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Fonction publique, l'heure de la réforme a-t-elle sonné ?

Cela fait tout juste un an, le rapport du conseiller d'État Jean-Ludovic Silicani faisait le constat d'une fonction publique française non encore rénovée et soulignait : « la France est, avec l'Espagne, l'un des seuls pays d'Europe occidentale dans lequel les agents employés par des opérateurs publics pour l'exécution du service public administratif relèvent presque exclusivement d'un régime de droit public. (…) Des quatre pays disposant historiquement d'un système de fonction publique de carrière, à savoir l'Espagne, l'Italie, le Portugal et la France, notre pays est le seul à ne pas avoir entrepris de réforme d'ampleur de sa fonction publique depuis vingt ans ».

Cet article a été publié dans la Tribune du 27 avril 2009

Sur ce sujet, lire aussi notre dossier sur la réforme de la fonction publique paru dans la revue de l'iFRAP, Société Civile n°86

Ce rapport, présenté comme la base d'une réforme profonde à venir de la fonction publique, pose un diagnostic lucide mais reste en retrait sur les propositions. Ainsi, le rapport, s'il propose 7 filières professionnelles et l'embauche de plus de contractuels, ne remet pas en cause le principe de fonction publique de carrière qui garantit l'emploi à vie. Depuis, le ministère de la Fonction publique, sous la houlette du ministre Eric Woerth et du secrétaire d'Etat André Santini, s'est appliqué à ouvrir plusieurs chantiers de réformes : évaluation des personnels, mobilité des parcours, pécule de départ, suppression de corps, rémunération au mérite, diversification des recrutements ...

Les récentes discussions à l'Assemblée et au Sénat sur la loi relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique ont mis plus en exergue les contraintes en termes de gestion des effectifs imposées par le statut de la fonction publique. Même si 305 corps vont être supprimés d'ici janvier 2010, 380 resteront toujours actifs dans la fonction publique d'Etat. Les rigidités de ces corps dont souffrent aussi les personnels seront donc en partie toujours présentes. Pour pallier ces obstacles, l'idée d'un futur « droit public du travail » homogène pour les trois fonctions publiques a même été formulée dans le rapport déposé sur la loi mobilité par le sénateur Hugues Portelli.

Ce nouveau droit public du travail, tel que présenté, aurait pour vertus de « permettre des règles communes et une circulation généralisée des personnels », une « mobilité facilitée dans les fonctions publiques entre elles, entre le public et le privé », « une cohabitation des personnels à statut et des personnels contractuels » et « une intégration des principes généraux du droit du travail européen et national ». Pour autant, ce «  droit public du travail » ne remettrait pas en question les règles propres à la fonction publique. Malgré toutes les réflexions menées ces deux dernières années, une question reste bel et bien en suspens : celle de la réforme d'ampleur que la France choisira pour sortir durablement des contraintes du statut.

L'idée répandue en France qui voudrait que les pays dotés d'une proportion importante d'agents publics soient aussi ceux où les agents relèvent d'un statut à vie est erronée. Proches de nos frontières, la plupart des pays dotés historiquement d'une fonction publique de carrière ont procédé à des réformes profondes de leur statut public. L'Italie est, parmi ceux-là, le pays qui a connu la réforme la plus radicale de sa fonction publique. Désormais, les agents publics italiens sont pour la plupart soumis au droit commun du travail à l'exception des magistrats, des militaires, des policiers, des diplomates des membres du corps préfectoral et des universitaires.

Un peu plus loin de chez nous, la Suède a fait passer quasiment tous ses agents publics (sauf militaires, policiers, magistrats et professeurs de l'enseignement supérieur qui relèvent toujours du statut) sous contrat de droit privé. Quant à la fonction publique allemande, elle est en diminution en moyenne de 1% par an pour un total de 4,6 millions d'agents. Avec 60% d'agents de droit privé et 40% de fonctionnaires sous statut n'ayant pas le droit de grève, l'Allemagne a un taux de fonction publique au sein de la population active de 11,3%.

La France est loin de ces chiffres-là. En 2007, l'Etat français supprimait 11 000 postes de fonctionnaires, 23 000 en 2008 et 30 000 en 2009 en application stricte du principe de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Un bon début si les opérateurs de l'Etat, (EPIC, EPA, EPSCP …) n'avaient embauché, en parallèle, 14 000 personnels de 2006 à 2008 (dont une partie de droit public et une partie de droit privé). Malgré ces réductions de postes, la fonction publique française constitue toujours plus de 20% de la population active et les effectifs, en définitive peinent à diminuer de façon significative.

Pour résoudre cette équation et rendre plus flexible la gestion des ressources humaines publiques, il ne suffira pas d'embaucher plus de contractuels de droit public. Et, plutôt que de créer un Code du Travail spécifique, pourquoi ne pas faire entrer les agents publics dans la famille des salariés régis pas le Code du Travail ? Mobilité entre public et privé et émulation entre les deux secteurs n'en seraient que plus dynamiques. Même si les syndicats de la fonction publique se montrent particulièrement hostiles à l'évocation même d'une évolution d'une fonction publique de carrière vers une fonction publique de métiers, il conviendrait de remettre le débat sur la table des négociations.