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Les indicateurs de la LOLF sont-ils des outils d'évaluation efficaces ?

La Loi Organique relative aux Lois de Finances (LOLF) a réformé la gestion budgétaire de l'Etat. Le budget, désormais présenté par missions, doit permettre aux parlementaires de contrôler l'efficacité des administrations qui rendent compte de leurs actions, au vu d'indicateurs précis. Mais comment sont déterminés ces indicateurs ? Un exemple avec les aides publiques aux entreprises.

Depuis 2000, celles-ci se sont orientées essentiellement vers le soutien à la création. En volume les résultats sont là, avec plus de 200 000 entreprises créées chaque année. Mais ce chiffre n'est pas le meilleur indicateur de l'efficacité des politiques publiques. Il faut s'intéresser au profil des entreprises créées et à leur évolution à court et moyen termes. Dans le cadre de la LOLF, un des objectifs fixés est de "Renforcer l'efficacité des aides aux entreprises" et des indicateurs ont donc été consacrés à l'évaluation des aides à la création d'entreprise.

L'un de ces indicateurs évalue le taux de survie à trois ans des entreprises nouvelles aidées par OSEO SOFARIS, qui est l'agence publique en charge de garantir les prêts aux créations d'entreprises et aux TPE-PME, faits par les banques. Si l'on en croit les chiffres, les taux de survie des entreprises en création ayant bénéficié d'une aide OSEO SOFARIS en 2000, 2001 et 2002, sont respectivement de 95 %, 96 % et 97 %. Ces chiffres paraissent très élevés, mais aucune vérification n'est possible, les chiffres étant donnés par l'organisme qui distribue les aides sans autres précisions.

Si l'on poursuit le décryptage de cet indicateur, on voit que l'on compare ce taux de survie au taux de survie des entreprises créées en France, obtenu grâce à l'Insee [1]. Malheureusement, les résultats publiés à ce jour concernent les entreprises créées en 1998. Le seul chiffre connu au niveau national concerne donc des entreprises créées en 1998, que l'on n'hésite pas à comparer aux entreprises accompagnées par OSEO SOFARIS en… 2002. A première vue, la conclusion qui s'impose est que l'aide d'OSEO SOFARIS permet un taux de survie de 97 % à 3 ans, quand le taux de survie à 3 ans en France des entreprises nouvellement créées est de 68 % seulement.

Ce résultat serait magnifique si les populations d'entreprises comparées étaient les mêmes :

Or, d'une part, les entreprises accompagnées par OSEO SOFARIS ont toutes bénéficié d'un prêt bancaire. Et les résultats sont formels, le taux de réussite d'une création est corrélé au montant investi au départ. Ainsi à 5 ans, seules 42% des entreprises créées avec moins de 7500 euros ont survécu, alors que celles qui ont investi plus de 76 000 euros sont 70 % à avoir survécu. Il est donc normal que les entreprises accompagnées par OSEO SOFARIS aient un taux de survie supérieur, car elles ont une surface financière plus élevée que la moyenne des créations.

D'autre part, on peut s'interroger sur l'utilité d'une aide qui consiste à garantir les risques pris par une banque qui finance une création d'entreprise quand dans 97% des cas les entreprises créées réussissent. La banque aurait très certainement pu prendre ce risque seule. Est-ce vraiment le rôle de la garantie publique ?

Dans le même esprit, la LOLF propose aussi un indicateur du taux de survie à 3 ans des entreprises créées grâce aux aides ACCRE, EDEN, principales mesures de soutien aux chômeurs créateurs. Ces entreprises ont un taux de survie de 70%. Quelles conclusions en tirer ? Ce chiffre n'est d'ailleurs comparé à rien. En revanche on peut lire dans un document de l'Insee, consacré à la création d'entreprises [2] : "Le taux de survie des entreprises des chômeurs créateurs est nettement supérieur lorsque le créateur a bénéficié d'aides publiques. Il est cependant difficile de dire si l'aide en elle-même joue un rôle déterminant ou si les projets aidés l'ont été parce qu'ils paraissent plus viables aux organismes allocataires d'aide".

De ces exemples, on peut tirer les informations suivantes : les dispositifs d'aides à la création se dirigent-ils vers les projets les plus risqués ? On peut en douter, contrairement à ce qui est souvent affirmé. Ne devrait-on pas laisser les banquiers financer seuls ces créations ? D'autre part, les indicateurs mis au point par les administrations et les agences publiques peuvent être biaisés et ne pas refléter l'efficacité réelle des politiques publiques et les marges de progrès qui restent à accomplir. Pour les parlementaires en tout cas, une conclusion s'impose : le contrôle budgétaire doit encore être amélioré.

[1] Enquête SINE qui permet de suivre des cohortes d'entreprises nouvellement créées : survie à 3 et 5 ans, création d'emplois…

[2] Créations et créateurs d'entreprises, Insee Résultat n°19- décembre 2004.