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Le plan italien de Mario Monti : un modèle ?

Deux mois après son arrivée au pouvoir, Mario Monti, le nouveau chef du gouvernement italien emmène l'Italie dans un programme ambitieux de libéralisation. Vendredi 20 janvier, son gouvernement a adopté un décret majeur surnommé « Cresci Italia » [1], pour relancer la croissance et répondre aux deux problèmes qui plombent l'Italie : la « concurrence insuffisante et l'inadéquation des infrastructures » [2].

Défaire les corporations

Cette réforme structurelle vise en premier lieu les corporations dont la « sur-réglementation » empêche le développement et maintient les prix élevés. Le président du Conseil déclare lui-même : « Nul doute qu'il y aura de nombreux commentaires sur ces mesures, les uns positifs, les autres, plus nombreux, négatifs parce que certains préfèrent le statu quo plutôt que de relever de nouveaux défis ».

Premiers visés, les taxis vont voir leur numerus clausus augmenter de manière locale selon les « contextes urbains » propres. De même chez les pharmaciens, aujourd'hui 18.000 il envisage d'en augmenter le nombre jusqu'à 23.000 par l'abaissement du quorum nécessaire à l'ouverture d'une pharmacie à 3.000 habitants.

L'entreprenariat est aussi facilité, l'objectif est d'encourager les jeunes de moins de 35 ans à créer des entreprises. « Il suffira de verser un euro dans le capital et il n'y aura plus besoin d'aller chez un notaire » a déclaré Antoni Catricalà, sous-secrétaire à la présidence du Conseil. Cette facilitation s'inscrit dans une série de mesures plus vaste visant à réduire les coûts administratifs de création d'entreprise.

Les notaires devraient voir leur nombre augmenter de 500 entre 2012 et 2014. Pour eux et les autres professions réglementées comme celle d'avocat, sont abolis les honoraires minimums ; leur tarification doit devenir plus transparente et le client peut désormais demander un devis.

Réformes sectorielles, de l'énergie à la finance

Dans le domaine de l'énergie, l'Autorité pour l'énergie électrique et le gaz doit revoir et baisser ses prix en faveur des ménages, des petites et des moyennes entreprises. L'approvisionnement en gaz est revu et facilité, notamment à partir de l'étranger. Cette mesure rejoint le souci d'européanisation de l'ENI, principal groupe fournisseur d'énergie en Italie. L'offre électrique est elle aussi poussée à s'intégrer à un marché européen, pour favoriser la concurrence ; les fournisseurs devant par ailleurs augmenter la transparence avec les clients. Les stations services peuvent maintenant s'approvisionner n'importe où, et leur implantation est facilitée auprès des centres commerciaux. Ces réformes du secteur énergétique s'accompagnent en outre de l'accélération de la rénovation du parc nucléaire [3].

L'ouverture à la concurrence s'applique aussi aux services publics locaux de transport. Les pouvoirs de l'Autorité antitrust en la matière sont renforcés. Mario Monti prévoit aussi une optimisation de leurs territoires d'action.

En matière de transport, l'Autorité pour l'énergie électrique et le gaz acquiert des compétences réglementaires pour les autoroutes, les transports ferroviaire, aérien, et maritime, la mobilité urbaine, les taxis, les gares, les ports et les aéroports. Elle prend le nom d'autorité pour les réseaux. Les conventions collectives dans le transport ferroviaire sont en partie abandonnées.

Les secteurs bancaire et d'assurance n'échappent pas non plus à cette vague de réformes. La concurrence pour les comptes courants est encouragée. La répression des fraudes est accrue. Les assureurs sont par ailleurs dorénavant tenus, avant la signature d'un contrat, d'informer leur client de manière exhaustive sur les tarifs pratiqués par au moins trois de leurs concurrents.

Un décret inscrit dans un contexte global de réforme

A côté du décret Cresci Italia, le conseil des ministres de la semaine dernière a approuvé d'autres mesures importantes.

Un décret législatif met en œuvre l'autorisation pour le gouvernement de réformer le système universitaire. Cette réforme devrait instaurer un système d'accréditation initiale et périodique des enseignements, incluant une évaluation rigoureuse des enseignants ; en conséquence de quoi l'État pourra optimiser l'attribution de fonds. Un projet de loi a aussi été adopté pour mettre à jour l'Italie concernant la transposition des directives européennes. Enfin un autre projet de règlement prévoit la réforme du ministère de la défense (réduction d'effectif).

Grâce à ces réformes courageuses, Mario Monti espère gagner deux points de PIB. Les efforts du gouvernement ont déjà porté des fruits sur les marchés financiers où le taux d'intérêt de l'Italie a commencé à diminuer. Le Président du conseil constate : « Nous avons vu une baisse agréable ces derniers jours du 'spread', et j'espère que cela continuera mais je ne veux pas faire de prévisions ». Quant aux ménages, l'association de consommateurs Adiconsum tablait à la veille du conseil des ministres sur une économie moyenne de 1.800 euros par an , grâce à l'ensemble de ces mesures. Deux autres associations (Federconsumatori et Adusbef) ont effectué un chiffrage depuis, confirmant, avec un résultat légèrement inférieur toutefois, le premier [4] .

S'associant aux mesures d'austérité prises le 23 décembre dernier visant à économiser 63 milliards d'euros et à la lutte accrue contre la fraude fiscale, la libéralisation avait déjà bien commencé. Depuis le 1er janvier, les commerces ont en effet obtenu une totale liberté d'ouverture sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Lundi 23 janvier, l'ancien commissaire européen à la concurrence réunissait déjà les partenaires sociaux en vue d'une réforme du code du travail portée par le ministre Elsa Fernero. « L'objectif étant d'améliorer la situation des entreprises et des travailleurs » et non de « réduire le débat sur la réforme du marché du travail à l'art. 18 [du statut des travailleurs sur le licenciement] », a déclaré Mario Monti à l'ouverture de ces négociations qui devraient durer un mois. Il devrait par ailleurs annoncer ces jours-ci une réforme des procédures administratives.

Conclusion

Angela Merkel se félicitait hier à Davos des réformes entreprises en Europe, « [elle] fait son devoir et vous verrez, dans un an, elle sera plus attrayante » a-t-elle déclaré. Elle n'en appelle pas moins à la poursuite de l'austérité, qui ne doit pas être dissociée des changements structurels. Ainsi, selon Angela Merkel, l'ensemble de l'Europe doit s'engager sur la voie d'une réforme du code du travail afin de créer un choc de compétitivité en vue d'améliorer les comptes publics et la balance commerciale [5]. C'est le programme qu'applique Mario Monti depuis le mois de novembre, et qui pourrait bien inspirer Nicolas Sarkozy qui interviendra dimanche soir à la télévision pour présenter de nouvelles mesures à moins de cent jours de la présidentielle.

[1] « Croîs Italie ». L'expression cache aussi un jeu de mots, « Cresci Italia » est mis pour « crescita » (cresci-ita) qui signifie « croissance »

[2] http://www.governo.it/backoffice/al.... (en italien)

[3] Démantèlement des centrales désaffectées et amélioration du conditionnement des déchets.

[4] L'enquête prend pour hypothèse un ménage de quatre personnes établi dans une grande ville et disposant d'un revenu brut de 80.000 euros par an.

[5] rappelons que contrairement à la France, l'Italie est en excédent primaire