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La politique étrangère en "machins", "spécialistes" et milliards d'euros

La politique étrangère a été absente de la campagne électorale. À part quelques déclarations dictées par l'actualité (Iran, Corée du Nord, terrorisme), qui pourrait dire avec certitude quelles positions internationales prendra le prochain président de la République et quelles seront les orientations du futur ministre des Affaires Etrangères, une autre exception française étant le partage de la politique étrangère entre le "domaine réservé" du Président et le Quai d'Orsay. Une absurdité nationale (encore plus grotesque en période de cohabitation) qui a sa part de responsabilité dans la baisse d'influence de la France dans le monde. Et pourtant, nous ne manquons ni de spécialistes qui auraient pu éclairer nos candidats, ni de crédits (en forte augmentation depuis les années Villepin) pour faire rayonner le pays sur la scène internationale. Commençons par les crédits des affaires étrangères.

Plus de 5 Mds d'euros pour faire “rayonner” la France

Lors du dernier conseil des ministres de l'ère Chirac, un accord a été signé entre la France et l'Allemagne. Il concerne les implantations communes de missions diplomatiques et de postes consulaires et vise "à développer des synergies entre les deux pays". Objectif vague, plein de suspense et d'incertitudes… Dans le monde bureaucratique, après avoir parlé de "synergie", concrètement il ne se passe rien. Mais ce qui étonne le plus dans cet accord, c'est qu'il existe encore des missions diplomatiques et des postes consulaires français en Allemagne. A l'heure de l'Europe à 25 et de la libre circulation des personnes, des biens et des services, il est raisonnable de se demander à quoi diable peuvent servir toutes ces "représentations" chez notre voisin ? Et lorsqu'on découvre que notre pays finance le plus grand réseau d'ambassades (187 pour 157 ambassadeurs) au monde devant les Etats-Unis (163) et la Grande-Bretagne (153), on est en droit de s'attendre à une influence mondiale sans précédent. Et aussi 17 représentations auprès des organisations internationales et 98 postes consulaires. Pourtant, il n'y a pas beaucoup de spécialistes pour lesquels notre pays joue encore un rôle dans le monde. Au contraire, il y a pratiquement unanimité pour dire que les Français ne comptent plus pour grand chose… Alors, où vont les 5,34 Mds d'euros des affaires étrangères (en hausse de 40% entre 2000 et 2006) ?

Il y a d'abord nos ambassadeurs. Sur 157 que compte la France (un record, plus que les Etats-Unis), 43 d'entre eux touchent plus de 22.500 euros net mensuels auxquels s'ajoutent les indemnités de résidence, d'éloignement, de risques, etc. Et, cerise sur le gâteau, s'il est avec femme et enfants, l'ambassadeur ne paye pas d'impôts. Après l'ambassadeur, les attachés militaires et les conseillers financiers sont les mieux payés : entre 15 000 et 30 000 euros par mois. Et à toutes ces rémunérations impressionnantes s'ajoutent les logements de fonctions et les bureaux, spectaculaires pour certains comme le conseiller culturel français à New York qui s'installe dans l'hôtel particulier Vanderbilt avec vue sur Central Park.

Le reste du personnel n'est pas oublié. Les 5000 fonctionnaires de catégories B ou C doublent voire triplent leurs rémunérations à l'étranger grâce surtout à la fameuse indemnité de résidence (les salaires peuvent facilement atteindre les 6000 euros par mois) [1]. Non seulement ils sont bien rémunérés, mais ils sont aussi très nombreux : la France emploie 1000 agents dans ses représentations aux Etats-Unis, 500 en Grande-Bretagne et 200 en Allemagne.

Comme le souligne le rapport 2005 de l'inspection générale des Affaires Etrangères, les représentations diplomatiques et consulaires françaises ont hérité du passé, "une gestion éclatée et une absence de coordination". Désorganisés et multiples, les services des ambassades et consulats manquent d'efficacité. Pour ce faire, la direction générale de la comptabilité publique a engagé en 1997 une réforme des structures et des procédures comptables à l'étranger, en faisant de l'ambassadeur, l'ordonnateur unique des dépenses de l'Etat à l'étranger.

Dans les faits, on se trouve confronté à un vaste cafouillage fait de fermetures et d'ouvertures d'antennes. Les dépenses inutiles se suivent et se ressemblent, et à terme, c'est le rayonnement culturel, si cher à l'Administration française qui en souffre. Car le problème de la diplomatie française est son souci permanent de garder la face quoi qu'il advienne.

Des “spécialistes” avec un seul ennemi : les Etats-Unis

L'émission Ripostes du 15 octobre 2006 sur la Cinquième chaîne a réuni le Directeur de l'IRIS (Institut de Relations Internationales et Stratégiques), Pascal Boniface et ancien conseiller du PS sur des problèmes de défense, l'ancien ministre des Affaires Etrangères, Hubert Védrine, un député UMP, spécialiste des affaires internationales, Pierre Lellouche ainsi qu'une chercheuse du CNRS. Cette émission était consacrée aux conséquences du récent essai nucléaire fait par la Corée du Nord [2] en dépit des résolutions de l'ONU qui lui interdisaient de se doter de l'arme nucléaire. Au lieu de s'attaquer aux limites (et à l'impuissance en général) des sanctions onusiennes, la discussion s'est vite transformée en une attaque en règle contre les Etats-Unis coupables d' "avoir poussé la Corée du Nord dans les bras du nucléaire". Seul, Lellouche avait réussi à garder un brin de lucidité, les trois autres se surpassant dans l'antiaméricanisme de bistro. Pour la chercheuse subventionnée du CNRS, l'Iran aussi veut acquérir l'arme nucléaire pour "se protéger de l'Amérique de Bush". Pourtant, n'importe quel écolier un peu cultivé sait très bien que l'Iran cherche à posséder l'arme nucléaire depuis le début des années 1990, bien avant l'attaque de l'Irak par l'armée américaine en février-mars 2003. Le même raisonnement anime l'ancien ministre : "Si la Corée du Nord a fait ce test, c'est pour se protéger des Etats-Unis". Rien que le fait d'exister pousse ces innocents pays à s'armer.

Leurs leaders sont en réalité de paisibles citoyens qui ne veulent aucun mal à personne. Ce n'est que l'agressivité de l'Amérique qui les a poussés sur la voie possible de la guerre nucléaire. Pour Boniface, le coupable est Bush en personne car il aurait refusé de discuter avec le tyran nord-coréen, alors que Clinton l'avait bien fait. Là aussi, on peut se demander si nos "spécialistes" prennent les téléspectateurs pour des débiles. D'abord, comment croire que la Corée du Nord, comme l'Iran, aurait commencé son armement nucléaire seulement depuis l'ère Bush. Il faut de nombreuses années pour acquérir toutes les techniques nécessaires. C'est en 1994 que les Etats-Unis ont commencé à négocier avec Pyongyang un accord qui stipulait une aide alimentaire, du pétrole et les moyens de construire deux centrales nucléaires civiles en Corée du Nord. En échange, celle-ci s'engageait à suspendre son programme nucléaire stratégique et ses ventes de missiles à l'étranger. Cet accord fut respecté seulement par… les Etats-Unis car le Staline de Pyongyang, tout en prenant l'argent et les aides alimentaires (qu'est-ce qui est finalement arrivé chez les pauvres gens affamés par le régime ?), continua son programme d'armement.

Boniface oublie de préciser qu'en signe de bonne foi, la Corée du Nord envoya en 1998 un missile balistique au-dessus du Japon. Qui plus est, on estime qu'entre 1985 et 2002, le régime de Pyongyang a vendu plus de 1000 missiles à la Lybie, à l'Iran, à l'Irak et à l'Egypte et a acheté, en 1994, quarante sous-marins à la Russie. Or, George W. Bush n'est entré en fonctions qu'en janvier 2001. Et contrairement à ce qu'ont dit Messieurs Védrine et Boniface, Bush a maintenu ses offres de pourparlers en 2001 et en 2002. Même les aides (financières, les livraisons de pétrole et le soutien à la construction des centrales civiles nucléaires) ont continué. Des centaines de millions de dollars ont été déversés sur ce pays sans aucune contrepartie et l'aide internationale continue aujourd' hui encore. Comme seulement une infime partie arrive chez le peuple, le gouvernement américain a décidé de geler environ 24 millions de dollars qui ont été déposés dans une banque du Macao. Parade immédiate des apparatchiks de Pyongyang : "on veut bien reprendre les discussions à condition de débloquer notre argent". C'est de l'hypocrisie typique des régimes communistes. Washington a découvert que cet argent provenait du blanchiment et du trafic de faux dollars et que le fils bien-aimé du dictateur nord-coréen se la coulait douce dans un hôtel cinq étoiles du Macao et dépensait au casino, dans des bars ou des salons de massage l'argent de l'aide internationale depuis au moins trois ans. Et son peuple crève de faim.

Mais quelle importance, pour Pascal Boniface, ce sont les Américains les coupables. Sa mauvaise foi atteint des sommets dans une interview publiée dans l'Humanité-Dimanche [3] et reprise sur le site de son Institut lorsqu'il affirme ne pas croire à une éventuelle réunification des deux Corée car les "Américains voient dans la division de la Corée un moyen supplémentaire de justifier leur présence militaire dans la péninsule". En effet, ils ont eu la même attitude à l'égard de la réunification allemande…

Des centaines de milliers d'euros pour des “machins”

"Il est temps de fusionner tous ces machins qui coûtent fort cher et souvent ne produisent pas grand chose : l'Inhes, l'Institut national des hautes études de la défense, la Fondation pour les études de défense, l'Institut français de relations internationales (IFRI), voire l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), dont le financement est majoritairement privé, etc. (…) Il y a de quoi être effaré quand on consulte la liste des publications de certains organismes". C'est Alain Bauer qui le dit dans Le Monde du 1er février 2007. Le président de l'Observatoire (encore un) de la délinquance n'est pas tendre avec ses confrères. Et il a raison.

Nous l'avons déjà montré à l'iFRAP. L'Etat fromage français a créé, grâce à ses largesses financières tout un monde para-public rempli d'associations et de différents organismes qui se nourrissent de l'argent public. Ils sont des centaines, voire des milliers à demander et à recevoir des subventions de la part de l'Etat et/ou des collectivités territoriales. Très souvent, l'argent public provient de plusieurs sources, de deux ou trois ministères et de quelques collectivités (mairie, département, région). Nous avons essayé d'en savoir plus sur l'IRIS dirigé par Pascal Boniface.

Conformément à la loi, l'iFRAP a demandé à la Préfecture de Paris les comptes de l'association IRIS. Voici la réponse de la préfecture :

"Par courriel du 6 octobre 2006, vous avez souhaité avoir la possibilité de consulter le dossier de l'association “Institut de Relations Internationales et Stratégiques” sis 2 bis rue Mercœur à PARIS (11ème) qui, selon votre courriel, “reçoit des subventions publiques de plus de 150 000 euros par an”. Je vous informe que cette association ne m'a pas transmis ses comptes".

Malgré plusieurs lettres recommandées envoyées (voir l'encadré), la direction de l'IRIS a refusé de communiquer ses comptes qui n'apparaissent nulle part sur leur site. Nous avons juste reçu plusieurs mails rassurants de la part de son Directeur financier sur l'origine entièrement privée de ses fonds. Pourtant, dans le Jaune budgétaire [4], cet organisme reçoit au moins 350.000 euros de subventions publiques de la part de plusieurs administrations. En lui révélant notre découverte, celui-ci (le Directeur financier) a préféré le silence total à une quelconque explication. Comme par miracle, ses aimables mails ont cessé. Aucune réponse non plus lorsque nous avons découvert que l'IRIS avait fait un don de 20.000 euros à la revue marxiste Politis. Pourquoi ? Sur quels fondements intellectuels ?

Ces subventions ne sont pas grand chose par rapport à l'argent public qui est déversé sur un autre centre de recherche internationale dont l'utilité est aussi frappante que celle de l'IRIS. Il s'agit de l'IFRI (Institut français de recherches internationales) pour lequel le contribuable français est mis à contribution à hauteur de plus de 2 millions d'euros par an. On pourrait aussi rajouter les 270.000 euros pour la FRS (Fondation pour la Recherche Stratégique) ou les 250.000 pour l'IDDRI (Institut de Développement Durable et des Relations Internationales).

Milliards d'euros, "machins", spécialistes, qu'est-ce qui manque à la France pour rayonner à l'international ?

[1] Pour une description détaillée de ces rémunérations, voir l'excellent livre d'Yvan Stefanovitch, " Aux frais de la princesse", Lattès, 2007.

[2] La Corée du Nord, ou Cuba, ne sont pas, pour les spécialistes idéologues, des dictatures communistes mais staliniennes. Nuance reprise par la plupart des médias qui en dit long sur le bouclier idéologique dont bénéficie encore le communisme.

[3] Du 26 octobre 2006.

[4] Publication du ministère des Finances qui comprend (une partie) des subventions publiques accordées aux associations.