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Députés : plus d’entrepreneurs oui, mais le public toujours surreprésenté

Le « renouvellement » de l’Assemblée nationale, suite à la vague En Marche, est-il si marqué ? La liste rigoureuse des profils professionnels des nouveaux entrants au Palais Bourbon, établie par la Fondation iFRAP, permet à la fois d’alimenter cette problématique du renouvellement, de l’affiner, mais aussi de la nuancer (voir la liste complète des nouveaux députés en cliquant ici).

 

  

Véritable renouveau ?

Déjà, on est bien en peine de fixer des limites à la catégorie « société civile » appliquée par En Marche sur ses candidats comme un label de qualité. En toute logique, rentreraient sous cette appellation tous les candidats vierges de mandats politiques : ainsi un enseignant-chercheur, un directeur d’établissement public sont classés comme appartenant à la « société civile »… sans prendre en compte que leur emploi est directement dépendant du secteur et du budget public. Face à ce système un peu fourre-tout et dans un souci de transparence, la Fondation iFRAP a préféré classer les candidats en fonction du secteur où ils ont acquis leurs expériences professionnelles : secteur privé ou public, responsables politiques* issus du privé ou du public afin d’éviter toute confusion.

[*sont considérés comme responsables politiques, les députés qui ont passé la majeure partie de leur vie active comme élu ou employé d'un parti (principale source de revenus)]

Alors, on ne peut ignorer la fraîcheur qu’En Marche a apportée à la politique française : ainsi, alors que globalement, la XVème Assemblée de la Cinquième République compte dans ses rangs 21% de responsables politiques (12% issus du privé et 9% issus du public), c’est-à-dire des « professionnels de la politique » qui en ont fait leur principale activité sinon leur principal revenu, seuls 6% des députés En Marche sont dans ce cas (3% issus du privé et 3% issus du public) : indéniablement, c’est un record. En Marche a donc bien bousculé une certaine caste politique pour installer à l’Assemblée des députés qui ne gravitent pas dans l’espace politique depuis des années. La conséquence de ce renouvellement (mais aussi de l’entrée en vigueur de la loi sur le non cumul des mandats), c’est une majorité parlementaire rajeunie de 8 ans (47 ans en moyenne pour les candidats En Marche contre 54,6 pour les élus de 2012).

Toutefois ce renouvellement du personnel politique ne saurait être satisfaisant. Un constat s’impose à l’aune de l’examen détaillé des secteurs d’activité d’origine des nouveaux députés : les députés En Marche, même lorsqu’ils sont « novices », ont le même profil sociaux-professionnel que les députés sortants et présente des caractéristiques similaires à celles des législatures précédentes.

Une Assemblée nationale qui sur-représente toujours le secteur public

La réalité du renouvellement au sein de la nouvelle majorité apparaît plus clairement. : 42% des élus sont directement issus du secteur public. Comme pour les législatures précédentes, ils sont issus pour une grande part de l’enseignement (37%), ce sont des cadres de l’administration (29% en comptant les hauts fonctionnaires, les catégories A, les collaborateurs, directeurs de cabinets et les directeurs d’agences) ou des agents de la fonction publique hospitalière (12%) ou territoriale (7%). On peut parler d’une hypertrophie du secteur public dans l’Assemblée nationale puisque représentant 20% de la population active totale, sa part est doublée au sein de l’Assemblée… et ce, dans des proportions presque identiques aux précédentes législatures.

Les professions libérales et les cadres également sur-représentés

Malgré les déclarations volontaristes d’Emmanuel Macron, la « startup nation » devra attendre. Encore trop peu de chefs d’entreprise (petites ou grandes d’ailleurs) sont attendus sur les bancs de l’hémicycle : ils ne seront que 10%. En revanche, comme pour les précédentes législatures, les professions libérales ou les cadres d’entreprise figurent en bonne place, en représentant respectivement 19% et 21% de la nouvelle Assemblée. Viennent ensuite les professions de Conseil (8%), les commençants (7%) et les agriculteurs (5%).

Une question d’accès

Les deux précédents points posent la question de l’accès à la députation. Il est plus facile pour un fonctionnaire de mettre sa carrière entre parenthèses pendant 5 ans, sans trop lui porter préjudice. C’est aussi le cas pour certaines professions du privé, notamment les professions libérales qui comptent beaucoup d’avocats, qui peuvent même parfois gagner d’un passage à l’hémicycle. Ce qui est certain est la nécessité d’un non-cumul des mandats dans le temps qui empêche la constitution de fiefs et restreint encore plus les chances de représentation plus diversifiée. Résoudre ces problèmes de surreprésentation est complexe, du côté des députés issus du privé cela pourrait passer par une révision du système d’allocation « chômage » des députés en fin de mandat pour gérer au mieux le retour à son activité initiale, notamment pour les salariés. Du côté des députés issus du public, mettre fin à la surreprésentation doit passer par l’obligation de démissionner de la fonction publique pour les députés élus.