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Cumul des mandats : moins cumuler pour plus d'efficacité

Entretien avec le Sénateur François-Noël Buffet, auteur du rapport

François-Noël Buffet est Maire d'Oullins, Sénateur UMP du Rhône et co-auteur du rapport sénatorial "Le cumul des mandats : moins cumuler pour plus d'efficacité".

Propos recueillis par Sandrine Gorreri.

Fondation iFRAP : Qu'est-ce qui vous a conduit à réaliser ce rapport ? Pour quelles raisons avoir voulu revenir sur cette question où la France se singularise en Europe par la pratique du cumul des mandats ?

François-Noël Buffet : Par ce rapport, nous avons voulu considérer la question du cumul sous le prisme du temps à consacrer à chaque mandat et de l'articulation entre les mandats. Il est vrai qu'il est très difficile de remplir convenablement ses fonctions si, en plus d'un mandat national, on cumule un mandat de maire d'une commune de plus de 80.000 habitants ou de président d'un EPCI [1] supérieur à 80.000 habitants. Ce chiffre peut bien entendu être discuté mais il est clair qu'au-dessus d'un certain seuil, le mandat local finit par accaparer l'élu. Cette situation de cumul peut être recherchée pour l'exposition politique qu'elle procure. Nous avons évacué la question du mandat unique qui ne nous a pas paru pertinente. Nous avons considéré qu'il faut conserver un lien entre le mandat national et le territoire car il s'agit d'expériences qui se nourrissent mutuellement. Cela permet aussi au niveau national d'échanger avec d'autres élus locaux. Cet échange est utile ; il est constitutif de notre unité nationale. Il peut arriver qu'en qualité d'élu local, on se retrouve en opposition avec des textes votés au niveau national mais dans ces cas-là, il faut savoir prendre ses responsabilités. Ce genre de situations ne remet pas en cause l'utilité de cette complémentarité à laquelle les citoyens sont très attachés. Il y a donc matière à légiférer. Même si nous ne partons pas de zéro, car des textes encadrant déjà le cumul existent, il est nécessaire d'aller plus loin.

Fondation iFRAP : D'autres rapports évoquent la possibilité de supprimer le cumul dans le temps pour renouveler la représentation nationale, qu'en pensez-vous ?

François-Noël Buffet : A titre personnel, j'ai déjà exercé deux mandats locaux en tant que maire et cela m'a tout juste permis de mener jusqu'à leur terme des projets que j'avais pour ma ville. Doit-on limiter dans le temps l'exercice d'un mandat à partir du moment où les électeurs font confiance à l'élu en le réélisant ? En même temps, je réalise la très grande liberté que confère au Président de la République la limite à deux mandats. Cette liberté a pour corollaire un extraordinaire engagement et une immense responsabilité dans son action. Peut-être y a-t-il lieu de distinguer mandat local et mandat national ?

Fondation iFRAP : Votre rapport souligne deux autres problèmes qui sont l'importance des EPCI et les conflits d'intérêts.

Télécharger le rapport Buffet-Labazée sur le cumul des mandats

François-Noël Buffet : Sur la question des conflits d'intérêts, il nous est apparu que l'appartenance à un EPCI et à un Conseil général par exemple peut mettre l'élu dans une situation difficile où deux intérêts ne sont pas conciliables. C'est pour cela que nous avons fait une proposition pour créer un Observatoire des conflits d'intérêts. Plus largement, je pense que sur cette question les choses vont bouger. Les Français attendent de la clarté et de la lisibilité face à des situations qui sont héritées de notre millefeuille territorial. Sur cette question, le conseiller territorial en 2014 va être une avancée importante. L'étape suivante qui est la spécialisation des compétences entre le département et la région sera, si elle est votée, une autre étape tout aussi cruciale car elle va dans le sens d'une plus grande responsabilité des acteurs locaux, en plus des économies de fonctionnement qu'une telle réforme doit permettre. Bien sûr la montée en puissance de l'intercommunalité est un phénomène qu'il faut intégrer dans la législation.
Il y a un enjeu tout aussi important qui est le cumul des fonctions dérivées de mandat. Au titre national comme au titre local, l'élu peut se retrouver en situation d'occuper de nombreuses fonctions (syndicat, SEM, associations, organes nationaux ou locaux, etc.) Cette situation est tout aussi préoccupante car il s'agit de responsabilités qui ne peuvent être déléguées de façon permanente. Il faut donc être plus strict.

Fondation iFRAP : Votre rapport se conclut sur la question importante du statut de l'élu.

François-Noël Buffet : Les élus, et plus particulièrement les élus locaux, sont dans leur immense majorité des élus bénévoles et c'est une richesse qu'il faut conserver. Mais la professionnalisation de la politique est une réalité qui a une influence sur la sociologie de la représentation nationale. Aujourd'hui, la classe politique est majoritairement composée de fonctionnaires, de retraités et de professions libérales. Notre représentation nationale n'est pas suffisamment "diverse". Il peut donc être nécessaire de donner une garantie à ceux qui n'en ont pas, pour encourager la diversité et se donner les moyens d'avoir une représentation plus diversifiée. Mais il ne faut pas aller trop loin dans la protection, car la vocation de l'élu c'est l'engagement public, la volonté de servir.

[1] Établissement public de coopération intercommunale