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L'endettement de la France

David Thesmar est membre du Conseil d'Analyse Economique, professeur à HEC et auteur, avec Augustin Landier, de « Le grand méchant marché : Décryptage d'un fantasme français (Flammarion, Paris, 2007).

Fondation iFRAP : La situation des finances publiques de la Grèce inquiète, la France pourrait-elle subir le même sort ?

David Thesmar : La Grèce fournit l'opportunité politique pour implémenter une réduction des déficits. Cette configuration est bonne pour les politiques dans la logique de lutter contre les déficits. En plus, l'opposition a tout intérêt à aller dans le même sens si elle veut récupérer éventuellement une situation avec des marges de manœuvres budgétaires. L'autre coté positif, c'est que l'opinion publique peut être plus facilement sensibilisée. L'Opinion comprend soudain que la solution de tout financer avec de la dette publique n'est pas infinie. Elle touche du doigt que l'endettement a une limite et que cette limite est atteinte aujourd'hui.

Fondation iFRAP : Faut-il s'inquiéter pour la note de la France ?

DT : Pour l'instant, la France est notée AAA, comme l'Allemagne, alors que l'Allemagne fait plus d'efforts pour réduire sa dette et que son déficit structurel est déjà quasi nul. Cela dit, au sein de la note triple AAA, il peut y avoir des différences et ces différences peuvent, au final, coûter cher à la France. Car la charge de la dette est déjà pour la France de 40 milliards d'euros par an. Si le taux d'intérêt auquel la France rembourse sa dette augmentait de deux points, on passerait à 60 milliards !

Fondation iFRAP : La France suivra-t-elle le mouvement Allemand en inscrivant dans sa Constitution une règle contre les déficits publics ?

DT : Comme les Allemands ont fait graver dans le marbre de leur constitution l'engagement de réduire les déficits, l'inscription dans la Constitution d'une règle « anti-déficits » est un nouveau standard auquel la France est maintenant quasiment contrainte d'adhérer. Mais ce n'est pas cela qui fera reculer les déficits publics. Personnellement, je crois beaucoup plus aux contre-pouvoirs. Le Parlement, et notamment l'Assemblée nationale et sa commission des Finances, ainsi que la Cour des comptes doivent jouer un rôle beaucoup plus important. Ce sont les contre-pouvoirs qui permettent d'avoir des politiques publiques équilibrées. Sinon, politiques et administrations perpétuent année après année les milliards de dépenses publiques et d'aides publiques du budget sans jamais se poser la question de leur efficacité.

Fondation iFRAP : L'évaluation des politiques publiques vous semble-t-elle optimale en France ?

DT : La question de l'évaluation ne se pose pas, en France, dans les bons termes, surtout car les administrations bloquent l'accès aux chiffres et aux informations. On ne peut pas, par exemple, évaluer les APL, aides au logement qui coûtent chaque année 14 milliards d'euros… L'évaluation doit être faite sur des populations témoins avec des expériences naturelles et non comme on le fait à l'heure actuelle.

Fondation iFRAP : Selon vous, que devrait annoncer Nicolas Sarkozy en avril dans le cadre de la Conférence des déficits ?

DT : Dans l'idéal, pour moi, ce serait une annonce visant à muscler les contre-pouvoirs comme la Cour des comptes et la Parlement avec la possibilité de s'opposer ou de supprimer les dispositifs inefficaces. Le risque est bien que l'on se contente d'annoncer l'ajout dans la Constitution d'un article « anti-déficits », une énième chasse aux niches fiscales ainsi qu'une RGPP locale. Mais tout cela ne suffira pas sans la mise en marche réelle des contre-pouvoirs dont toute démocratie a besoin et dont la France manque cruellement aujourd'hui.