Actualité

Focus sur la Commission nationale du débat public

La CNDP (commission nationale du débat public) est une autorité administrative indépendante (art.134 de la loi du 27 février 2002) créée initialement en 1995 en tant que simple commission administrative auprès du ministre chargé de l’écologie. La mission de la CNDP étant de veiller à la bonne information et participation du public à l’élaboration des plans et programmes d’aménagement et d’équipement d’intérêt national ou local, concernant l’Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics et les personnes privées.

Une autorité à première vue transparente

Ses attributions ont été considérablement renforcées par l’intermédiaire des dispositions ratifiées par la loi du 2 mars 2018 prévues par les ordonnances du 21 avril et du 3 août 2016. Plus spécifiquement :

  • A l’organisation traditionnelle des débats publics et concertations préalables concernant les plans et programmes nationaux ou territoriaux (voir supra) ;
  • Se sont greffées des attributions plus spécifiques : comme l’établissement et la gestion d’une liste nationale de « garant de la concertation » ; le conseil aux autorités publiques et aux maîtres d’ouvrages ;
  • Ainsi que l’émission d’avis et de recommandations à caractère général ou méthodologique de nature à favoriser ou à développer la participation du public. C’est sans doute sur ce dernier versant que se fonde l’actuel gouvernement pour demander, selon les vœux du président de la République, à la commission d’organiser le « Grand débat national » à la suite de la crise des « gilets jaunes », qui doit débuter la semaine prochaine.

A cette fin, la commission verra par ailleurs son budget ponctuellement « augmenter », le budget de l’autorité est en effet estimé dans le cadre du PLF 2019 à 3,446 millions d’euros auxquels s’ajoutent 3 millions de fonds de concours (financement des débats publics par les maîtres d’ouvrages hors état), auquel devait s’ajouter initialement un complément de 1,4 million d’euros « pour un débat public dont le maître d’ouvrage sera l’Etat » via une convention de délégation de gestion[1].  Soit un total de 7,846 millions d’euros. S’agissant de l’organisation du « Grand débat national », l’Etat a décidé de lui allouer une enveloppe ponctuelle spécifique de 4 millions d’euros supplémentaires portant son budget à 11,85 millions d’euros. Celle-ci devrait lui permettre de financer la création d’une plateforme numérique spécifique et de réunions d’initiatives locales.

La commission rémunère 14 emplois (ETPT) depuis 2018 dont 4 fonctionnaires permanents, 4 fonctionnaires détachés et 6 contractuels. Le rapport annuel 2017 (dernier disponible) de l’autorité[2] en donne les intitulés de postes ainsi que les noms, ce qui est particulièrement transparent. Mécaniquement, l’entrée en vigueur des nouvelles compétences de l’autorité a rétroagit sur les frais de personnel portés de 1,34 à 2,45 millions d’euros (soit un quasi-doublement) pour une pleine application à compter de 2018.

Des questions restent soulevées s’agissant de certaines rémunérations

L’annexe budgétaire idoine au PLF 2019 donne par ailleurs le montant des rémunérations et avantages du président et des membres de l’autorité.

On doit en comprendre qu’en 2019, 18 membres de l’autorité devraient se voir verser 30.000 euros de rémunérations et d’avantages, soit 1.666,6 euros en moyenne par membre et par an. Par contre les deux vice-présidents se partagent 186.764 euros de rémunérations/an, ce qui conduit à des salaires de 7.781,83 euros brut/mois. Enfin, le Président de l’autorité, Chantal Jouanno depuis le décret du 19 mars 2018, a été rémunérée 172.425 euros en 2018 (soit 14.368,75 euros brut/mois) et devrait être de 176.518 euros en 2019 (soit 14.709,83 euros brut/mois) (soit une augmentation de 2,37%). Précisons que ces montants de rémunération sont prévus hors cotisations sociales et contribution éventuelle au CAS pensions.

La question de la rémunération de la Présidente pose question à un double point de vue :

  • Quant à son montant (supérieur à son ministre de tutelle François de Rugy (13.458 euros brut mensuels), elle avoisine celle du Président de la République et du Premier ministre (15.140 euros/mois) et excède la rémunération moyenne des ministres (10.093 euros/mois) et des secrétaires d’Etat (9.559 euros/mois).
  • Quant à son support juridique : il nous semble un peu « prématuré » comme s’en est fait l’écho la Presse, de conclure qu’il n’existe « aucun tripatouillage particulier pour cette dernière rémunération », au prétexte qu’elle figure recensée et budgétisée dans le cadre du PLF 2019.

En effet, lorsque l’on regarde le code de l’environnement dans sa version issue du décret n°2017-626 du 25 avril 2017, à l’article R.121-16, il est précisé que « les frais et indemnités prévus aux articles R-121-13 (à R.121-15 dudit code) (…) sont imputés sur le budget de la Commission nationale du débat public. Leurs modalités de calcul sont fixées par arrêté conjoint des ministres chargés de l’environnement et du budget. »

Les derniers arrêtés publiés relatifs aux frais et indemnités des membres de la Commission nationale du débat public et des commissions particulières datent du 11 mars 2003 et du 22 décembre 2005. Sauf non publication par les ministères concernés des arrêtés de rémunération (ce qui est toujours possible mais ce qui les rend inopposables), il semble que la base juridique du montant de la rémunération accordée ne semble pas pleinement assurée, à moins qu’il existe une indexation automatique (non précisée) depuis 17 ans qui lui soit implicite (en vertu de l'arrêté du 9 juillet 2001). Avant, comme le propose opportunément Chantal Jouanno, de s’interroger sur le montant de sa rémunération éventuellement dans le cadre du grand débat, il faudrait d’abord vérifier que les bases légales en soient solides. Un fâcheux précédent nous vient en tête, celle des primes des hauts fonctionnaires de Bercy qui a justifié un très récent référé de la Cour des comptes[3] en date du 12 octobre 2017.

Le cas du débat public sur la Programmation pluriannuelle de l’énergie

Ce débat annoncé de longue date a duré 103 jours et donné lieu à de multiples actions :  

  • Dossier du maître d’ouvrage
  • Cahiers d’acteurs d’organismes concernés
  • Questionnaires aux participants
  • Questions des participants au ministère et à l’organisateur / Réponses
  • Ateliers d’information et de controverses
  • Compte rendu du débat
  • Bilan

Au final, mis à part une insuffisance de moyens et une maîtrise d’ouvrage (Ministère) complexe et difficilement identifiable, la présidente de la CNDP a surtout regretté que le gouvernement et le parlement aient annoncés des décisions importantes pendant le déroulement du débat, sans attendre ses résultats. Rétrospectivement, c’est notamment le cas des taxes sur l’énergie décidées dans le budget 2019 :

"En troisième lieu, si nous devions mettre en exergue un enseignement majeur de ce débat public, sans doute serait-il l’exigence de justice sociale. L’opinion exprimée par le grand public est un sentiment d’injustice de la politique énergétique particulièrement marqué pour la fiscalité environnementale. "

Extrait du bilan : https://ppe.debatpublic.fr/


[1] Voir en particulier, le « jaune budgétaire » annexé au PLF 2019, Rapport sur les autorités administratives publiques et indépendantes, p.111 et suiv, https://www.performance-publique.budget.gouv.fr/sites/performance_publique/files/files/documents/jaunes-2019/Jaune2019_AAPI.pdf#page=111

[2] https://www.debatpublic.fr/sites/cndp.portail/files/documents/ra-cndp-2017bdf.pdf

[3] https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2017-12/20171220-refere-S2017-2824-remunerations-Bercy.pdf; voir également au-delà du rapport Mézard (2015) sur les autorités administratives indépendantes, le récent rapport de la Cour des comptes sur leur politique de rémunération, décembre 2017, https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2018-02/20180212-AAPI.pdf