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Ce statut (de la fonction publique) protège en vérité les médiocres

Chirurgien au bord de la crise de nerfs

Laurent Sedel, chef de service à l'hôpital, professeur d'université, directeur de recherche au CNRS, est un chirurgien très réputé. Proche de la retraite, venant de surmonter lui-même une très grave maladie, il raconte ses souvenirs de médecin et de malade. C'est prenant. Sa passion est évidente, et dans certaines pages, le lecteur se retrouve dans la salle d'opération, un peu impressionné, en train de poser une prothèse de hanche. Mais ce qui intéresse surtout l'iFRAP c'est son jugement sur le fonctionnement de l'hôpital.

Sur de très nombreux points Laurent Sedel confirme les positions de l'iFRAP, justifiant le titre de son livre "Au bord de la crise de nerf" :

- La désorganisation de nombreux hôpitaux
- Les inégalités entre malades selon les services
- Les conflits entre les différentes corporations hospitalières et l'absence d'arbitre
- La croissance et le poids des administratifs
- Le combat des Maires pour conserver leurs hôpitaux trop peu actifs, donc dangereux

Mais il y a plus fort. Quelqu'un qui écrit "Je parcours souvent les articles de journaux, les meilleurs, Le Monde, Libération, Le Monde diplomatique." ne peut pas être suspecté d'ultra-libéralisme. Défenseur farouche de l'hôpital public, son attaque du statut de la Fonction Publique est pourtant frontale.

"Le Pire ? Ce sont les conséquences de ce sacro-saint statut de la fonction publique. Ce statut est là pour assurer la sérénité des lendemains. (…) Ce statut protège en vérité les médiocres ; même s'il y en a peu, ils existent. Ils sont un poids pour l'ensemble de l'équipe puisqu'il faudra faire leur travail. Plus généralement, ce système est très démotivant : pourquoi se donner du mal si celui-ci, manifestement insuffisant, a la même paye et les mêmes avantages ?" Et Laurent Sedel raconte comment les pires salariés sont très bien notés pour s'en débarrasser dans un autre service.

Mais alors on comprend mal pourquoi poser en postulat "Sans, bien sûr, proposer de sortir de la fonction publique qui apporte beaucoup d'avantages". De même, son souci de justice et d'égalité de traitement est certain, mais il défend farouchement le secteur libre à l'hôpital, sans se prononcer clairement pour un salaire au mérite pour tous.

A propos du financement des hôpitaux, il critique sévèrement l'ancienne méthode, le budget global, mais encore plus la nouvelle, en fonction de leur activité (T2A) : "J'ai bien compris comme mes collègues qu'il s'agissait en l'état d'une machine à fermer les hôpitaux en léguant aux cliniques privées les activités rentables". On croirait lire un tract de la CGT, alors que Laurent Sedel critique sévèrement les syndicats pour leur immobilisme.

Il est étonnant aussi que dans son chapitre, "Soigner les étrangers en France ?", où il regrette que les hôpitaux n'accueillent pas plus d'étrangers, aucune mention ne soit faite de l'Aide Médicale d'Etat aux Etrangers (AME). Et comment peut-il invoquer le coût de l'enseignement, de la recherche ou des urgences pour justifier le surcoût de l'hôpital par rapport aux cliniques, en faisant semblant d'ignorer que des budgets spéciaux considérables sont attribués pour financer ces activités.

Ce témoignage sur la profession de chirurgien et la vie des hôpitaux est sévère sur le constat mais ne propose pas de solutions au niveau du système de soins ou d'assurance maladie. A l'hôpital, les personnels et les malades n'ont pas fini d'avoir des crises de nerf.