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Pourquoi le nombre de fonctionnaires augmente-t-il toujours ?

L’INSEE vient de publier dans une récente note d’analyse (informations rapides du 13 décembre 2018 n°325) les premières statistiques avancées concernant le nombre de fonctionnaires (effectifs physiques) dans les trois fonctions publiques pour l’année 2017. L’institut statistique pointait du doigt « un emploi quasiment stable dans la fonction publique », alors même que les tendances spécifiques aux trois versants semblent plus contrastées. Décryptage.

Si l’on fait une analyse de l’évolution de l’emploi public total grâce aux statistiques de l’INSEE, on constate que depuis 2009, celui-ci s’est accru de 2,9% passant de 5,504 millions d’agents publics à près de 5,665 millions, soit +160.200 personnes.

Ces statistiques incluent bien entendu les contrats aidés. Or ceux-ci ont fortement varié sur la période, comme le montre la courbe suivante :

Il y apparaît que toutes fonctions publiques confondues, 2017 signe un retour remarqué à un nombre d’emplois aidés proche de celui des années 2009, c’est-à-dire à l’époque de la Grande Crise. En revanche, le quinquennat de François Hollande aura vu l’envolée du nombre des contrats aidés avec un pic en 2015 à 197.600 contractuels aidés. C’est en définitive parce que ce chiffre tombe de 26,6% en un an que l’emploi public total parvient à s’infléchir.

Si l’on regarde toutefois la courbe (orange) des effectifs de la fonction publique hors contrats aidés, la situation est plus inquiétante, elle continue de croître quasi-linéairement depuis 2011 jusqu’en 2017 pour atteindre 5,526 millions de fonctionnaires, soit un accroissement de 2,75% depuis 2009 (+147.700 personnes).

Le problème sous-jacent du recyclage des emplois aidés

Alors que les emplois aidés servent à remplir des postes en théorie « non-permanents », des vagues de « contractualisation » et de « titularisation » permettent à certains d’entre eux de se maintenir au sein de la fonction publique à l’issue de leur contrat, et d’accéder à des postes en théorie « permanents ».

Ces flux viennent du même coup « doper » le nombre des « entrées » dans la fonction publique en surcompensant les « départs ». Afin de bien mettre en exergue ce phénomène, nous avons regardé les statistiques de la fonction publique territoriale en exploitant en particulier les BIS (bulletins d’information statistique[1]) : nous avons ensuite décidé de débuter notre analyse à la date de 2009 car ainsi les effectifs ne sont plus tributaires de l’acte II de la décentralisation et des transferts de personnels afférents.

Nous observons à partir de 2009 une croissance très importante des effectifs de la FPT, liée à la montée en puissance des emplois aidés, qui émargent majoritairement auprès des employeurs publics territoriaux. Sur la période, l’emploi public territorial total s’accroît de 112.500 agents (76,1% de la croissance de l’emploi dans la FP totale). Cette part est très significative.

Mais si l’on regarde maintenant hors emplois aidés, la montée en puissance est plus modeste, représentant +95.600 agents. Nous avons retraité cette série des « contractualisations et titularisations » des anciens « contrats aidés ».  Elle apparaît alors « en gris ». On s’aperçoit que l’augmentation aurait alors été beaucoup plus modeste, de l’ordre de 55.000 agents. 42,46% de la hausse est donc expliquée directement par ces transferts en provenance des emplois aidés. C’est considérable. La mise en extinction programmée des emplois aidés constitue donc un préalable indispensable à un meilleur pilotage de l’emploi public hors contrats aidés. Car ces deniers pèsent à la hausse sur ces deux plafonds : soit en augmentant artificiellement les emplois non permanents, soit en faisant peser une « contrainte » de régularisation qui impacte les effectifs sur emplois permanents.

En réalité, le « halo » de l’emploi public ne sera véritablement levé que lorsqu’il sera possible de suivre également les « vacataires » et de les valoriser en rythme annualisé en constituant un agrégat de l’emploi public « élargi » sur postes non permanents plus fins. L’INSEE depuis quelques années a dû « sincériser » ces emplois publics (il en a résulté une augmentation de 901 ETP en 2013), d’autres entités publiques pourraient y arriver (comme par exemple le ministère de la Justice, ou la FPH). Seule une connaissance fine des effectifs et des dynamiques à l’œuvre (déprécarisation, etc.) devrait permettre de mieux piloter leur évolution et de parvenir à infléchir une tendance désormais récurrente depuis près de 10 ans.


[1] Voir en particulier les travaux suivants : http://www.maire-info.com/upload/files/bis_128_1.pdf, mais aussi, https://www.collectivites-locales.gouv.fr/files/files/BIS_107.pdf, https://www.collectivites-locales.gouv.fr/files/files/statistiques/brochures/bis_112.pdf, https://www.collectivites-locales.gouv.fr/files/files/statistiques/brochures/bis-effectifs-siasp2016_6-1_0.pdf