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Oui aux bâches publicitaires sur les monuments

... elles couvrent une partie des frais de rénovation

L’information a été rapportée par l’AFP avant d’être rediffusée largement dans les médias hexagonaux : au cours de la deuxième séance du 19 mars 2015 à l’Assemblée nationale, dans le cadre de la discussion du projet de loi relatif à la biodiversité, la députée du groupe écologiste Mme Laurence ABEILLE, a déposé un amendement (n°1005) adopté en séance (voir verbatim), contre l’avis de la rapporteur, Mme Geneviève GAILLARD et de la ministre de l’Écologie, Mme Ségolène Royal. Or celui-ci propose ni plus ni moins que la suppression des bâches publicitaires positionnées sur les échafaudages des bâtiments publics, historiques ou classés, en vertu de l’article L.621-29-8 du Code du patrimoine. 

La députée écologiste a fait preuve d’une belle continuité puisqu’elle avait déjà proposé un amendement similaire (n°638) en commission, qui n’avait pas lui non plus suscité l’assentiment, et qui de plus risquait de se présenter dans le cadre plus large de la biodiversité, objet du texte en discussion, comme constitutif d’un cavalier législatif[1].

Il est important de noter que l’article L.621-29-8 introduit dans le code du patrimoine à partir de la loi GRENELLE 2[2], avait déjà donné lieu à des échanges nourris notamment s’agissant des pouvoirs du maire, d’édicter un règlement local permettant l’autorisation de ces bâches[3].

Or, il n’échappera à personne qu’en interdisant les bâches publicitaires sur les bâtiments publics comme portant atteinte à l’article L.581-1 du code du patrimoine qui interdit la publicité à l’intérieur des agglomérations (et en particulier à moins de 100 mètres et dans le champ de visibilité des immeubles classés parmi les bâtiments historiques ou inscrits à l’inventaire supplémentaire), la députée fait une lecture littérale d’une supposée contradiction entre les deux dispositions du code du patrimoine, alors que précisément l’installation des bâches en question est entendue comme « provisoire », puisqu’érigées uniquement à la faveur de travaux de ravalement ou de restauration (et sur autorisation administrative expresse).

Espérons que cette tentative, malheureusement couronnée de succès, se révèlera sans lendemain. En effet, les recettes publicitaires tirées de la location de ces emplacements verticaux constituent autant d’attribution de produits au bénéfice des communes comme des ministères, en permettant le financement, et même parfois l’autofinancement, des opérations projetées. L’APIE (agence pour le patrimoine immatériel de l’État) qui cherche à valoriser ces espaces, en a tiré de jolies recettes : comme par exemple s’agissant de la Maison de la France à Berlin. La « valorisation publicitaire » des échafaudages avait permis de dégager 700.000 euros permettant de financer les travaux d’entretien du bâtiment[4]. Une telle opération avait été rendue possible par l’intermédiaire du décret 2009-151 du 10 février 2009[5] relatif à la rémunération de certains services rendus par l'État consistant en une valorisation de son patrimoine immatériel, en particulier en son article 2, 7°) qui prévoit la « mise à disposition temporaire d'espaces ou vente d'espaces sur tous supports à des fins publicitaires, de communication ou de promotion ».

Si la Fondation iFRAP n’a pas toujours été d’accord avec les orientations prises par l’APIE s’agissant de la tarification des redevances de réutilisation des données publiques dans le cadre de la mise en place d’une politique volontariste d’Open Data, elle reconnaît que les pouvoirs publics devraient réagir au plus vite afin d’éviter que ces ressources exceptionnelles bienvenues, ne fassent défaut. L’autofinancement des travaux d’entretien lourds devrait constituer un objectif prioritaire pour le gouvernement. Le financement de cet entretien est actuellement dans le cadre de la PIE (politique immobilière de l’État) du ressort de l’État propriétaire[6] et plus précisément soutenu par le programme 309 du Budget de l’État (soit 166 millions d’euros pour 2015). Il va de soi que la possibilité offerte de soutenir cette politique par des ressources externes partiellement extrabudgétaires (elles peuvent faire l'objet de crédits évaluatifs), permettrait d’alléger le fardeau immobilier de l’État et de dégager des marges de manœuvres (et de trésorerie) renforçant la contribution des ventes immobilières de l’État aux travaux de gros œuvres plus structurants, vers des acquisitions avantageuses (redéploiement et dépaysement des services dans le cadre de la rationalisation des implantations des ministères) ou vers le désendettement.

Il s’agit par ailleurs d’un coup dur pour l’entretien des bâtiments publics ou historiques qui dépendent de la responsabilité des collectivités territoriales. Lors de la discussion en commission la rapporteur spéciale du projet de loi mettait d’ailleurs clairement en évidence l’impact budgétaire d’une telle mesure pour les collectivités : « Du reste, ces bâches font preuve d’une certaine qualité esthétique, et rapportent un peu d’argent aux collectivités –l’Île-de-France récupère ainsi plusieurs millions d’euros, ce qui facilite la restauration de certains bâtiments.[7] »

Laisser passer cet amendement au Sénat ou ne pas le retoquer ensuite en seconde lecture à l’Assemblée nationale, serait donc constitutif d’une grave erreur qui toucherait autant l’État que les collectivités territoriales[8] en les attaquant en période d’ajustement budgétaire directement au porte-monnaie. Cet amendement est décidément incompréhensible.


[1] Voir le rapport de Geneviève Gailliard n°2064, du 26 juin 2014, p.464,

[2] Voir ici pour les débats et ici s’agissant du dossier législatif

[3] En particulier pour l’UMP, le député Lionel TARDY avait fait part de ses inquiétudes de voir des bâches érigées même de façon non provisoires y compris sur des bâtiments non restaurés ou laissés à l’abandon, voir son amendement n°237,

[4] Voir Figaro

[5] Voir Legifrance

[6] Voir en particulier les développements du récent référé en date du 30 décembre 2014 de la Cour des comptes n°71427 relatif au bilan de la politique immobilière de l’Etat, en particulier, p.12.

[7] Voir rapport p.464 op.cit.

[8] Surtout si l’on se positionne comme nous le proposons sur une évolution des missions des communes pour récupérer des attributions culturelles renforcées dans le cadre d’un approfondissement de la décentralisation culturelle.