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Les primes d'installation des fonctionnaires dans les DOM

L'exemple de l'indemnité particulière de sujétion et d'installation (IPSI)

Les fonctionnaires de l'État mutés dans les DOM (départements d'outre-mer) ou les « domiens » affectés en métropole bénéficient depuis les décrets n°2001-1225 et 2001-1226 du 20 décembre 2001 d'un dispositif d'accompagnement indemnitaire spécifique lors de leur première mutation hors ou vers ces territoires. Cette indemnité qui ne coûte pour l'ensemble de l'outre-mer que 26 millions d'euros environ n'est qu'une goutte d'eau par rapport au coût des compléments de rémunération des fonctionnaires dans les DOM (soit près de 800 millions d'euros/an). Baptisée IPSI pour indemnité particulière de sujétion et d'installation, cette prime vise à accroître l'attractivité géographique de ces territoires éloignés de la France, elle est par ailleurs cumulable avec d'autres dispositifs existants tels que les majorations de traitement, les indexations de traitement et les indemnités logement outre-mer.

On comprend dans ces conditions que le dispositif ait été réformé et unifié partiellement récemment par le décret n°2013-314 du 15 avril 2013 portant création d'une indemnité de sujétion géographique (ISG). L'enjeu : mieux maîtriser le volume de ce complément de rémunération dont le volume oscille entre 2,7 et 1,84% du montant total des compléments de rémunération accordés aux fonctionnaires d'État en poste dans les DOM.

200620072008200920102011Évolution %
Évolution de l'IPSI 22.122.573 20.228.459 22.405.664 22.691.018 14.212.757 20.811.113 -5,93%
Compléments de rémunération DOM 806.300.399 798.561.700 786.218.365 771.317.248 773.894.122 802.645.159 -0,45%
Proportion % 2,74% 2,53% 2,85% 2,94% 1,84% 2,59% -5,50%
Source : DPT Outre-mer, tableau C annexes Complément de rémunération des fonctionnaires en activité, champ constant. iFRAP 2013

L'IPSI n'est pas accordée à tous les fonctionnaires de l'État résidant dans les DOM, elle s'adresse aux fonctionnaires d'État et magistrats titulaires ou stagiaires envoyés en première affectation pour un minimum de 4 ans en Guyane, à St Barthélémy et St Martin (îles du Nord de la Guadeloupe), tandis que les autres territoires « domiens » jusqu'au décret du 15 avril dernier, ainsi que St Pierre-et-Miquelon, faisaient bénéficier leurs fonctionnaires récemment arrivés depuis d'autres zones géographiques (essentiellement de métropole en réalité) d'une indemnité alternative, la Prime spécifique d'installation pour un engagement de même durée. L'IPSI n'est pas cumulable lorsque la mutation sur zone s'effectue au bénéfice d'un couple de fonctionnaires, et n'est pas mobilisable non plus à l'occasion d'une réaffectation depuis un autre territoire « DOMien ou COMien », si bien que la plupart des fonctionnaires font jouer, puisqu'il s'agit d'un pourcentage du traitement de base, le traitement de base le plus important du couple (s'ils sont tous les deux fonctionnaires), en sachant toutefois que cette possibilité n'est offerte qu'une seule fois dans une carrière.

La technique mise en place dans le cadre de la nouvelle ISG

En élargissant le bénéfice de l'ISG à St-Pierre-et-Miquelon, les pouvoirs publics « rabotent » en réalité la « PSI » prime spécifique d'installation des bénéficiaires de St Pierre-et-Miquelon. Ceux-ci jouissaient jusqu'en avril en effet d'une prime représentant 12 mois du traitement indiciaire de base liquidable en trois fois, à l'installation (première année), au début de la troisième année et au bout des quatre ans de service y ouvrant droit. Désormais, l'ISG voit ses montants considérablement restreints comme le montre le tableau suivant :

Anciennes primes < 13 avril 2013Nouvelle prime > 13 avril 2013
IPSIISG
Principes de liquidation revalorisé au moment de la liquidation, 1er, 3e, 4e année, selon le rythme 6 mois, 5 mois, 5 mois Liquidation par tiers du nombre de mois de référence, au taux à l'entrée en fonction (1ère année)
Guyane 16 mois du traitement de base 10 à 20 mois / zones géographiques
St Martin 10 à 16 mois / zones géographiques
St Barthélémy 6 mois
St Pierre et Miquelon 12 mois, même liquidation 4 mois (autrefois dispositif PSI) 6 mois
Source : Fondation iFRAP 2013

Afin de tenir le volume de l'enveloppe budgétaire, enveloppe qui tend en réalité à croître puisque St Martin et St Barthélémy sont entre-temps devenues des COM (collectivités d'outre-mer) et sont donc « sorties » budgétairement de l'enveloppe DOM [1], les pouvoirs publics ont joué sur deux leviers afin de réduire la facture :

- D'une part, moduler davantage la nouvelle ISG (indemnité de sujétion géographique) en en réservant la version majorée (jusqu'à 20 mois) pour les fonctionnaires en postes dans les zones les plus difficiles (zones de jungle par exemple en Guyane), en fonction de la localisation domiciliaire en cité administrative. Corrélativement les affectations les moins exposées voient leurs droits à indemnités rabotés par rapport aux anciennes IPSI.
- D'autre part, les pouvoirs publics ont désindexé les indemnités qui auparavant étaient revalorisées en fonction du traitement indiciaire de base légal au moment de la liquidation effective (ce qui pouvait évoluer sensiblement entre la première et la quatrième année, dates extrêmes de la liquidation).

Une technique que l'on voudrait voir généralisée à l'ensemble des compléments de rémunération

Le volume de l'ensemble des compléments de rémunération semble baisser sur le champ des DOM entre 2006 et 2011 [2] de -0,45%. En réalité, un certain nombre de biais doivent venir corriger cette première impression. D'une part, il existe des effets de périmètre avec la reconnaissance comme collectivités ultramarines (COM) des territoires jusqu'alors rattachés à la Guadeloupe de St Barth et St Martin. Par ailleurs, les documents budgétaires eux-mêmes ont été tenus de façon différente dans le temps, si bien que la répartition en fonction des compléments de rémunération a pu varier dans le temps. Ainsi par exemple l'indemnité de logement outre-mer n'apparaît qu'en 2011, mais existait déjà auparavant. Par ailleurs, l'indemnité d'éloignement n'est mentionnée qu'en 2006 et 2011 et n'est pas documentée sur les années intermédiaires.

200620072008200920102011Évolution
Majoration de traitement 672.233.191 756.799.289 743.655.025 684.354.942 682.384.583 745.495.613 10,90%
Indexation de traitement 87.336.601 5.648.710 5.601.010 53.698.493 66.846.748 6.125.314 -92,99%
Prime spécifique d'installation 10.417.853 15.885.242 14.556.666 10.572.795 10.450.034 9.999.177 -4,02%
Indemnité d'éloignement 14.190.181 0 0 0 0 19.600.772 38,13%
Indemnité logement outre-mer 0 0 0 0 0 613.170
IPSI 22.122.573 20.228.459 22.405.664 22.691.018 14.212.757 20.811.113 -5,93%
Total 806.300.399 798.561.700 786.218.365 771.317.248 773.894.122 802.645.159 -0,45%
Source : DPT outre-mer 2008-2013.

Un certain nombre de constantes apparaissent : par exemple, le montant des majorations de traitement est en augmentation importante en 6 ans avec un taux d'appréciation de +10,9%, cette croissance contrebalance la décrue importante sur la même période de l'indexation de traitement qui en raison du gel du point d'indice a fortement ralenti en 2011. Par ailleurs, PSI et IPSI semblent baisser de 4,02 et 5,93%. En réalité cette évolution est en grande partie la résultante d'une montée en puissance des compléments de rémunération dans les COM au sein de la même enveloppe budgétaire transversale, entre 2006 et 2011 en effet, les compléments de rémunération dans les COM se sont appréciés de près de 121 millions d'euros, en passant de 319 millions d'euros à près de 440 millions d'euros. Cela représente donc une croissance de près de 38%.

Dans ces conditions, l'action pionnière du gouvernement s'agissant de l'IPSI est tout à fait méritoire. Elle nécessiterait cependant de se voir prolongée par une réflexion d'ensemble sur les autres compléments de rémunération délivrés aux fonctionnaires d'État en poste dans les DOM et de se voir élargie aux COM. Plus que jamais il faut entrer en matière indemnitaire dans une logique de modulation et oser la désindexation.

[1] Le total de l'IPSI est évalué pour l'ensemble des DOM et des COM à 26,4 millions d'euros, contre 21,4 en 2010 et 23,4 en 2009, ce qui montre que c'est le segment COM qui est le plus dynamique (donc hors Guyane). À comparer en effet aux chiffres donnés sur le champ DOM de 20,8 en 2011, 14,2 en 2010 et 22,7 en 2009.

[2] Il n'existe pas de chiffres plus actuels dans les documents budgétaires annexés au PLF.