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La Cour des comptes épingle une administration inutile

La Cour des comptes épingle dans son rapport annuel 2009 l'Agence pour le financement des infrastructures de transport de France (AFITF).
La Cour propose ni plus ni moins dans ses conclusions et recommandations que : « la suppression de l'AFITF en intégrant ses activités dans la nouvelle DGITM (Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer) ».
La DGITM est en effet désormais compétente, sauf en matière aérienne, pour l'ensemble des modes de transports et doit assurer la programmation pluriannuelle hiérarchisée des infrastructures de transport.
Un exemple de ce que devrait être le contrôle d'efficacité de la Cour relatif aux services publics et à leurs organes d'administration : des évaluations chiffrées et des propositions claires.

L'AFITF (Agence pour le Financement des Infrastructures de Transport de France) a été créée en 2003. Son statut d'établissement public a été précisé par le décret n°2004-1317 du 26 novembre 2004 modifié par le décret n°2006-894 du 18 juillet 2006.
Son rôle consiste théoriquement dans le financement de l'ensemble des interventions de l'Etat dans les infrastructures de transport quelle qu'en soit la forme avec un élargissement de ses missions en 2006 pour les investissements dans les contrats de projets Etat-Région élargies encore en 2008 avec les programmes de mise en sécurité des usagers et des tunnels.
Les magistrats de la Cour démontrent qu'il ne s'agit que d'un simple fonds d'investissement, à l'instar des nombreux qui l'ont précédé : Fonds spécial d'investissement routier, Fonds spécial de grands travaux, Fonds pour l'aménagement de l'Ile-de-France, Fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables.

Le casse-tête du budget de l'AFITF

Pour un budget total pluriannuel 2005-2012 de 16,9 milliards € (hors plan de relance), l'agence voit dans l'immédiat son financement menacé.

Les ressources de l'Agence étaient constituées en 2004 par les dividendes des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroute (SEMCA).
A partir de leur privatisation en 2006, ces ressources devaient être compensées par le produit de la privatisation de ces sociétés, produit sur lequel l'AFITF récupère 4 milliards.
A partir de 2008, la dotation sur produit de privatisation est totalement consommée, ce qui nécessite le versement d'une subvention d'équilibre de l'Etat pour couvrir un budget annuel de l'ordre de 2 à 2,5 milliards €.
Le bouclage du budget de l'agence étant complété par le produit des taxes d'aménagement du territoire et de redevances domaniales assorti d'une partie du produit des amendes routières.

Puisque l'ensemble des recettes pérennes issues du produit des taxes et redevances domaniales s'élèvent à 1 milliard d'€, l'Etat a alloué une subvention d'équilibre de 1,2 milliard d'€ au sein du budget 2009.

Subvention qui devrait être amenée à décroître dans l'avenir à 1,1 milliard en 2010, et 0,2 milliard en 2011, date d'entrée en vigueur de l'éco-taxe prélevée sur les poids-lourds et dont le produit sera en définitive réparti entre les collectivités locales (qui vont ainsi recevoir une nouvelle subvention) et l'AFITF qui en percevra 880 millions d'€.

Mais ce nouveau financement est loin d'être dénué d'effets pervers.

L'agence ne dispose pas, en outre, de la « maîtrise » des crédits qui lui sont alloués par les pouvoirs publics, pas plus qu'elle ne peut en sélectionner les destinataires.

L'Agence accepte ainsi les projets de financement qui lui sont soumis sans pouvoir sélectionner les investisseurs (cette compétence en amont appartenant à l'administration), se bornant à « formaliser le financement des projets d'infrastructure », c'est-à-dire à assurer la mise au point technique des différentes conventions des investissements pré-sélectionnés.

Elle agit donc comme une simple caisse qui reçoit les subventions d'investissement de l'Etat et les ventile en retour entre cofinancements alloués au maître d'ouvrage (RFF, autorités organisatrices) pour 35% des subventions étatiques reçues et fonds de concours qui font retour à l'Etat à hauteur de 65% de ces mêmes subventions concernant les contrats de plan ou de projet Etat-Région.

Ainsi, l'AFITF se trouve-t-elle depuis l'origine dépossédée des missions qui devraient normalement incomber à une véritable agence.
Elle ne sélectionne pas les investisseurs, ne formalise que les contrats d'investissements et ne s'occupe pas de l'allocation de 2/3 d'entre eux. Cour des comptes comme sénateurs sont critiques sur l'opacité de gestion de l'AFITF, ceux-ci déplorent en effet « une déperdition conséquente d'informations sur l'allocation effective des crédits » au sein des documents budgétaires ; « Les éléments contenus par [ceux-ci] sont parcellaires et éparpillés ».

Les effets pervers posés par la régulation taxes/subventions l'éco-taxe poids-lourds

Le mécanisme qui a présidé à la stratégie de financement de l'AFITF (création d'un simple fonds d'investissement), et la méthode employée par les pouvoirs publics pour administrer la filière transport répond à un système mis en lumière par l'éditorial de Bernard Beauzamy, dans la lettre de décembre 2008 de la Société de calcul mathématique (SCM).
Celui-ci met en exergue le caractère contradictoire de la régulation étatique tout particulièrement en matière de taxes et de subventions.

Sa démonstration pouvant se schématiser comme suit (considérant une activité soumise à la concurrence internationale comme le transport routier) :

- des préoccupations environnementales vont impliquer dans un premier temps sa progressive réglementation, souvent par l'intermédiaire de mesures de nature fiscale (dans le cas d'espèce, par des taxes comme la taxe à l'essieu et bientôt éco-taxe à prélever sur les poids-lourds en 2011).
- puis le secteur économique mis en difficulté par cette fiscalité dérogatoire (sans même remarquer qu'elle se reporte mécaniquement sur le consommateur final, qui est le vrai payeur de la taxe) par rapport à ses concurrents internationaux vis-à-vis de ses destinataires (qui veulent préserver leurs marges), parvient à arracher des mesures dérogatoires pour soutenir les emplois de ce secteur économique. Le gouvernement accorde alors niches fiscales et subventions pour soutenir la filière.
- Il en résulte des coûts administratifs supplémentaires croissants puisqu'il faut percevoir les taxes et offrir les subventions, contrôler leur bon usage, ce qui accroît l'emprise de l'administration qui s'ingénie à « réguler le secteur ».

Ainsi que le conclut l'auteur, « Le système taxe/subvention, aboutit-il au moins au but recherché ?(…) Réduit-il le nombre de poids-lourds ? Evidemment non […] De même, il y a une évidente demande pour le transport de biens et de personnes ; si nos industriels sont pénalisés, elle sera assurée par d'autres. » Une réflexion précieuse qui méritait d'être exposée.

La future éco-taxe poids-lourds servant à financer l'AFITF à partir de 2011 est une parfaite illustration de ces effets pervers (prévue à la fois par l'article 10 du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l'Environnement, au point VI, et l'article 153 du projet de loi de finances pour 2009). Cette taxe, dont l'échéance a été repoussée à 2011 par les parlementaires (prévue initialement pour 2010), a permis d'intéresser les collectivités locales à sa levée (elles en percevront une part), afin d'en asseoir définitivement le principe.

Une difficulté de présentation qui cache mal une complexité accrue des circuits de financement des investissements dont l'Agence n'est même pas chargée d'assurer le suivi.
Une complexité qui se retrouve naturellement dans son budget .

A l'issue de l'examen attentif des comptes de l'AFITF, la Cour des comptes ose poser la question de supprimer l'agence.
L'un des effets de cette suppression serait d'ailleurs une simplification attendue des circuits de financement des investissements dans les infrastructures de transport : en supprimant la subvention actuelle de 1,2 milliard, dite d'équilibre, tout en majorant du même montant les crédits routiers du budget de l'Etat, il serait possible de faire l'économie des frais de fonctionnement de l'Agence, tout en clarifiant la présentation des comptes publics.

Les adversaires de la suppression de l'agence avancent son rôle dans la protection contre les régulations des budgétaires de Bercy toujours à la recherche de coupes claires dans les budgets publics. Mais ces arguments sont légers face à l'opacité budgétaire de l'agence et à la complexité des circuits de financements.
Des difficultés que le gouvernement entend conjurer en associant l'AFITF à la programmation pluriannuelle des investissements en la chargeant de leur suivi.

La Cour, quant à elle, prône le transfert des attributions de l'AFITF à la nouvelle DGITM (direction générale des infrastructures de transport et de la mer) et souhaite lui adjoindre un « comité des engagements » pour en assurer le pilotage interministériel.

La meilleure démonstration de volonté de transparence serait de permettre à des parlementaires de siéger au sein de ce « comité des engagements » et d'obliger la nouvelle structure à rendre un rapport annuel ce qui permettrait de suivre les progrès réalisés en matière de coût, de gestion et de transparence.