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Recrutement et management des fonctionnaires

« Titulaire d'une maîtrise de gestion cherche emploi d'agent administratif », « Bac professionnel cherche poste d'agent d'accueil », « Ingénieur informaticien cherche poste d'opérateur de saisie d'information » … Dans les entreprises, sauf cas exceptionnels, ces candidatures sont éliminées. Dans la fonction publique, on semble les privilégier.

Les 647 pages du rapport annuel de la direction générale de l'Administration et de la Fonction publique (DGAFP) constituent une somme remarquable : nombre de fonctionnaires, âge, ancienneté, salaire, retraite, niveau d'étude, répartition géographique, distribution par catégorie et de nombreux autres aspects. Un des tableaux les plus étonnants décrit l'écart entre le niveau d'études requis et celui auquel les nouveaux fonctionnaires sont embauchés. Le comble étant d'embaucher des bac + 4 et bac + 5 pour satisfaire 12 % des postes de la catégorie C située tout en bas de l'échelle de la fonction publique.

Si les entreprises évitent soigneusement ce genre de grand écart, c'est qu'il est rare qu'un employé « trop diplômé » soit performant dans une activité qui ne correspond pas à son niveau. La plupart deviennent rapidement une source de problèmes.

Premier problème : préjudices

Ce système pénalise d'abord les fonctionnaires dont la formation correspond bien au niveau requis par le poste. Le cadre de la fonction publique devrait pourtant être propice à la formation permanente et à une évolution de carrière des éléments les plus dynamiques, même si leur bagage initial est léger. En pratique, tout au long de leur carrière, ceux-ci seront « barrés » par leurs collègues surdiplômés et n'évolueront qu'à l'ancienneté. Ce problème est bien connu dans la haute fonction publique où les postes les plus prestigieux sont réservés aux élèves de l'ENA et d'autres écoles ouvrant directement la porte des Grands Corps. Mais le mal existe à tous les niveaux de la fonction publique. Cette situation est particulièrement injuste et démotivante pour ceux qui ont été recrutés au niveau « normal ».

Deuxième problème : gâchis

La plupart des salariés « trop diplômés » tombent tôt ou tard dans l'une de trois catégories : abrités, aigris ou résignés. Les premiers ont fait le choix, dès le début de leur carrière, d'un « boulot plus petit qu'eux » pour investir éventuellement leur énergie dans des activités extérieures (syndicale, familiale, sportive, politique, culturelle, sociale ou autre).

Avec le temps, il est fréquent qu'ils glissent vers les deux autres stades (aigris ou résignés), car les gens assument rarement toutes les conséquences d'une décision prise en début de carrière. Les aigris sont d'éternels mécontents, déçus à juste titre de ne pas pouvoir utiliser toutes leurs capacités. Les résignés vivent une vie de travail médiocre, mais s'en satisfont. Le recrutement de ces trois catégories de salariés inévitablement sous-utilisés n'aura été optimal ni pour eux-mêmes ni pour leur employeur.

Question à la HALDE

Refuser un candidat trop diplômé pour un poste constitue-t-il une discrimination condamnable ? C'est en tout cas, une preuve de sagesse.

Troisième problème : inefficacités

La performance de la fonction publique française est handicapée par le recrutement de trop de fonctionnaires inadaptés à leurs postes. On le voit par le surcoût de notre administration comparée à celle des pays étrangers, une qualité de service insuffisante et le désenchantement de trop nombreux fonctionnaires, même dans la période actuelle où leur situation devrait leur paraître enviable. Les Français sont donc les troisièmes victimes de cet étrange mode de gestion des ressources humaines.

Changer la méthode de recrutement

On peut envisager qu'un jeune diplômé ou un senior proche de la retraite accepte un poste sous-qualifié pour une période de courte durée. Mais dans le cadre de la fonction publique, ce recrutement de surqualifiés est particulièrement inadapté : les salariés y sont embauchés jeunes, y font des carrières complètes et les classifications rigides leur laissent peu d'opportunités de changer radicalement de position.

Dans les circonstances actuelles, la démarche des personnes qui préfèrent un poste de fonctionnaire sous-qualifié au chômage est compréhensible et seule la création massive d'emplois marchands pourra les faire changer d'avis. Créer un environnement économique qui, comme dans d'autres pays, favorise la création de millions d'emplois est d'ailleurs le principal objectif de l'iFRAP. Mais la vocation de la fonction publique n'est pas de recueillir les surdiplômés qui vont perturber le fonctionnement de l'administration et la carrière des autres salariés.

Le système actuel des concours de recrutement ne prend en compte que les connaissances livresques et néglige la motivation et l'adaptation au poste. L'anonymat des candidats est bien respecté, mais aux dépens de la prise en compte des besoins de l'administration. Dès l'embauche, la gestion des ressources humaines par l'État est désastreuse pour le salarié et pour la fonction publique. Changer cette première étape des carrières est essentiel.