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Une nouvelle régulation des banques est en route

Saurons-nous tirer les leçons de la crise financière ?

La crise financière de 2008 a imposé aux pouvoirs publics des interventions sans précédent. Aujourd'hui, le capitalisme financier est en question et les gouvernements se penchent sur de nouvelles régulations. Le retour à une « muraille de Chine » entre banques commerciales et banques d'investissement est au cœur du débat, comme viennent le rappeler les récentes déclarations de Barack Obama qui veut limiter la taille des établissements bancaires américains et leurs activités de marché pour compte propre.

Cette séparation des activités bancaires est née aux Etats-Unis avec le Glass-Stegall Act, elle fut mise en place après la crise de 1929. Elle porte les noms des deux responsables des commissions d'enquêtes qui ont suivi les faillites bancaires de l'époque et qui ont contraint les établissements à faire un choix dans leurs activités, choix qui a prévalu jusque dans les années 80 où cette réglementation fut jugée comme une entrave à une offre complète de services bancaires aux clients. Avec la déréglementation, le modèle de la banque universelle s'est imposé, adapté à une forte concurrence. Les banques ont alors accru leur exposition aux risques avec pour garantie l'argent de leurs déposants. Lorsque la bulle financière de 2008 a éclaté avec le scandale des subprimes, les pertes des établissements bancaires étaient telles que les Etats ont dû renflouer les banques à coups de milliards d'euros pour éviter que le système financier entier ne s'écroule.

C'est dans ce contexte que le débat sur le retour à une séparation plus stricte des activités est réapparu, relancé en 2009 lorsque les banques, à nouveau solvables, ont, grâce à l'argent des déposants et de l'Etat, pu engranger à nouveau des profits, en partie répartis entre dirigeants et « traders ». Ce phénomène a poussé les autorités de régulation et les gouvernements des pays industrialisés à agir. Dans une déclaration commune de décembre 2009, Gordon Brown et Nicolas Sarkozy annonçaient la mise en place d'une taxe sur les bonus des traders de 50%, taxe qui pourrait être reconductible.

Depuis, la sphère financière ne cache pas son inquiétude que les activités financières ne se déplacent vers des pays plus favorables à la rémunération des traders. Pourtant, si l'on en croit Jean Peyrelevade, ancien président du Crédit Lyonnais, « Les bonus des traders ne sont pas un problème. La question n'est pas de savoir si les croupiers du casino sont trop payés mais pourquoi la banque de dépôt abrite le casino en son sein. Le secteur bancaire est apparu avec la crise comme le cœur du réacteur de l'économie : il doit être invulnérable. Pour ce faire pas d'autres solutions : le casino doit être extérieur à la banque. » C'est bien ce que craint la puissante association des banques britanniques qui anticipe une version revisitée du Glass-Stegall Act au niveau européen ou mondial et prédit la perte de milliers d'emplois si une telle issue était envisagée. Il est vrai que Londres avait jusqu'alors tiré profit de la réglementation américaine, lui permettant de se développer au point que les activités financières représentent une substantielle source de revenus pour la Grande-Bretagne.

Peut-on dire qu'un modèle (la séparation) est en train de prendre le pas sur l'autre (l'intégration) ? Rien n'est moins sûr. Les conséquences de la faillite de la banque Lehman Brothers montre bien les risques systémiques qui peuvent secouer le secteur bancaire. Et aux Etats-Unis, ce secteur est particulièrement éclaté entre des établissements de différentes tailles et spécialisés. En face, les banques universelles peuvent arguer que leur modèle leur a permis de compenser les pertes sur des activités aux risques et aux cycles différents. Mais ne l'oublions pas, grâce à l'argent des déposants.

Un retour à la séparation des activités doit surtout permettre de distinguer les activités réglementées de celles qui ne le sont pas. Dans tous les pays, le métier de banque s'exerce dans le cadre d'une licence. Celle-ci doit en contrepartie garantir les titulaires des dépôts. L'épargnant doit avoir le choix en toute connaissance de cause entre l'investissement avec la rentabilité et le risque ou l'épargne liquide. C'est toute la difficulté de trouver une juste solution entre une dérégulation qui peut entraîner des bulles destructrices et une forte réglementation qui condamne la croissance. Les activités financières - hors secteur traditionnel de banque de dépôt - jouent également un rôle majeur pour l'économie et ne doivent pas nécessairement disparaître. Peut être faut-il pour cela que les grands établissements renforcent leur activité de contrôle des risques ?

Plusieurs solutions sont déjà évoquées : de la séparation classique à une réglementation renforcée sur les banques d'investissement avec des standards de fonds propres et de liquidité renforcés. Une autre solution serait d'interdire aux banques de dépôt toute prise de risque pour compte propre, elles ne pourraient intervenir que comme mandataires de leurs clients. Une autre solution encore est un cloisonnement strict des différentes activités avec le placement des activités les plus risquées sous la holding de tête plutôt que sous les activités essentielles à protéger. En France, l'Elysée semble plutôt opposé à une séparation stricte mais en faveur d'une solution renforçant les exigences de fonds propres pour les risques de marché.

Personne ne peut prétendre que l'économie de marché n'a pas besoin de droit. Cette question est aujourd'hui particulièrement sensible dans l'opinion. En tout cas, une clarification des activités s'impose.