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Pas de réforme de l'Etat sans réforme des collectivités territoriales

Longtemps considérées comme un acteur secondaire dans la réforme de l'Etat, les collectivités locales deviennent aujourd'hui un obstacle incontournable si l'on veut réduire la dépense publique, devenue insupportable. Alors que les états-majors politiques préparent les prochaines échéances des régionales de 2010, le monde politique s'agite autour de la future réforme des collectivités locales issue des réflexions du comité Balladur.

Celui-ci ayant remis ses conclusions en mars dernier au Président de la République, la discussion d'un projet de loi aurait dû commencer avant l'été. Mais le retard pris dans les arbitrages que comporte cette réforme repoussera sans doute à la fin de l'année le débat parlementaire.

Cette réforme comporte plusieurs axes importants dont il a déjà été question dans la presse :

- Le regroupement volontaire de régions ou de départements qui a largement fait débat (le rapprochement des deux Normandie…)

- La possibilité de désigner dès 2014 par une même élection 3000 conseillers territoriaux, fusion des conseillers régionaux et départementaux (permettant de réduire ainsi de moitié leur nombre), est le point de blocage du gouvernement qui peine à trouver un mode de scrutin qui satisfasse les élus locaux et explique le retard pris par le projet de loi.

- La création des métropoles, sorte de super-communes, et la création du Grand Paris.

- Enfin, des annonces ont également été faites concernant les intercommunalités afin de rendre plus lisible l'organisation de cet échelon récent parmi les quatre niveaux de collectivités locales (communes, intercommunalités, départements, régions).

En matière fiscale, la partie s'annonce plus ardue avec la réforme de la taxe professionnelle. Le comité Balladur avait aussi évoqué la révision de bases foncières des impôts locaux, le sujet est aussi très délicat.

La question de la clarification de la clause générale de compétences qui est l'une des composantes de la libre administration des collectivités locales devrait aussi être évoquée mais peut-être dans un projet de loi distinct : il s'agirait de confirmer la spécialisation des compétences des régions et des départements et la compétence générale pour les communes. Ce point est important puisqu'il devrait permettre aussi de clarifier les compétences entre les collectivités locales et l'État, source de dépenses et de doublons aberrants.

Un dernier point évoqué par le comité Balladur paraît très important : il s'agit de définir dans le cadre d'un débat annuel au Parlement, un objectif annuel d'évolution de la dépense publique locale, à l'image de ce qui se fait pour les dépenses d'assurance-maladie.

Actuellement le total des dépenses des collectivités locales représente 200 milliards d'euros, 20% de la dépense publique. Dans un rapport sur l'évolution de la dépense publique réalisé à l'occasion du PLF 2009, Bercy avait mis en évidence que la dépense publique locale avait connu la croissance la plus forte de toutes les administrations (Etat, Sécurité Sociale) particulièrement depuis 2000.

Nombre d'élus locaux, voudraient nous faire croire que ce phénomène s'explique par un certain nombre de transferts de charges : certes il y a eu la régionalisation ferroviaire, APA, RMI, transferts de personnels liés à la décentralisation. Mais pas seulement ! Les dépenses hors transferts représentent la moitié de l'augmentation du total des dépenses des administrations locales (dans ce graphique elles sont rapportées au PIB).

L'envolée des dépenses de personnel est une des causes de cette augmentation : outre que l'intercommunalité n'a pas permis d'économies d'échelle, bien au contraire, les effectifs sont à la hausse dans tous les échelons.

Résultat, d'après Bercy, « En 2007, l'évolution de la masse salariale locale, après neutralisation de l'impact des compétences transférées au titre de cette année, contribuerait pour environ 0,3 point à la croissance de la dépense publique ». Car si la fonction publique d'Etat a vu ses effectifs diminuer de 2,4% en 2007, les effectifs de la fonction publique territoriale augmentent dans le même temps de 5,2% ! Depuis 1996, c'est près de 40% d'augmentation quand l'emploi total (public+privé) n'a progressé que de 15%.

Cet objectif d'évolution de la dépense locale est donc une première étape fondamentale pour qu'un débat s'engage au Parlement mais aussi dans l'opinion publique. A l'heure où les contribuables vont bientôt recevoir leurs impôts locaux et où les exécutifs expliquent que la crise ne leur laisse d'autres choix que d'augmenter les impôts, il faut que tous les élus prennent conscience que la réforme de l'Etat passe aussi par une plus grande efficience de l'action des collectivités locales. Ce débat au Parlement ne sera sans doute pas mis en place, faute de temps, lorsque nous voterons l'année prochaine pour les régionales. C'est bien dommage !