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Loi anticasseurs : son efficacité dépendra des magistrats

Tous les mercredis, avant le Conseil des ministres, Le Macronomètre, l'observatoire des réformes du gouvernement, lancé par la Fondation iFRAP, attribue une note aux réformes d'Emmanuel Macron. La note de la semaine du Macronomètre est présentée dans le Figaro. Cette semaine : 6/10 pour le projet de loi anti-casseurs adopté par les députés.

À la suite des nombreux heurts qui ont émaillé la mobilisation des « gilets jaunes », l'Assemblée nationale a adopté mardi la proposition de loi dite « anticasseurs ». Celle-ci comprend un volet préventif et un volet répressif, son objectif étant de renforcer notre cadre juridique afin de mieux prévenir les phénomènes de violence dans les manifestations. Déjà examiné en Commission des lois, le texte a été remanié par les députés qui craignaient une atteinte excessive à la liberté de manifester.

L'article 1er, notamment, qui prévoyait la délimitation de périmètres de protection par arrêté préfectoral à l'occasion d'une manifestation sur la voie publique, a été supprimé. Concrètement, des palpations de sécurité ainsi que des inspections visuelles et des fouilles de bagages, auraient pu être réalisées à l'entrée et à l'intérieur dudit périmètre. Outre les atteintes portées aux droits fondamentaux, la majorité LREM a estimé que l'efficacité opérationnelle de ce dispositif demeurait incertaine, ce qui a pu être confirmé par certains membres des forces de l'ordre.

Pas de nouveau fichier destiné à répertorier

Les députés ont en revanche autorisé les préfets à prononcer (article 2) à l'encontre de toute personne susceptible de représenter une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public, une interdiction de manifester. Disposition phare de la nouvelle loi, celle-ci devrait se révéler utile, notamment parce qu'il est généralement complexe d'interpeller les « casseurs » lors d'une manifestation.

Les députés se sont en revanche opposés à la création d'un nouveau fichier destiné à répertorier les individus visés par des mesures administratives et judiciaires d'interdiction de manifester. Pour remplacer ce fichier, il est prévu que les peines complémentaires d'interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique, seront inscrites au fichier des personnes recherchées. La portée de cette mesure doit être relativisée : d'une part, seules 32 condamnations ont été assorties d'une peine complémentaire d'interdiction de participer à une manifestation sur la voie publique entre 1995 et 2017 et d'autre part, en l'état, les mesures d'interdiction administratives sont exclues du dispositif.

S'agissant du volet répressif, les députés ont confirmé que la dissimulation volontaire du visage dans une manifestation deviendrait un délit puni d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende (contre 1.500 euros aujourd'hui), ciblant ainsi expressément les casseurs cagoulés. Les députés ont souhaité encadrer ce nouveau délit en prévoyant que ne seraient visés que les comportements délibérément fautifs de personnes qui cachent leur visage afin d'échapper à une identification par les forces de l'ordre. Cette mesure devrait s'avérer utile en permettant l'interpellation et le placement en garde à vue des auteurs de l'infraction. Néanmoins, il est à craindre que la démonstration d'une intention individuelle de commettre des violences se révèle délicate dans les faits.

Frapper les casseurs au portefeuille

Enfin, la proposition de loi prévoit d'accroître l'efficacité du régime de responsabilité civile en matière de dommages causés à l'occasion d'une manifestation. L'idée, tout à fait pertinente, est de s'en prendre au portefeuille des casseurs. Si cette mesure reprend en grande partie le droit existant, elle en facilitera la mise en œuvre.

Ainsi, si cette loi cherche à doter les pouvoirs publics d'un arsenal juridique plus adapté pour faire face à la radicalisation des casseurs, l'efficacité de ces mesures reposera en grande partie sur les magistrats : se prononceront-ils pour condamner les casseurs à des amendes importantes ? À un an de prison? Les interdictions de manifester pour les individus seront-elles respectées et contrôlables par les forces de l'ordre ? Les casseurs seront-ils condamnés à payer leurs destructions matérielles de mobilier urbain, de commerces ? Dans une manifestation, identifier un cas de flagrant délit est très difficile, sauf à aller au contact pour interpeller dans l'action avec des risques d'affrontements très violents. Une boîte à outils, donc, mais pas une assurance d'observer moins de casse dans les prochaines manifestations. Tout dépendra des magistrats, au risque de renforcer le sentiment d'impunité si l'application du texte est faible.