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Enquête sur les privilégiés de la République

Aux frais de la Princesse

L'Etat français, modèle de privilèges… S'il existe un modèle français ce n'est sûrement pas le modèle social mais bel et bien celui des privilèges accordés à notre nouvelle noblesse, les hauts-fonctionnaires. Aux frais de la princesse. Enquête sur les privilégiés de la République, Lattès, 2007 est un vrai catalogue de La Redoute uniquement réservé à certains fonctionnaires.

Journaliste, Yvan Stefanovitch est un franc-tireur. Il aime bien les enquêtes sur des sujets tabous ou peu connus. Cette fois-ci il s'attaque aux privilèges d'une caste, celle d'une partie des fonctionnaires et des hauts fonctionnaires français, de vrais nobles de la République. Les résultats de ses recherches montrent un univers d'argent, de privilèges en nature de toutes sortes, de passe-droits et autres avantages que le contribuable français ne soupçonne même pas. Visite de la caverne d'Ali Baba, pardon, de l'Etat français :

Parmi tous les membres de cette nouvelle noblesse, environ 6 000 font partie des grands corps et bénéficient de traitements de très grandes faveurs. C'est le cas de ceux en poste au Conseil d'Etat : salaire de 10 000 euros net par mois pour une charge de travail inexistante, les 322 membres de cette institution font partie d'un club. S'ils s'ennuient ferme, ces hauts fonctionnaires peuvent pantoufler dans le privé (c'est le cas pour une quarantaine d'entre eux et ensuite revenir dans le public) ou bien être détachés dans d'autres administrations (80 d'entre eux). Ils peuvent aussi cumuler cet emploi avec d'autres : député, ministre ou premier ministre comme Balladur. Ou bien comme Hubert Védrine, ancien secrétaire général de l'Elysée, ensuite ministre, membre du conseil d'administration de LVMH et surtout inventeur de l'impérissable et ô combien profonde formule « d'hyper puissance américaine », il est toujours resté maître de requêtes au Conseil d'Etat. Mais aussi le cas de plein d'autres : Michel Barnier, Martine Aubry, Laurent Fabius, Alain Richard, Jacques Toubon, tous récompensés par les présidents de la République pour de grands services rendus à notre nation (y compris et surtout s'ils sont battus aux élections).

A la Cour des Comptes, 40% des magistrats travaillent à l'extérieur au lieu de s'occuper des comptes de l'Etat (comme Jacques Chirac d'ailleurs). Certains sont même catapultés à la Cour après avoir abandonné leurs circonscriptions aux autres candidats. C'est le cas de René André et de Jean de Gaulle, anciens députés de la Manche pour le premier et de Paris pour le second, devenus dans la nuit conseiller en service extraordinaire et conseiller maître.

Les préfets ne sont pas moins bien dotés. Salaire net de 6 000 € par mois, ils sont nourris, logés, blanchis et servis par une nuée d'agents de maison. Et certains bénéficient de magnifiques châteaux comme logements de fonction : celui de la région Ile-de-France est logé en plein quartier Saint-Germain, rue de Grenelle, dans l'hôtel du duc de Noirmoutier.

L'auteur n'oublie pas les TPG (Trésorier-payeur-général) et leurs salaires jusqu'à 16 000 euros net par mois plus des logements de fonction et une voiture grand standing avec chauffeur. Ou les conservateurs des hypothèques avec plus de 15 000 euros net par mois, les receveurs des douanes, les délégués interrégionaux des impôts.

Le livre de Stefanovitch est plein d'informations, son enquête a été menée avec minutie, en complétant l'étude des documents et des rapports avec de nombreux entretiens. A la fin, le lecteur (le contribuable) est écœuré (les privilèges des fonctionnaires d'outre-mer sont absolument saisissants) et ne souhaite qu'une chose : que tout cela change.