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Réduire les opérateurs de l'Etat, l'exemple des quangos anglais

En matière de réduction de dépenses publiques, l'effort britannique tranche par son ampleur : 81 milliards de livres de coupes budgétaires et 29 milliards de livres d'impôts supplémentaires à l'horizon 2015, soit un effort près de 4 fois plus important sur la dépense que sur les recettes. En comparaison, l'effort français semble bien plus timoré côté dépenses publiques, reposant essentiellement sur l'élasticité des impôts (une cinquantaine de milliards) et la réduction des niches fiscales pour près de 10 milliards d'€. Côté dépenses, à l'horizon 2013, les dépenses d'intervention et de fonctionnement de l'Etat devraient baisser de 10% ce qui devrait représenter en théorie près de 7 milliards d'€ auxquels on doit rajouter 500 millions d'€/an pour le non renouvellement d'un fonctionnaire sur deux net de droits à rétrocession en faveur des fonctionnaires.

Dans ce cadre, les 643 opérateurs de l'Etat, alors qu'ils absorbent des subventions de 20 milliards d'€ et des crédits d'intervention de 8,6 milliards d'€ (complétés par 8,4 milliards de taxes et impôts affectés, soit au coût budgétaire total de 37 milliards d'€), devraient théoriquement baisser de 5% dès 2011 leurs dépenses de fonctionnement et réduire de 1,5% par an leurs effectifs sous plafond (sur un total de 365 909 ETPT inscrits au budget 2011). Or, contre toute attente, ces effectifs augmentent de 29 000 puisque des mesures de périmètre incluant des sorties d'opérateurs (et donc de leurs effectifs) et des entrées (notamment dans le cadre de l'autonomie des universités), achèvent de brouiller les cartes [1]. Face à ces atermoiements, certains parlementaires ont décidé de réagir pour surveiller enfin véritablement le devenir de ces 643 organismes (chiffres 2010). Pour le député Michel Bouvard, il faut « mettre la main dans le cambouis pour connaître l'utilité de tous les opérateurs », et d'ajouter « Ont-ils une valeur ajoutée ? ».

Les Britanniques n'ont pas ces états d'âmes et décident quant à eux de s'attaquer frontalement à leurs 901 quangos et à leur coût budgétaire estimé à 34 milliards de livres. Ces organismes ressemblent comme des frères à nos opérateurs [2]et disposent comme eux d'une certaine autonomie budgétaire et administrative [3]. Mais pour vraiment rapprocher ces organismes de leurs homologues français, il faudrait rajouter aux opérateurs de l'Etat, l'ensemble des conseils, comités et observatoires auprès des ministères ainsi que nos autorités administratives indépendantes. En somme, les 901 quangos britanniques doivent être comparés aux 1405 organismes français correspondants, ce qui permet de mieux prendre en compte l'ampleur de la réforme en cours.

L'objectif du gouvernement libéral-conservateur (dont le chancelier George Osborne, en photo, est le numéro deux) est d'en supprimer 192, d'en fusionner 118, et d'en réformer substantiellement 171, ce qui ne devrait en laisser subsister in fine que 648 et permettre de dégager une économie de 513 millions de £ dès la première année… L'objectif étant de reconsolider les quangos au sein des ministères afin de les obliger à participer pleinement à la restriction du périmètre des administrations centrales, ou de transférer leurs compétences à des fondations caritatives… parmi les victimes on trouve le UK Film Council, l'équivalent britannique du CNC (Conseil national de la cinématographie) dont nous avions de longue date demandé la remise à plat voir l'abolition. A quand un tel volontarisme en France ?

Ce que deviennent les quangos réformés :

[1] + 29 983 ETP au titre du transfert des personnels de l'État vers les établissements d'enseignement supérieur ;– 324 ETP au titre de l'évolution du champ des opérateurs de l'État (sortie des Associations agréées pour la surveillance de la qualité de l'air, de l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers ; entrée de la Société du Grand Paris, de l'Agence du service civique, de l'École nationale supérieure maritime, du Musée Picasso, de la Délégation interministérielle pour l'éducation numérique en Afrique, du Marais poitevin et de l'Agence de financement du logement locatif social).

[2] Selon le triple critère du contrôle par l'Etat, du financement majoritaire par l'Etat et de la jurisprudence administrative (décisions spécifiques).

[3] Les quangos sont des organismes parapublics qui remplissent des fonctions de conseil et de supervision. Ils s'apparentent à la fois aux opérateurs au sens classique (du droit public français), mais aussi aux AAI (autorités administratives indépendantes) qui seraient au nombre de 43 en 2010 voire aux comités qui gravitent autour des pouvoirs publics (comités, conseils, observatoires etc…) qui sont actuellement 719 auprès du Premier ministre et des autres ministres en France.