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Prime au mérite dans la fonction publique

PFR pour « Prime de Fonctions et de Résultats ». En affichage, une petite révolution au sein de l'administration centrale. Quelque 200 000 fonctionnaires seront bientôt concernés par l'évaluation de leurs performances. Le maquis des primes actuelles étant peu à peu remplacé par cette PFR dont une part d'environ 60% est liée à la fonction de l'agent et l'autre part, d'environ 40%, est liée aux résultats de l'agent. Déjà, les attachés et attachés principaux de la filière administrative sont concernés. Et, dès 2010, les « chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs, experts de haut niveau » les rejoindront.

PFR « fonctions » a été fixée par décret entre 1750 et 21 000 euros tandis que la part « résultats » se situe entre zéro et 14 400 euros maximum par an. Si le montant de la part « fonctions » a vocation à rester stable dans le temps, la part liée aux résultats individuels est révisable en fonction des mérites de l'agent. Des montants qui peuvent inciter à la performance. Mais on peut se poser la question du réel impact que pourra avoir cette prime à la performance, à part peser un peu plus dans les dépenses publiques. En effet, le ministère de la Fonction publique s'est engagé auprès des syndicats à ce qu'aucun agent ne voie sa rémunération totale baisser la première année.

La position officielle est la suivante : « Lors du passage du régime indemnitaire actuel à la PFR, les montants indemnitaires individuels seront, a minima, maintenus et répartis entre la part liée aux fonctions et la part liée aux résultats individuels ». Ce seront donc quasiment toujours des primes en plus des salaires actuels, versées par l'Etat à ses agents, et non une meilleure répartition des primes existantes. En réalité, il y a tout lieu de penser qu'à elle seule, la part « fonctions » de la prime regroupant les nombreuses primes existantes restera fixe et que seule la part résultats sera réellement variable. Le ministère dit lui-même que « le montant de la part liée aux fonctions exercées ne devrait pas être modifié (…) De même, la part liée aux résultats individuels connaît une évolution annuelle en lien avec ce qui a été versé les années précédentes. »

Il semblerait que les syndicats aient ainsi obtenu des concessions du ministère puisque, dès octobre 2008, la FSU pour la fonction publique d'État et le SNUI-Sud-Trésor pour les impôts, s'étaient opposés à l'idée d'une prime au mérite arguant que « la logique du mérite individuel oppose les personnels entre eux » et qu'« une rémunération au mérite serait dangereuse et injuste ». Car tout est fait par le ministère pour rassurer les agents sur leurs futures évaluations, la formation des agents chargés de conduire les entretiens professionnels, la fiscalité de ces primes « le régime social et fiscal de la PFR est celui des autres primes » etc. Au point qu'on pourrait penser que rien ne changera en matière de motivation des agents à rendre un meilleur service.

Pour les syndicats, l'inquiétude était de devoir entrer dans un schéma où tous les agents n'auraient pas, à poste identique, des émoluments identiques, schéma qu'ils se sont consacrés à tisser depuis de nombreuses années pour fidéliser leur base. Ce qui fait dire à des agents non concernés encore par la prime au mérite « les syndicats qui ont voulu et exigé que les primes des catégorie C soient "démodulées" selon le terme technique, c'est-à-dire la même prime pour tous, à grade et échelon identiques, que l'agent travaille bien ou pas vraiment beaucoup. »

L'exemple du système canadien en matière de prime au mérite dans la fonction publique

« Le système canadien est sévèrement encadré. La part du personnel d'un ministère ou d'une agence donnée recevant la note de 5 ne doit pas dépasser 5 % de l'effectif, 25 % la note de 4, et 65 % la note de 3. on retrouve là les méthodes de dispersion salariale utilisées notamment par les cabinets de conseil en organisation. »

Source : Rapport de Jean-Ludovic Silicani, février 2004, sur la rémunération au mérite

Déjà en 2007, l'Inspection générale des finances avait mis en garde contre les risques de « forfaitisation » des primes à la performance et l'absence d'évaluation en bonne et due forme. On peut donc légitimement nourrir beaucoup d'inquiétudes face au dispositif de la PFR. Le risque est grand de voir donner la PFR au plus grand nombre d'agents indépendamment de la performance, au même titre que rares sont les notations d'agents qui ne soient pas au maximum. Par ailleurs, il ne semble pas qu'il y ait eu une évaluation du coût de cette réforme RH de la fonction publique. Comment cette évaluation serait-elle possible puisque le ministère explique à ses agents que « l'enveloppe de crédits de titre 2 de chaque ministère est inscrite dans le projet de loi de Finances. Il appartient à chaque ministère de communiquer sur le montant et les prévisions d'emploi de cette enveloppe » ?

Bref, une enveloppe à géométrie variable dans chaque ministère. Un bon ingrédient pour que les dépenses de personnels continuent à enfler malgré le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite. Au bas mot, selon notre chiffrage, au moins un milliard d'euros en plus de dépenses de personnels. Le projet de la prime au mérite a du bon mais il aurait pu judicieusement être négocié avec les syndicats en prévoyant que pourraient être rémunérés à la performance seulement ceux qui sortiraient du statut de la fonction publique et donc vraiment incités à ce que la qualité de leur service soit excellente. Car la limite de l'exercice est soulignée par les services eux-mêmes : « Les fonctionnaires sont dans une situation statutaire et réglementaire et n'ont pas vocation à négocier individuellement leurs conditions de rémunération. » La boucle de la PFR est bouclée et le coût de la masse salariale d'Etat n'est pas près de baisser.