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États-Unis : des mesures fiscales de compromis pour relancer la croissance

Dans un contexte économique difficile marqué par la crise des subprimes, l'Administration américaine a négocié au Congrès un audacieux plan de relance avec la majorité démocrate, essentiellement basé sur des allègements fiscaux. Cependant, l'accord conclu le vendredi 25 janvier et repris par le président Bush dans son discours sur l'état de l'Union le 28, semble, après un examen attentif, être assez mitigé. L'enveloppe est pourtant considérable : 150 milliards $ soit 1 % du PIB américain ! Analysons-la.

Reconnaissons tout d'abord avec satisfaction qu'il ne s'agira pas d'un énième plan de relance par la dépense publique. Le « package » est structuré autour de baisses d'impôts très importantes (152 milliards $) qui devront s'adosser à une réduction soutenue des dépenses, déjà bien amorcée avec la suppression dans le budget fédéral pour 2008 de 151 programmes jugés inefficients pour plus de 18 milliards $.

Cependant, ces réductions d'impôts ne se présentent pas comme le « paquet fiscal » du président Bush en 2003. En 2003, la croissance avait été stimulée par des réductions d'impôts sur les entreprises en visant tout particulièrement la fiscalité des plus-values et des dividendes. Ici au contraire, rien de semblable ; le choix a été fait de permettre un super-amortissement de 50 % sur certains biens, autorisant les entreprises à réorienter leurs investissements.

Le dispositif est complété par un mécanisme de report en arrière des déficits, permettant aux sociétés aux résultats dégradés de bénéficier d'un remboursement d'impôt ex-post de la part du Trésor. Ce système favorise en réalité davantage les petites entreprises, dans la mesure où leurs investissements supplémentaires en matière d'équipement deviennent presque totalement déductibles. Le coût total de ces réductions d'impôts s'élèvera à 50 milliards $.

Vitesse d'exécution

Les deux tiers restants de l'effort financier consenti par le Trésor américain se structurent autour de la fiscalité des ménages pour 100 milliards $. Ici au contraire, les parallèles avec la politique du président Bush en 2003 sont plus sensibles. Le but de la manoeuvre est la vitesse d'exécution. Les baisses d'impôts sur les ménages vont être directes et rapides, afin d'aboutir à une relance soutenue de la consommation des ménages en leur restituant entre 0,6 et 0,9 % de revenus annuels soit 300 $ pour toute personne disposant d'un salaire, et ce, dès la fin du mois de mai. L'assiette des réductions d'impôts a pourtant été largement augmentée à l'instigation des démocrates. L'accord a été noué entre les chefs de files Nancy Pelosi pour les démocrates et John Boehmer pour les républicains. Pelosi a consenti à l'abandon de son projet d'augmentation des tickets alimentaires et de revalorisation des indemnités chômage. 28 milliards $ cependant bénéficieront à 30 % de bénéficiaires ne payant pas d'impôt, ce qui doit être analysé comme une subvention déguisée aux plus pauvres.

Les réductions d'impôts concerneront 116 millions de foyers fiscaux contre 86 millions dans le plan présidentiel initial, qui excluait les salariés modestes. Les réductions d'impôts vont cependant mécaniquement s'en ressentir.

Elles étaient initialement comprises entre 800 et 1 600 $ avec une déduction supplémentaire de 300 $ par enfant. Elles sont maintenant plafonnées à 1 200 $ pour l'ensemble des enfants à charge représentant un envoi massif de chèques par le fisc pour 130 millions de contribuables. Les réductions d'impôts ont été également fermement encadrées. Un plancher d'éligibilité au dispositif est de 3 000 $ de salaire minimum perçu en 2007, avec un plafond maximum de revenus de 75 000 $ pour un célibataire et 150 000 $ pour un couple. Mais l'effet de relance de la consommation espéré par ce second volet ne donnera pleinement satisfaction qu'à condition que les bénéficiaires anticipent une augmentation de leurs revenus permanente dans l'avenir. Un risque serait au contraire qu'ils consacrent ces sommes à leur désendettement.

Enfin, le dernier volet de la réforme réside dans le rehaussement des plafonds d'intervention de deux organismes mandatés par le gouvernement pour racheter les créances hypothécaires : Freddie Mac et Fannie Mae. Ils verraient leur autorisation de rachat de créances passer de 417 000 $ à 700 000 $ dans la perspective de faire baisser les taux afin d'assurer le refinancement des crédits hypothécaires. Il s'agirait alors de la mesure la plus interventionniste du dispositif car l'État interviendrait ainsi au sein du marché hypothécaire sur des créances dont les montants dépasseraient alors largement la médiane des prix pratiqués avec un risque d'éviction des professionnels privés sur ce marché.

Les démocrates en délicate position

En définitive, ce projet de compromis, au-delà des incertitudes qu'il comporte, permettra au président George Bush de placer les démocrates dans une position difficile.

En effet, après les mesures fiscales votées en novembre dernier, axées sur l'allègement de la fiscalité des classes moyennes et l'aide aux plus démunis, la majorité démocrate devrait préparer une loi beaucoup plus ambitieuse à l'instigation de Charles Rangel en cas de victoire du parti aux élections présidentielles. Elle s'articulerait autour d'une réduction massive des niches fiscales accordées aux entreprises contre une baisse de 4,5 % de leur taux d'imposition et une taxation accrue des foyers les plus aisés. La marge de manoeuvre politique des démocrates risquera cependant d'être sévèrement écornée, dans la mesure où nombre de dispositifs d'allègement mis en place par la Présidence cesseront d'exister à l'horizon 2010. À titre d'exemple, les droits de succession retrouveraient leur niveau de l'an 2000 avec un taux marginal de 55 %. Le président a prévenu, dans son discours sur l'état de l'Union : « Certains affirment que laisser les mesures d'allègement fiscal expirer ne constitue pas une augmentation des prélèvements. Essayez d'expliquer cela aux 116 millions d'Américains qui verront leurs impôts augmenter de 1 800 $ ! »