Actualité

Pour un vrai contrôle de la dépense publique

Contexte
Depuis 1999, l'iFRAP travaille à ce que notre Parlement se dote d'un organe d'audit des dépenses publiques identique au National Audit Office (NAO) anglais qui permet en Grande-Bretagne un contrôle efficace des dépenses publiques par le Parlement.

De 2003 à 2007, cette proposition de l'iFRAP a progressé pour devenir, début 2007, une proposition de loi cosignée par plus de cent députés pour la création d'un Office d'évaluation et de contrôle de la dépense publique (Ofec). Cette idée a été reprise, à gauche comme à droite, pendant la campagne et est devenue l'une des propositions de Nicolas Sarkozy avec le soutien du futur Premier ministre François Fillon. Depuis, ce projet avance mais le résultat risque d'être moins ambitieux que le projet d'Ofec. Pour rappeler l'importance de ce projet d'envergure, cinq députés – Louis Giscard d'Estaing, Jean-Michel Fourgous, Philippe Cochet, Olivier Dassault et Sébastien Huyghe – se sont mobilisés pour publier le 21 décembre 2007 une tribune dans Les Échos afin d'alerter le Gourvernement et l'opinion sur l'importance pour notre démocratie de rendre au Parlement son pouvoir de contrôle de la dépense publique et par là-même son pouvoir.

Tribune parue dans Les Échos du 21/22 déc. 2007

Nous, législateurs, avons un devoir sacré vis-à-vis des citoyens qui nous ont élus : celui de contrôler la dépense publique. Voter le budget de l'État chaque année, discuter des efforts à consentir et des investissements à mener fait partie de nos responsabilités les plus lourdes. C'est à travers notre vote que les Français peuvent exprimer leur volonté souveraine d'une dépense publique efficace et efficiente, qui corresponde à leurs vraies attentes. Nous ne pouvons accomplir cette mission que si nous savons ce qui se passe dans nos administrations, nos agences, nos services publics.

- Louis GISCARD D'ESTAING, député du Puy-de-dôme, vice-président de la commission des Finances
- Jean-Michel FOURGOUS, député des Yvelines, coprésident du groupe de députés Génération entreprise
- Philippe COCHET, député du Rhône, secrétaire général adjoint de l'UMP
- Olivier DASSAULT, député de l'Oise, coprésident du groupe de députés Génération entreprise
- Sébastien HUYGHE, député du Nord

Or, les processus de contrôle existants ont, il faut bien le reconnaître, une efficacité proche de zéro. Certes, les rapports des différents corps de contrôle ou de la Cour des comptes fournissent des éléments précieux pour analyser l'action de l'État. Mais aucun dispositif ne permet qu'ils soient suivis d'effet. Aujourd'hui, nous nommons « contrôle » un dispositif qui n'agit qu'à la marge ! Il est indispensable que le processus de rééquilibrage des institutions, repris dans les conclusions de la commission Balladur, mette fin à cette situation et redonne au Parlement toute sa dimension en matière de contrôle de la dépense publique. Et si la solution est connue – « seul le pouvoir arrête le pouvoir » – ses conséquences doivent courageusement être tirées : le Parlement doit disposer de moyens d'investigations indépendants, raisonnablement coercitifs, vis-à-vis du gouvernement.

La seule institution qui bénéficie aujourd'hui des compétences et des moyens pour ce contrôle doit donc, pour une part, être mise au service du Parlement : il s'agit de la Cour des comptes. La position de son président, qui affirme vouloir se tenir « à équidistance entre le Parlement et le Gouvernement » n'est plus tenable. À quoi sert une telle institution si les rapports qu'elle produit – excellents au demeurant – ne sont que trop rarement suivis d'effets, n'interviennent qu'après la dépense publique, ne sont pas intégrés dans le processus de réforme de l'État ? Puisqu'une réforme constitutionnelle censée renforcer le pouvoir de contrôle du Parlement doit avoir lieu, nous demandons qu'un détachement de la Cour des comptes soit mis exclusivement à la disposition du Parlement, Assemblée nationale et Sénat, pour exercer un contrôle réel, suivi d'effets, et donner à la discussion budgétaire un impact fort sur la conduite de l'État.

L'article 47 de la Constitution dispose que « la Cour des comptes assiste le Parlement et le gouvernement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances ». Aujourd'hui, cette formulation a montré ses limites. Tout d'abord parce que « l'assistance » de la Cour des comptes n'a pas trouvé de traduction institutionnelle permanente. Ensuite parce qu'elle limite cette collaboration à « l'exécution » de la loi de finances.

Par ailleurs, pour suivre les travaux de ces membres détachés de la Cour des comptes, il est nécessaire qu'un petit nombre de parlementaires – députés et sénateurs réunis comme lors des CMP (commissions mixtes paritaires) – soit chargé d'auditionner et interroger publiquement en auditions publiques, devant les médias, directement ceux-là mêmes qui, ordonnateurs, engagent la dépense publique. À cela répond le « comité d'évaluation » de la dépense publique en train d'être mis en place sous l'impulsion de Bernard Accoyer et de Jean-François Copé. Puisqu'une réforme constitutionnelle doit avoir lieu pour renforcer le pouvoir de contrôle du Parlement, nous demandons que ce « comité d'évaluation » soit permanent et doté d'un statut juridique officiel et non une coquille qu'on pourrait supprimer à tout moment. Les organes équivalents des Parlements d'autres nations sont généralement constitués au maximum d'une douzaine de membres. Il nous semble que, dans la voie tracée par le rapport Balladur, il serait important d'y associer des représentants des autres commissions de l'Assemblée qui estimeraient devoir être informés et intervenir dans le contrôle de la dépense publique.

Ce comité d'évaluation devrait être doté de moyens suffisants pour permettre aux parlementaires qui prendront de leur temps pour remplir ce devoir de contrôle de la dépense publique de disposer des informations qu'ils estiment indispensables. Renforcer le pouvoir de contrôle du Parlement est d'autant plus nécessaire que nous ne pouvons continuer à voter, comme c'est le cas à l'heure actuelle, des budgets entièrement façonnés par l'administration, aussi compétente et dévouée soit-elle. Il n'est pas admissible qu'entre le budget qui nous est présenté et celui que nous délivrons à la Nation, les écarts soient aussi faibles – une fraction de millième – qu'ils le sont à l'heure actuelle. Dans toutes les grandes démocraties, il appartient aux représentants du peuple d'ajouter et d'améliorer ce que lui présente l'exécutif, dont c'est le rôle de préparer le budget.

C'est aussi à cette occasion que nous pouvons contribuer à la grande tâche de rénovation nationale à laquelle s'est attelé le président Nicolas Sarkozy. C'est non seulement notre devoir, mais c'est aussi notre ambition.