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Surveillance des plages par les CRS : tâche indue de la police nationale

La sénatrice, Nathalie Delattre, a posé une question orale n° 0321S au ministère de l'Intérieur sur la pérennisation de la mission de surveillance des nageurs-sauveteurs des compagnies républicaines de sécurité (NS-CRS). Cette question est l'occasion de développer le contenu de cette mission et des moyens qui lui sont affectés.

En matière de secours, les maires des communes du littoral exercent la police spéciale des baignades et des activités nautiques en mer pratiquées à partir du rivage jusqu'à une limite fixée à 300 mètres et doivent fixer une zone de surveillance adaptée à la réalité de la fréquentation constatée sur les lieux de baignade.

Dans ce cadre, cette mission est assurée notamment lors des périodes estivales par les personnels brevetés maîtres nageurs sauveteurs (MNS) appartenant aux structures  suivantes :

  • ministère de l'intérieur : compagnies républicaines de sécurité (CRS),
  • départements : services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) détachant des unités saisonnières, notamment sanitaires et nautiques,
  • communes : notamment avec leur police municipale,  
  • société nationale de sauvetage en mer (SNSM),
  • associations locales :

Les communes métropolitaines (environ 380 rattachées à une quinzaine de départements) bénéficiant de MNS selon des critères de dangerosité des surfaces nautiques et d'affluence touristique sont situées dans les zones suivantes :

  • zone atlantique : de Soulac-sur-Mer (33) à Saint-Jean-de-Luz (64), de Saint-Jean-de-Monts (85) à La Faute-sur-Mer (85), de Pouldreuzic (29) à Saint Michel-Chef-Chef (44), de Ouistreham (14) au Havre (76), Perros-Guirec (22) et Saint Malo (35)
  • zone Méditerranée : de Barcarrés (66) à Saintes-Maries-de-la-mer (66), de La Ciotat (13) à Villefranche-sur-Mer (06)
  • zone de La Manche : du Touquet-Paris-Plage (62) à Dunkerque (59).

La mission des policiers des CRS en tant que MNS affectés à la surveillance des plages qui a débuté dès l'été 1958 avec une trentaine de personnels déployés sur les plages bretonnes (puis 150 en 1959) est la suivante : secours et sauvetage, constatation et répression des infractions, conseil technique auprès des maires des communes du littoral français métropolitain. Alors qu'il y a une trentaine d'années environ 1.200 personnels des CRS étaient mobilisés en tant que MNS chaque année pour la surveillance des plages, leur nombre a baissé progressivement et plus récemment entre 2008 et 2015, et surtout en 2016 pour des raisons relatives à la sécurité de l'Euro de football et de l'état d'urgence comme le met en évidence le tableau ci-dessous :

Ce volume de 296 policiers des CRS engagés en 2016 en tant que MNS est équivalent à l'effectif théorique de 2 CRS (environ 150 personnels chacune) et leur déploiement concerne environ une douzaine de CRS sur la soixantaine qui constitue, rappelons-le,  une réserve générale de la police nationale principalement affectée à des opérations de maintien de l'ordre et de sécurité publique.

En outre, le ministère de l'Intérieur a confirmé que le volume de policiers CRS en tant que MNS pour l'année 2017 ne pourra pas dépasser celui de 2016 et seules les communes ayant bénéficié en 2016 de leur concours seront éligibles à un nouveau renfort en 2017 – confer la question écrite n° 100537 de de M. Sébastien Huyghe (Les Républicains - Nord ), question publiée au JO le : 08/11/2016 page : 9239 et Réponse publiée au JO le : 28/02/2017 page : 1853.

Il est à noter que la gendarmerie nationale ne déploie plus de personnels brevetés MNS depuis le début des années 1980 au profit des collectivités territoriales même si elle assure des postes saisonniers remplissant l'ensemble des missions de sécurité publique : surveillance générale, enquêtes judiciaires, intervention de maintien de l'ordre – qui sont d'ailleurs aussi effectuées par les polices nationales (commissariats).

Selon la réponse du ministre de l'Intérieur à la question écrite citée supra, le déploiement en 2017 des policiers des CRS en tant que MNS est effectué de la façon suivante :

  • amplitude horaire de leur action : de 8 h à 19 h,
  • période saisonnière de leur action : du 6 juillet au 3 septembre.

Le financement de la participation des policiers des CRS en tant que MNS à la surveillance des plages est effectué de la façon suivante :

  • par le ministère de l'Intérieur : outre les rémunérations (incluant les pensions) : l'habillement spécifique « plage », l'achat et l'entretien des embarcations nautiques ; les formations des policiers des CRS en tant que MNS : Brevet National de Sécurité et de Sauvetage Aquatique (B.N.S.S.A.), permis côtier, certificat restreint de radiotéléphoniste, spécialisation en secourisme (P.S.E. 2), Brevet d’État d’Éducateur Sportif Activité de Natation (B.E.E.S.A.N.),  
  • par les communes du littoral bénéficiaires des prestations des policiers des CRS en tant que MNS : frais de  déplacement, hébergement et alimentation des policiers, mise à disposition par les CRS d'embarcations nautiques  selon des tarifs forfaitaires avantageux pour les communes.

Il n'est pas certain que la formation spécifique décrite supra des policiers des CRS qui a un coût initial important et nécessite chaque année des tests de sélection interne de novembre à mars précédant la saison estivale, corresponde en totalité aux besoins de cette formation de réserve générale de la police nationale dont les missions principales sont les suivantes : assurer le maintien de l’ordre, apporter son concours aux services de la police aux frontières (PAF), concourir à la lutte contre les violences urbaines, apporter son concours à la sécurité publique (sécurité des grandes agglomérations, protection des personnes et des édifices, sécurité routière...).

En outre, la surveillance des plages effectuée par les policiers des CRS en tant que MNS qui relève de la responsabilité des maires (confer l'article  L. 2213-23 du CGCT) s'appuie sur un dispositif réglementaire qui est « irrégulier et inéquitable » comme le précise le rapport de la Cour des comptes de septembre 2012. En effet, elle considère que le décret n° 2003-952 relatif à l’organisation des CRS ne saurait donner une justification à cette mission compte tenu qu'il précise que les CRS peuvent être employées sur tout le territoire, notamment pour « assumer des missions de surveillance » et « être appelées à porter assistance aux populations en cas de sinistre grave ou de calamité publique ». En outre, elle estime que certains textes ne constituent pas un fondement juridique et réglementaire solide à la participation des policiers des CRS en tant que MNS à la surveillance des plages comme :

  • l'instruction ministérielle du 24 mai 1965 relative à l’utilisation des compagnies républicaines de sécurité qui précise qu'elles peuvent être utilisées au titre des « renforts spécialisés »,
  • la circulaire du 25 mai 1965 qui précise que les CRS peuvent remplir certaines tâches spécialisées comme « d’assurer la surveillance des plages ».

Conclusion

Il apparaît nécessaire de désengager les policiers des CRS des missions de surveillance des plages en tant que MNS comme cela a été fait pour les gendarmes dans les années 1980 en vue de les concentrer sur des missions de sécurité publique comme force de réserve générale, surtout dans le cadre de l'état d'urgence et d'engranger des économies budgétaires au moment où le gouvernement veut réaliser un plan de réduction de dépenses, même si celles relatives à la participation de ces policiers à la mission de surveillance des plages en tant que MNS peuvent paraître minimes.

Ces missions de MNS devraient être assurées par les communes avec le concours de leur police municipale dont les personnels doivent recevoir la formation nécessaire de MNS et sont qualifiés pour constater et verbaliser les infractions, des associations comme la SNSM dont l'engagement devient d'ailleurs de plus en plus important (en 2011 : environ 1.100 MNS, en 2016 : environ 1.600 MNS en raison de la réduction des policiers des CRS en tant que MNS).

Enfin, il y a lieu pour les communes d'investir dans la réalisation de matériels technologiques télécommandés de prévention, d'observation, et d'alerte sur les zones de danger et les risques météorologiques : drones de surveillance, caméras, haut-parleurs, mégaphones, panneaux d'information... C'est ainsi que ces investissements permettraient de concentrer les ressources humaines brevetées MNS sur des missions ponctuelles d'intervention humaine de secours et de sauvetage.