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Comprendre les produits dérivés

Le droit des produits financiers en France et aux Etats-Unis

Nous avons voulu vous présenter un ouvrage qui fait le point sur cet univers fascinant des produits dérivés : Le droit des produits financiers en France et aux États-Unis (LGDJ, Paris, 2005) de maître Joseph-Benjamin Mojuyé, docteur en droit, diplômé de Columbia (New York), avocat au cabinet d'affaires White&Case.

Le monde financier continue de compter ses pertes dues aux effets de la crise des subprimes aux États-Unis. Ce choc provoque au sein du système bancaire des pertes cumulées estimées à 13 milliards € en France ! L'auteur commence par s'intéresser à la genèse des premiers marchés à terme, en Hollande, aux États-Unis, en Angleterre et même au Japon. Il montre la récurrence et les modes de régulation des chocs systémiques qui sont intervenus dans chacun de ces marchés de produits dérivés, fermes puis optionnels.

Son approche historique permet ainsi de guider le lecteur à travers une réalité mouvante de plus en plus complexe jusqu'aux marchés de gré à gré d'aujourd'hui. Il s'interroge alors sur la pertinence de certains indicateurs : tout d'abord les ratios de réserves bancaires (Bâle I) puis leur révision dans un sens prudentiel (Bâle II) et leurs insuffisances. Ensuite, il envisage le problème de la fiabilité des agences de notation, dont l'objectivité de l'analyse semble aujourd'hui largement remise en cause avec la crise des subprimes.

Pourquoi Jérôme Kerviel a-t-il pu en défrayant la chronique, exposer la Société Générale à des pertes avoisinant les 4,9 milliards € ? Comment peut-on expliquer que ce jeune trader ait pu prendre des positions pour plus de 40 milliards € sur les marchés à terme, en totale contradiction avec les instructions de sa hiérarchie ? Avant tout (en excluant le volet pénal du dossier) grâce à l'effet de levier de ces produits dérivés (qui représente le rapport entre le dépôt de garantie réellement engagé auprès du vendeur par rapport au prix du sous-jacent)… Un effet de levier d'autant plus intéressant, comme nous l'expose l'auteur, qu'il explique pourquoi l'une des parties à la transaction portant sur les instruments à terme ferme (futures, forwards ou swaps) est exposée à des pertes considérables.

Une plus grande éthique des responsabilités

Quant aux instruments à terme optionnel, Me Mojuyé relève l'asymétrie fondamentale des risques courus par les deux partenaires.

D'un côté, les pertes de l'acheteur et utilisateur de l'instrument financier sont limitées au prix de l'option, peu importe qu'il l'exerce ou pas.

De l'autre, son cocontractant s'expose quant à lui à des pertes illimitées, en cas d'exercice de l'option, quel que soit l'état des cours de bourse à la date de dénouement de l'opération. L'auteur, d'ailleurs, s'appuie sur quelques exemples de pertes gigantesques sur les marchés dérivés, pour prévenir que ces instruments financiers sont en mesure d'engendrer une crise de système. Les banques, comptant parmi les plus grandes utilisatrices des produits dérivés, sont donc interpellées.

Afin de limiter le risque systémique, l'auteur invite les opérateurs sur ces marchés à une plus grande « éthique des responsabilités » visant à limiter la prise excessive de risques et suggère la modification de la régulation du système boursier contemporain, dans le sens d'une mutualisation des risques sur les marchés de gré à gré et l'immunisation des banques à travers la mise en place d'une chambre de compensation internationale en matière de produits dérivés. C'est ce qu'il défend sous le terme de « collatéralisation des dépôts bancaires », afin d'éviter que les risques de marché ne puissent priver de liquidité ces institutions, ruinant du même coup leurs déposants. Me Mojuyé signe ici une œuvre utile parce qu'il s'agit d'un véritable manuel, qui conjugue les argumentations économique et juridique, parce qu'il adopte l'approche comparative et qu'il propose une solution novatrice à un problème récurrent qui défraye aujourd'hui l'actualité.