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La douloureuse réforme qui attend les départements

Dans notre étude « Départements : la gestion passée au crible » nous avons, au travers de 5 indicateurs, montré que certains départements font plus d’efforts que d’autres pour maîtriser leurs dépenses de fonctionnement. Dans cette étude, nous avions porté notre attention sur les indicateurs suivants : dépenses totales, dépenses de personnel, effectifs, absentéisme, dépenses sociales.

  • Les bons gestionnaires : Yvelines, Marne, Deux-Sèvres et Indre (dépenses totales) ; Haut-Rhin, Lot-et-Garonne (charges de personnel) ; Meuse, Cantal, Vienne (absentéisme) ; Haute-Saône, Haute-Savoie, Ille-et-Vilaine (effectifs).
  • Et les moins bons : Lozère, Aude, Gard (dépenses totales) ; Corse-du-Sud, Vaucluse, Val-de-Marne (charges de personnel) ; Nièvre, Seine-St-Denis (absentéisme) ; Pas-de-Calais, Côtes-d’Armor, Creuse, Jura (effectifs).

Nous proposons de consulter les 4 bases téléchargeables ci-dessous où nous avons compilé les données selon la strate à laquelle appartient le département. Le classement par strate est en effet indispensable pour situer le département par rapport à des départements comparables en taille et mesurer ainsi les marges de manœuvre qui sont possibles.

Des données complètes sur les indicateurs financiers et les profils socio-économiques des départements est disponible sur le site de la DGCL : voir ici et ici.

  • Strate 1 : départements de moins de 250 000 habitants
  • Strate 2 : départements de 250 000 à 500 000 habitants
  • Strate 3 : départements de 500 000 à 1 million d’habitants
  • Strate 4 : départements de plus d’1 million d’habitants

Vous ne connaissez pas la taille de votre département ? Retrouvez le dans la liste à consulter ci-desous 

Nous avons décidé de mettre ces éléments en ligne car il nous semble que dans une démarche d’open data, il est absolument normal que ces éléments soient connus du plus grand nombre surtout à l’heure où se déroule ce vote. À ce titre, on ne peut que regretter que, sur la question essentielle des effectifs, aucune donnée ne soit disponible ni sur le site de la DGCL ni sur le site de l’INSEE. Les données que nous publions sont issues du dépouillement des bilans sociaux des 95 départements métropolitains (hors Paris) que nous avons demandés depuis décembre dernier et pour lesquels tous les conseils départementaux nous ont répondu sauf : les Landes, Les Pyrénées-Orientales, les Hauts-de-Seine et le Val-de-Marne.

Les écarts de gestion que nous avions mesurés dans cette étude sont autant de pistes d’économies pour les départements alors que leurs dotations vont fortement chuter, comme pour toutes les collectivités locales. En effet, la baisse des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales qui atteindra 12,5 milliards d’euros sur la période 2015-2017 et qui s’inscrit dans le cadre de la réduction des dépenses publiques de 50 milliards d’euros, doit conduire les collectivités en général et les départements en particulier à faire preuve d’une rapide adaptation de leurs finances. C’est ce que souligne un rapport du Sénat publié en novembre 2014Source « L'évolution des finances locales à l'horizon 2017 », Rapport d'information n° 95 (2014-2015) de MM. Philippe DALLIER, Charles GUENÉ et Jacques MÉZARD, 12 novembre 2014, insistant sur la décroissance très rapide des dotations qui les attend : en effet cette baisse devra être quatre fois plus rapide que celle observée entre 2010 et 2014, puisque l'on passerait de - 1 milliard par an en moyenne à - 12,5 milliards sur les trois années 2015, 2016 et 2017. Le gouvernement a indiqué qu'« au total, l'effort sur les ressources des collectivités locales devrait conduire à une évolution à "zéro volume", c'est-à-dire égale à la progression de l'inflation des dépenses des collectivités locales ».

Interviewé par le quotidien Les Echos, le 8 mars dernier, Michel Knopfler du cabinet Knopfler spécialisé dans les finances localesSource : Les Echos « Quasiment tous les départements ont lancé des plans d’économies », et à qui le Sénat a commandité un rapport d’audit, a bien indiqué que les départements connaîtront une baisse de 4 milliards d’euros de leurs dotations, alors que leur volume total de dépenses de 66 milliards d’euros (métropole hors Paris). Mais les sénateurs, dont de très nombreux sont aussi élus locaux, insistent sur le fait que cette baisse des dépenses doit se faire dans un contexte tendu : tension sur la fiscalité, impossibilité de recourir à un endettement supplémentaire, dépenses de gestion difficilement contrôlables, notamment l’augmentation du glissement vieillesse-technicité qui influe sur leurs charges de personnel et la hausse des allocations de solidarité n'est pas maîtrisable ; et qu'enfin, les collectivités doivent prendre en charge la mise en œuvre de décisions prises par l'État, telle la modification des rythmes scolaires.

Les sénateurs concluent en s’interrogeant :

  • quels leviers les élus vont-ils utiliser pour y faire face dans l'immédiat (budgets 2015) et dans les années qui suivent ?
  • quelle sera l'intensité de ces mesures et avec quelles conséquences, notamment sur le niveau de service pour la population et sur les territoires dans leur diversité ?
  • selon quels critères ces décisions seront-elles prises ?

Or, une partie de la réponse tient à une nouvelle organisation des compétences des départements et on ne peut que déplorer qu’à l’occasion des discussions au Parlement de la loi NOTRe, les départements ont tout fait pour défendre le statu quo. Ainsi, interrogé par la Gazette des communes, le président de l’association des départements de France, Claudy Lebreton, a-t-il déclaré : « les départements sont sauvés » avant d’ajouter « Si la loi NOTRe est votée, le département perdra moins de compétences que prévu. Il conservera tout le bloc social, c’est-à-dire la gestion des trois allocations que sont le RSA, l’APA, la PCH.  (…) En matière d’éducation, le département garde la responsabilité des collèges. Il perd en revanche les transports scolaires et interurbains à l’exception du transport des handicapés. Il va garder les routes, la sécurité civile, conjointement avec les communes, la culture avec les archives départementales, la lecture publique et les schémas artistiques à l’école, la sécurité alimentaire. Les départements seront de moins en moins impliqués dans l’économie et l’emploi, qui représentent pour eux 2 milliards d’euros d’investissement. Mais il reste tout le champ des compétences partagées avec les régions : le tourisme, le numérique, la jeunesse et les sports ». Bref en matière de clarification de compétences, on repassera.

Reste alors à agir sur les charges à caractère général, en premier lieu sur les dépenses de personnel où là aussi des efforts peuvent être faits : comme nous le montrons dans notre étude, en s’alignant sur les meilleurs élèves de chaque strate, les départements pourraient dégager jusqu’à 3 milliards d’euros d’économies. Pour cela tous les leviers doivent être actionnés :

Lutter contre l’absentéisme (voir notre classement publié sur le site la semaine dernière) ; un rapprochement sur ce qui est constaté dans le secteur privé génèrerait environ 60 millions d'euros d’économies rien qu’au niveau des départementsSource : calculs iFRAP en comparant 16 jours d’absence en moyenne dans le secteur privé ; voir étude Alma consulting group.

Aligner le temps de travail des agents départementaux sur le temps de travail légal c’est-à-dire 1607 heures annuelles (35h hebdomadaires). Nous avons relevé les exemples suivants issus des différents rapports des Chambres régionales des comptes :

  • Département du Vaucluse, exercice 2006 : 1.540 heures, coût : 4,4 millions d'euros par an ;
  • Département du Tarn, exercices 2007 et suivants : 1.516 heures, coût : 3 millions d'euros par an (1 point de taxe sur le foncier bâti ou 1/3 de la subvention d’État aux départements en difficulté) ;
  • Département de Haute-Garonne, exercices 2007 et suivants : 1.572 heures, coût : 5,1 millions d'euros par an ;
  • Département de Côte d’Armor, exercices 2006 et suivants : 1.544 heures, coût : 2,2 millions d'euros ;
  • Département des Hauts-de-Seine, exercices 2006 et suivants : 1.593,73 heures ;
  • Département du Gard, exercices 2005 et suivants : 1.530 à 1.570 heures, coût : 2,8 millions d'euros ;
  • Département de Haute-Corse, exercices 2005 et suivants : 1.592 heures, coût : 475.000 euros ;
  • Département de Corse-du-Sud, exercices 2006 et suivants : 1.560 heures coût : 1,3 million d'euros
  • Département de Gironde, exercices 2001 à 2004 : 1.544 à 1.550 heures, coût : 5,6 millions d'euros ;
  • Département de la Manche, 1.536,6 heures ;
  • Département de la Sarthe, 1.582 heures ;
  • Département de Seine-et-Marne, exercices 2001 à 2005 : 1.550 heures ;
  • Département du Lot, exercices 2007 à 2011 : 1.558 heures, coût : 1,08 million d'euros.

Le temps de travail, une bataille difficile 

Le 23 mars l’hôtel de la métropole lyonnaise a été occupé par des agents grévistes qui a conduit à une intervention des forces de l’ordre. L’objet de la grève ? Les conséquences pour les personnels de la fusion depuis le 1er janvier de la communauté urbaine du Grand Lyon avec le conseil départemental du Rhône. Il s’agissait notamment de l’organisation du temps de travail  car les agents du département qui travaillaient 4 jours par semaine à temps plein doivent désormais travailler 5 jours comme les agents du Grand LyonSource : Acteurs Publics « Conflit sous haute tension entre les fonctionnaires lyonnais et Gérard Collomb », 25 MARS 2015, PAR RAPHAËL MOREAUX.. Il convient de souligner toutefois qu’en contrepartie, les agents devaient bénéficier d’avantages (liés au régime indemnitaire des fonctionnaires du Grand Lyon). Mais l’alignement par le haut sur le régime indemnitaire le plus favorable que réclamaient les syndicats aurait couté 29 millions d’euros.