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Réforme de la constitution : la révolution que tout le monde ignore

Congrès de Versailles. L'article 24 de la constitution a été modifié et affirme pour la première fois que le Parlement évalue les politiques publiques, cela n'a l'air de rien mais ces mots peuvent changer notre démocratie.

Personne n'en parle et pourtant la grande révolution de la réforme des institutions votée hier en congrès à Versailles à une voix près, n'est pas celle que l'on croit. Ni la maîtrise de la moitié de son ordre du jour par le Parlement, ni son droit de veto sur les nominations ne valent un tout modeste morceau de phrase ajouté après une bataille très rude dans les couloirs du pouvoir. A l'article 24 de la constitution qui définit le rôle de notre Parlement ont été ajoutés quelques mots décisifs pour notre avenir et le potentiel retour à l'équilibre de nos comptes publics : « Le Parlement vote la loi. Il contrôle l'action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques ».

Il évalue les politiques publiques, cela n'a l'air de rien mais ces 5 mots peuvent changer notre démocratie. L'apanage de notre Parlement n'est donc plus constitutionnellement seulement de légiférer mais aussi de contrôler. Ces 5 valeureux mots avaient bien failli passer aux oubliettes de l'histoire dans les méandres sinueux de l'enfantement d'une réforme. Entre le rapport Balladur et l'annonce en conseil des ministres, ils avaient, poussés par les vents contraires à la réforme, dérivé pour se retrouver accolés non plus au Parlement mais à la Cour des comptes. Nos deux assemblées, vent debout contre une telle dérive, ont rétabli cette mention cruciale. N'est-il pas bon de rappeler que seul le Parlement a le pouvoir de sanction sur les dépenses publiques car il vote le budget ? Jamais auparavant, la constitution de la Vème République n'avait évoqué ce rôle majeur du Parlement. Rôle pourtant banal dans la plupart des grandes démocraties.

Maintenant que ce pouvoir du Parlement est confirmé, le plus difficile sera, pour les élus de la Nation, d'exercer réellement ce pouvoir. D'aucuns ne manquent pas de l'envie de mettre tout de suite en place les dispositifs ad hoc qui feront cesser la « culture de la soumission et de la démission permanentes » évoquée par Didier Migaud, Président (PS) de la commission des Finances de l'Assemblée nationale dans l'hémicycle le 28 mai dernier. Curieusement, sur le diagnostic, tout le monde tombe d'accord mais les modalités de la réforme ne font pas consensus. Pour obtenir ce « consensus politique » sans lequel nulle réforme n'est possible, le chemin est encore long. Le premier objectif était de conforter le Parlement dans son pouvoir de contrôle des politiques et des deniers publics, c'est chose faite. Le second demande de gravir bien des obstacles et de convaincre bien des réticents. D'ici 2012, il existe pourtant et pour la première fois une possibilité de faire avancer notre démocratie vers un modèle où le Parlement contrôle vraiment les politiques publiques. Reste encore à prouver que c'est possible et que la France n'est pas condamnée (culturellement) à voter tous ses budgets en déficit tandis que le Parlement ne sait pas vraiment où part l'argent public.