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6 engagements pour un « small business act » territorial

La gouvernance de l’économie locale, bien que régionalisée, devra tenir compte des métropoles naissantes, et des intercommunalités qui souhaiteront conserver leur place, ou jouer un rôle croissant après l’effacement recherché des départements. Dans toutes les régions, la conférence territoriale de l’action publique (CTAP) devra donc réguler des forces parfois centrifuges, quand la création de richesses et d’emplois devrait mobiliser toutes les énergies. L’économie administrée d’antan est derrière nous, et les actions économiques publiques, en économie ouverte, doivent profondément muter. 

Les entreprises en sont parfaitement conscientes, et attendent avant tout des pouvoirs publics une simplification tous azimuts qui les libère, et le respect des engagements publics, notamment en termes d’investissements publics. Dans cette période de crise durable des finances publiques, il n’est en effet que temps de prioriser les investissements générateurs de croissance et d’innovation, en lieu et place de dépenses de fonctionnement qui, de par leurs poids et leur efficacité trop souvent relative, entament la confiance des citoyens dans l’utilité des prélèvements obligatoires en général, et expose en particulier le consentement à l’impôt.

Les entreprises nécessitent de la lisibilité à moyen et long terme ; une lisibilité qui facilite les stratégies d’adaptation dans une économie traversée par des transformations aussi profondes qu’accélérées. Sans recourir à des normes nouvelles, mais en mobilisant les volontés, les collectivités publiques, au premier rang desquelles les régions, disposent de leviers permettant d’agir en ce sens.

Trois engagements pourraient être mis en œuvre, dès le début 2016, par la sphère publique locale 

  • 1er engagement : la réduction à 20 jours des délais de paiement aux entreprises.

Grâce à une action résolue des collectivités ET du Trésor public, il serait en effet parfaitement possible de réduire les délais de paiement aujourd’hui observés. Quatre raisons principales peuvent expliquer des délais excessifs, celles-ci pouvant d’ailleurs se cumuler dans certaines circonstances : l’inertie de l’administration en raison d’une organisation défaillante de la chaîne comptable, dont l’objectif premier n’est pas l’efficacité au paiement ; un système d’information financier et comptable devant être modernisé pour permettre une dématérialisation effective de toutes les étapes comptables et accroître ainsi l’efficacité administrative globale ; la séparation de l’ordonnateur et du comptable dans notre sphère publique, avec parfois un comptable public, en l’espèce l’État, plus lent au paiement qu’au recouvrement ; enfin, il arrive que les entreprises aient omis des pièces comptables. Cela pose du reste la question du réexamen de ces dispositifs comptables de vérification du service fait et des pièces comptables demandées, qui mériteraient une réflexion spécifique.

Une mesure purement volontaire des exécutifs locaux pourrait consister en un alourdissement des pénalités versées par la sphère publique aux entreprises en cas de dépassement du délai de 20 jours, dès lors que les dossiers seraient réputés complets. Une telle mesure aurait un double impact positif : elle rétablirait une confiance érodée vis-à-vis des pouvoirs publics, et inciterait le secteur privé lui-même à trouver des solutions complémentaires au sujet sensible des dettes fournisseurs.

  • 2ème engagement : la valorisation et la promotion de l’économie locale.

Sans timidité ni démagogie, la sphère publique locale est en droit, et même en devoir, d’utiliser la commande publique comme levier puissant de développement et d’innovation économique locale. Conscients des règles de la commande publique, qui elles-mêmes découlent en grande partie de la réglementation européenne, il n’est en rien question de fragiliser la position juridique des collectivités locales. Toutefois, face au caractère complexe et jamais réellement simplifié de la commande publique, ainsi qu’à l’asymétrie des situations en comparaison des règles hors zone européenne, dont les sociétés qui en sont issues tirent profit, les pouvoirs publics devraient enfin entamer un virage conceptuel dans ce domaine. La France devrait à cet égard évaluer la perte de création de valeur résultant de distorsion de concurrence à l’intérieur, et hors zone européenne, pour ce qui concerne la commande publique.

Le code des marchés publics offre cependant des fenêtres juridiques insuffisamment exploitées, que les services hésitent à mettre en œuvre faute de directives claires, de crainte de recours, ou de déficit d’expertise. Car, une des voies d’une mise en application de cet engagement réside dans une expertise accrue dans l’ingénierie des marchés publics, depuis la formalisation du besoin de l’achat public jusqu’au choix de la procédure, en passant par la définition de critères et sous-critères cibles. C’est pourquoi, en région Centre, les départements du Loiret, du Loir-et-Cher et l’Eure-et-Loir ont pris l’initiative de créer la première centrale d’achat territoriale regroupant des acteurs publics diversifiés, tout en étant ouverte au secteur privé : APPROLYS. Cette centrale d’achat repose sur trois principes : la performance de l’achat public, la valorisation et la promotion de l’économie locale, et l’achat durable. Après une année et demie d’activité, la massification de l’achat public a certes été synonyme de gains importants pour les adhérents d’APPROLYS, mais a également permis de constater des résultats positifs au profit de l’économie locale. Là encore, par la volonté et l’effort, la commande publique peut devenir un atout pour le développement économique local et l’innovation publique.

  • 3ème engagement : la reconnaissance d’un « droit des entreprises à la simplification ».

Il ne s’agit pas ici de recourir une fois de plus à un instrument normatif complexe, et long à mettre en œuvre. L’idée est simple : toute entreprise confrontée à une démarche administrative doit pouvoir se référer à un engagement de délai de la part de l’administration selon un cadre établi et adopté par les autorités administratives concernées. En cas de dépassement, la responsabilité pécuniaire de l’administration serait mise en cause, dans une logique de pénalités de retard. En effet, s’il est compréhensible dans un État de droit que la sphère publique puisse bénéficier de dispositions juridiques symbolisant une puissance particulière, au nom de l’intérêt général qu’elle est censée incarnée, il serait juste que celles-ci soient mieux contrebalancées par d’autres dispositifs, dans un esprit de responsabilité et d’exemplarité au regard des missions de service public dont les administrations sont investies.

Nul doute qu’une telle mesure implique une volonté forte des exécutifs régionaux pour fédérer l’État, les consulaires, et l’ensemble des acteurs disposant d’une prérogative d’administration ayant trait à la vie des entreprises.

La simplification est en effet un objectif louable et nécessaire, mais l’engagement en responsabilité des acteurs publics, avec la possibilité d’une sanction pécuniaire, devrait participer d’évolutions accélérées dont pourraient bénéficier les entreprises.

Des outils financiers viendraient également faciliter le développement économique des TPE-PME face aux défaillances de marché, par un soutien à la trésorerie, et un accès renforcé aux financements 

  • 4ème engagement : la création d’un « fonds régional de garantie renforcée » (FRGR) pour la couverture des produits d’affacturage.

En effet, le coût d’accès à l’affacturage est aujourd’hui d’un niveau tel qu’il rend difficile pour ces types d’entreprises une couverture pourtant intéressante dans un contexte de multiplication des défaillances des fournisseurs, plus ou moins justifiées. Cet instrument financier, impulsé par les régions, et négocié avec les milieux financiers avec l’appui de la Bpifrance, permettrait grâce à une solidité accrue des ratios des sociétés d’affacturage d’en réduire le coût d’accès et/ou d’agir sur les critères techniques. Certes cette voie est complexe, mais l’hypothèse de fonds publics destinés à répondre directement aux besoins de trésorerie que Bpifrance ou d’autres établissements financiers ne seraient pas en mesure de couvrir seuls, relève du propos démagogique au pire, ou de la demi-mesure au mieux. L’innovation financière est une exigence tant les enjeux sont importants et les ressources financières contraintes.

  • 5ème engagement : les prêts d’appui aux financements des TPE/PME.

Ces entreprises présentent souvent des projets intéressants dans leur objet, et structurants pour le tissu économique local. Cependant, leur faible capitalisation, et la fragilité de notre économie, conduisent les milieux financiers traditionnels à les écarter des outils financiers élaborés, alors même qu’elles ne sauraient être raccrochées à des produits proches de ceux proposés au grand public. Tant et si bien qu’elles ne peuvent souvent être accompagnées dans des conditions garantissant une croissance sereine, c’est-à-dire permettant aux chefs d’entreprise de se concentrer sur leur cœur de métier et de projet, et non la course à l’échelonnement d’une échéance ou à un réaménagement qui se traduira in fine par des frais financiers plus élevés.

C’est pourquoi les futurs exécutifs régionaux devraient procéder à une évaluation rapide des dispositifs existants pour analyser précisément la pertinence d’une participation publique à des fonds de financement qui viennent alimenter des entreprises pouvant, pour nombre d’entre elles, se financer assez aisément sans un soutien public. Ce propos n’est probablement pas « dans la ligne », mais l’examen des fonds d’investissement régionaux permet sans difficulté d’observer des ratios et des résultats, tant en mobilisation réelle, qu’en rendement, qui devrait interroger la sphère publique. Bref, le but ultime d’un fonds d’investissement soutenu par des acteurs publics locaux n’est certainement pas d’afficher un déficit chronique ou des résultats désastreux ; il n’est cependant pas non plus de viser les critères de rentabilité de fonds d’investissement autrement mieux armés et exigeants compte tenu de la nature de leurs ressources.

Les premiers mois de la mandature pourraient donc être consacrés à la confection d’un fonds de financement des TPE-PME, concerté avec les acteurs économiques, et tenant compte de leurs besoins et de leurs caractéristiques, sachant que les chefs d’entreprise ont dans leur très grande majorité un esprit de responsabilité ne les poussant pas aux solutions irrationnelles et déraisonnables. À cet égard, un critère me paraîtrait intéressant à étudier en profondeur : l’impact de différés d’amortissement ciblés pour les entreprises en phase de croissance, et dont une partie des frais de portage pourrait être prise en charge selon des modalités diverses, pouvant aller jusqu’à un intéressement du fonds au résultat des entreprises concernées, égal au montant des facilités consenties. Nous le voyons, des modalités peu envisagées aujourd’hui mériteraient pour le moins d’être investiguées, afin d’en juger de la pertinence ou non et de passer le cas échéant à une autre hypothèse plus solide.

  • 6ème engagement : l’innovation financière locale est un véritable enjeu.

Les modèles économiques innovants en matière de recours à l’épargne populaire nécessiteront une réforme structurelle, avec la participation des milieux bancaires. En effet, les exemples récents en matière de recours à l’épargne populaire, malgré les déclarations emplies d’éloquence, ont révélé des limites de plusieurs natures. L’appel à l’épargne publique n’a jamais réellement été accompagné d’un message clair sur le moindre rendement en comparaison de produits plus classiques et peu exposés. Pourtant le goût du risque n’est pas à bannir !

Dans un contexte de faible rémunération de l’épargne en général, l’épargnant n’a guère été séduit par ces formules. Et lorsqu’il le fut, c’était pour s’inscrire dans un fonds de financement présentant des niveaux de rentabilité et de risque éloignés des objectifs éthiques affichés. Il suffit pour s’en convaincre d’observer les rendements proposés par certains fonds régionaux, et la gestion stricte du risque par des comités d’engagement dont la composition et les critères de d’analyse sont calqués sur les fonds les plus exigeants. Faut-il rappeler que le recours à l’épargne populaire, avec une visée parfois éthique, repose normalement sur une vraie prise de risque et une sous-optimalité acceptée en termes de rémunération de coupons, lors notamment d’émissions obligataires régionales comme supports courants. Il reviendra donc aux futurs exécutifs régionaux, non de se positionner sur un champ que les marchés financiers couvrent correctement, mais d’innover avec des produits que l’on pourrait véritablement qualifier d’éthiques dans leurs choix de cibles d’investissement et leurs modalités, afin de valoriser l’économie locale. L’échec en matière d’investissement et de recherche n’est pas le synonyme de la stagnation ou de l’immobilisme, mais plutôt l’antichambre d’innovations de rupture, pour peu que des talents aient été repérés avec soin et accompagnés à toutes les étapes de projets parfois surprenants.

Voilà pourquoi le « crowdfunding » connaît un succès réel, en dehors de l’intermédiation des acteurs financiers traditionnels. À tel point que les acteurs publics courent désormais après cette innovation financière participative.

Par ces 6 engagements, les acteurs publics présents dans chacune des régions pourraient mobiliser et unir leurs volontés, afin de s’engager d’ici l’été 2016 à la réalisation d’un « small business act territorial ».