Actualité

"Ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux ne suffira pas à réaliser les économies nécessaires"

Le ministre de la Fonction publique, François Sauvadet, a affirmé cette semaine que la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite dans la fonction publique d'État arrivait "au bout". Pourquoi le non renouvellement d'un fonctionnaire sur deux n'est-il toujours pas suffisant ? Cette interview d'Agnès Verdier-Molinié a été publiée sur Atlantico.

Atlantico : Le ministre de la Fonction publique, François Sauvadet, a reconnu ce jeudi que la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite dans la fonction publique d'État arrivait "au bout". Pensez-vous également que cette règle n'est pas suffisante pour atteindre l'objectif de réduction des effectifs ?

Agnès Verdier-Molinié : Effectivement, la règle telle qu'elle est appliquée ne suffira pas à réaliser les économies sur la masse salariale dont nous avons besoin pour retourner à l'équilibre budgétaire.

Pour les fonctionnaires d'État, Il y a une règle de rétrocession de 50% des économies réalisées dans le cadre du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite (destinée aux fonctionnaires des administrations dans lesquelles ont été supprimés des postes). Ce pourcentage de 50% a souvent été dépassé, comme l'a montré la Cour des comptes dans plusieurs rapports.

A la fondation iFRAP, nous proposons de continuer la règle du 1 sur 2, tout en allégeant le système des rétrocessions. Si l'on réduisait ces rétrocessions à 20% (ce qui suffirait amplement pour les augmentations, les primes etc.) on ferait, la première année, 640 millions d'euros d'économies. Au bout de cinq ans, nous aurions économisé 2,5 milliards d'euros compte tenu du fléchissement des départs en retraite (6.000 départs en retraite en 2012 au niveau de l'État et 35.600 au niveau des collectivités locales en 2012). Même si 150.000 postes ont été supprimés depuis 2007, la masse salariale de l'État baisse seulement cette année et encore très légèrement de 200 millions d'euros en 2012 à cause de ces rétrocessions.

Pour les collectivités locales il faudrait instaurer a minima la règle du non renouvellement de 1 fonctionnaire sur 2. Mais il serait bien sûr préférable de passer à la règle du 2 sur 3.

Préconisez-vous systématiquement la règle du non renouvellement de deux fonctionnaires sur trois pour les fonctionnaires d'État ?

Il ne s'agit pas uniquement de suppressions de postes. La question est de savoir comment réussir à réaliser des économies sur la masse salariale de l'État. Il y a plusieurs pistes. Soit limiter les rétrocessions, soit les supprimer. Il est aussi possible de geler totalement les salaires publics. Nous avons montré que l'on pouvait économiser en gelant les salaires publics au moins 2 milliards rien que la première année.

Aujourd'hui, on a gelé le point d'indice mais pas l'avancement (le point d'indice représente 25% de la progression des rémunérations contre 52% pour l'avancement). On continue d'avoir un peu moins de 3% d'augmentation de salaire sur les personnels en place. Pendant que nous essayons de faire baisser la masse salariale d'un côté en ne renouvelant pas tous les postes de départ en retraite, de l'autre côté, nous faisons des rétrocessions. De plus, quand on fait des fusions d'administrations, souvent, on requalifie les postes avec des mesures statutaires. Ceux qui étaient des catégories C deviennent des catégories B, et ceux qui étaient des B deviennent des A. Forcément, cela coûte plus cher… Au final, la logique d'économies ne prime pas.

Pour réaliser des économies encore plus importantes, nous pouvons aussi effectivement passer à la règle du 2 sur 3. Ou même, comme le font d'autres pays, geler totalement les embauches. Ce qui ne serait d'ailleurs pas la meilleur solution car il y a forcément des administrations dans lesquelles nous aurons besoin de personnel. Je pense notamment à la Justice où il va falloir dans les prochaines années embaucher du personnel pénitentiaire. Les services publics seront-ils toujours autant capables d'assurer leur mission avec un nombre conséquent d'effectif en moins ?

Ce problème de sureffectif se retrouve aussi dans le coût des effectifs dans le PIB. On voit que les Allemands sont autour 9,5% du PIB en dépenses de personnels quand nous sommes autour de 13%. Toutes les dépenses de personnel sont autant d'argent que l'on pourrait allouer ailleurs. Aujourd'hui, nous sommes à 285 milliards de dépenses de personnel tous les ans, retraites comprises. C'est énorme !

Les services publics ne pâtiraient pas du tout de la baisse du nombre des fonctionnaires. Les Allemands ont réussi avec moins de fonctionnaires à avoir des services publics tout aussi efficaces.

Est-ce logique de parler du sureffectif des fonctionnaires de manière homogène ? N'y a-t-il pas des bons et des mauvais élèves ?

Le ministère de l'Éducation est celui qui compte le plus de personnels. Si l'on prend l'exemple des professeurs du second degré (collège et lycée), on voit très bien qu'ils donnent beaucoup moins de cours par an que leurs homologues, notamment allemands. Les professeurs allemands sont mieux payés mais ils donnent 758 heures de cours par an contre 644 heures pour nos professeurs.

Les professeurs français ont l'impression d'être mal payés. La question est : « Combien sont-ils payés à l'heure ? ». Les études de la Fondation iFRAP montrent qu'en fait, à l'heure, nos professeurs du second degré sont aussi payés dans la moyenne de l'OCDE (et un peu moins bien qu'en Allemagne).

On a beaucoup fustigé les suppressions de postes dans l'Éducation nationale, alors que le nombre d'élèves n'augmente pas. Nous avons maintenant beaucoup de professeurs qui donnent 18 ou 15 heures de cours par semaine et ne sont pas très bien payés. Une réforme profonde du statut de 1950 est nécessaire. Rien qu'en faisant travailler deux heures de plus par semaine les professeurs, nous pourrions gagner l'équivalent de 40.000 emplois temps-plein. Il faudrait d'abord arriver à se fixer un objectif du nombre de personnes dans la fonction publique en France.