'est que l'Etat doit être au service des Français et de la production de richesses. Pour cela, la modernisation de notre fonction publique doit réussir en mettant l'accent « sur le management et le facteur humain ». En outre, il regrette que toucher à la fonction publique reste en France « un sujet tabou ».

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Brigitte Jumel, secrétaire générale UFFA-CFDT, estime pour sa part que la fonction publique ne doit pas « être réformée » mais « se réformer ». Et elle se modernise et se réforme « déjà en permanence ». Pour Brigitte Jumel, la question du statut n'est pas taboue. C'est même une vraie question. Mais elle se demande « ce que cela changerait d'y renoncer ». La France a développé une culture de statut, et si on réforme, « on doit réformer avec ». Aucun progrès n'est à espérer pour Brigitte Jumel sans explication, pédagogie et adhésion des fonctionnaires. Le changement dans notre administration passe par la « modernisation en profondeur » de la gestion des ressources humaines.

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Dominique Coudreau, ancien directeur de l'ARH d'Ile de France et conseiller du président de la Générale de Santé, estime que la modernisation de l'hôpital public se heurte aux lourdeurs des règles du secteur public, et notamment au statut de la fonction publique hospitalière. Selon lui, le privé peut apporter au public « la culture du résultat et l'importance de la gestion des ressources humaines ».

Voir la vidéo de Dominique Coudreau

Bernard Zimmern, Président de l'iFRAP, « convaincu par chacun des intervenants », leur rend hommage pour la qualité et l'intérêt de leurs exposés. Il regrette que depuis le premier dossier de l'iFRAP sur la fonction publique paru en 1988, la situation « n'ait cessé de se dégrader ». Même aujourd'hui, avec le non remplacement d'un départ en retraite sur deux, le nombre de fonctionnaires continue d'augmenter : « En 2007, sur 80 000 départs en retraite, 30 000 n'ont pas été remplacés. Mais les effectifs de la fonction publique locale ont augmenté de 60 000 ! ». Le seul progrès est « la perception de ce poids », relativement récente. Bernard Zimmern propose de s'inspirer de l'exemple japonais, qui a fait le choix de plafonner par une loi le nombre total de fonctionnaires de l'Etat, et a fusionné tous les corps d'inspection dans un corps unique, rattaché au Premier Ministre. Le président de l'iFRAP propose aussi d'embaucher tout nouvel entrant dans la fonction publique sous contrat de droit privé. Mais cela « ne serait pas encore suffisant ». Pour que nos jeunes n'aient plus pour seule ambition de rentrer dans la fonction publique à 25 ans pour prendre leur retraite à 60 ans, il faut en plus remplir deux conditions fondamentales : « réformer les syndicats et créer massivement des emplois marchands ».

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