Actualité

Du nouveau sur Chorus

Le système d'information financière de l'Etat

Le projet Chorus va constituer dès le 1er janvier 2010, une pièce maîtresse de l'architecture du système d'information financière de l'Etat. Ce logiciel devra à terme permettre la tenue d'une comptabilité unifiée des comptes publics en assurant la convergence entre la comptabilité budgétaire, la comptabilité générale de l'Etat et la comptabilité analytique des coûts (c'est-à-dire une comptabilité analytique adaptée aux besoins de l'administration).

Nous avons eu l'occasion, dans un précédent article, de traiter des différents aspects de ce dispositif qui soulevait alors un certain nombre de réserves de la part de la Cour des comptes et de la Commission des finances de l'Assemblée nationale, mais aussi du Conseil de l'immobilier de l'Etat (le CIE).
Aussi étions-nous en droit de nous interroger sur la fiabilité, l'ergonomie et la souplesse du nouveau logiciel. Une question restait cependant en suspend : celle de l'acclimatation du logiciel par l'administration elle-même. Et si les principaux freins au changement étaient les services administratifs eux-mêmes, opposant leur force d'inertie à la réforme informatique en cours ?

Il avait en effet échappé à beaucoup d'observateurs qu'un oubli de taille avait été commis lors de l'audit du projet par les organismes de contrôle : on avait omis de recueillir les témoignages des prestataires de service en charge de la maîtrise d'œuvre, bref des contractants privés associés au projet (les sociétés SAP, Ineum Consulting, etc…). Murés derrière leurs obligations de confidentialité, ces derniers n'ont pas désiré nous répondre. L'administration n'aurait-elle pas noirci le tableau en se défaussant sur les contractants privés afin d'anticiper des difficultés à venir sans doute issues de la complexité du cahier des charges imposé par les services administratifs eux-mêmes ? Il semble qu'il faille se ranger à cette seconde interprétation.

De source interne en effet, lorsque l'on évoque l'inefficacité du projet Chorus, les avis sont beaucoup plus mesurés. Tout d'abord, le système Chorus n'a rien à voir avec ses homologues Copernic et Hélios [1] qui ont été développés sur des logiciels « libres » (dits en open-sources). La fiabilité de ces deux systèmes est infiniment moindre que celle du nouveau logiciel actuellement en chantier, et l'accumulation des "bugs", pannes que ces deux logiciels présentent, sont la source de plaintes officieuses récurrentes de la part des services fiscaux et des fonctionnaires locaux.

Rappelons, en outre, que les économies un instant envisagées se sont révélées, pour ces deux logiciels, totalement illusoires : à titre d'exemple, pour le système Copernic initié en 2003, les coûts complets subis furent en définitive de 1,8 milliard d'€ représentant 100% d'augmentation par rapport aux coûts initiaux projetés. Le logiciel Chorus obéit à une logique très différente avec une conception ad hoc ab initio. Il existe bien un certain nombre de difficultés, surtout pour un projet de cette envergure, mais elles sont davantage liées aux desiderata et aux problèmes d'adaptation des services à la nouvelle architecture proposée qu'au logiciel lui-même. Il est par conséquent erroné d'affirmer, comme l'ont laissé entendre les récents rapports parus sur le nouveau système, que ce dernier présenterait une rigidité obérant ses évolutions ultérieures. Le « bridage », s'il a lieu, provient des pouvoirs publics eux-mêmes.

Ainsi par exemple en matière de recensement et de pilotage de la politique immobilière de l'Etat, l'application Chorus Real Estate, a été sciemment commandée par l'administration comme devant simplement se substituer au TGPE (le tableau général des propriétés de l'Etat) sans fonctionnalités nouvelles.

Ce fut un choix, déploré par le Conseil de l'immobilier de l'Etat, mais qui a été calibré pour les services de France Domaine, lors des négociations entre le prestataire de service, la société SAP, l'AIFE (l'agence pour l'information financière de l'Etat) et ses organes de tutelle. D'ailleurs, lors de la phase de conception, il semble que les parlementaires en charge du suivi des questions immobilières et le prestataire de services ne se soient pas rencontrés.

Enfin, si certains dépassements de budget ont pu être envisagés, ils sont également largement imputables à l'inertie des services administratifs concernés : la durée d'apprentissage varie en fonction des directions ministérielles et des habitudes anciennes, ce qui explique par exemple la difficulté à remplacer les 606 applications informatiques préexistantes (dont 350 applications financières ministérielles au sens strict) par le système Chorus. Un blocage qui, de l'avis de certains responsables, n'est pas vraiment technique mais culturel. De son côté, le prestataire SAP voit son enveloppe budgétaire rester constante, représentant 2,6% des 1,1 milliard d'€ investis. De source administrative toujours, il était par conséquent inévitable que les services contrôlés trouvent là un bouc émissaire.

[1] Rappelons que le système COPERNIC est le système chargé du traitement des recettes fiscales de l'Etat et le système Hélios, celui des recettes des collectivités locales.