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Entretien avec Arnaud Robinet, député-maire de Reims

Arnaud Robinet, député-maire de Reims, répond ici aux questions de la Fondation iFRAP sur la gestion de la ville de Reims depuis son élection en mars 2014.

Fondation iFRAP : Pouvez-vous nous présenter la commune de Reims : nombre d’habitants, nombre d’agents, leur masse salariale, le budget de la commune dont la part des frais de fonctionnement, des subventions versées ?

Arnaud Robinet : Reims est la 12ème ville de France, avec plus de 180.000 habitants. La collectivité compte un peu plus de 2.200 agents, ce qui représente une dépense de plus de 88 millions d’euros  pour la seule ville de Reims. C’est une part importante sur un budget global de 330 millions d’euros dont 44 millions d’euros de subventions versées. Mais la donnée primordiale reste un niveau d’investissement très conséquent, nous avons voulu préserver un niveau à 74 millions d’euros par an. Les baisses nécessaires sont donc opérées sur le fonctionnement et les subventions. Ces dernières vont baisser de 5%, ce qui entraîne un effort de rigueur et la recherche de nouvelles pistes de financement pour les associations, autres que celles de la collectivité.

Fondation iFRAP : Vous venez d’annoncer un projet de mutualisation des services avec les villes voisines de Chalons-en-Champagne et Épernay en une communauté urbaine. Quel sera l’impact de ce rapprochement sur la gestion et les finances de la ville ? Pour l’avenir, peut-on imaginer un rapprochement en métropole, sur le modèle de la fusion Cherbourg-Octeville ?

AR : Reims et Châlons demeurent deux villes séparées par l’histoire (la cité des Sacres face à la préfecture de la Marne), mais aussi et surtout, par un foncier agricole d’une grande valeur, notamment viticole, ce qui engendre une discontinuité urbanistique. Aujourd’hui, nous souhaitons les relier sur la base de défis communs dont l’efficience des services publics locaux. Ces derniers doivent recentrer leur action autour de l’attractivité au cœur d’une nouvelle grande région (Alsace, Lorraine et Champagne-Ardenne). C’est la raison pour laquelle nous avons la volonté de créer une communauté urbaine. Cette dernière ne sera pas un acteur de plus dans le millefeuille des collectivités locales mais aura, au contraire, vocation à réaliser des économies substantielles dans le fonctionnement des organismes existants. Dans le même temps, la communauté urbaine va générer une augmentation des dotations de l’État, notamment la dotation globale de fonctionnement (DGF), qui récompense la mutualisation. Face à l’option qui consiste à concentrer dans une agglomération toujours plus de problèmes sociaux pour bénéficier d’une plus grande dotation de solidarité urbaine, nous préférons augmenter notre DGF en misant sur la rationalisation des services de nos collectivités. Nous devons d’autant plus suivre cette piste que nos concitoyens tolèrent de moins en moins leur niveau d’imposition.   

Fondation iFRAP : Concernant la restauration du patrimoine historique de votre ville, vous avez choisi de passer des partenariats avec des Fondations (notamment la Fondation du patrimoine pour la restauration de la Porte Mars) et des donations privées. Cela vous permet-il de réaliser des économies ?

AR : Reims a décidé de conserver une politique patrimoniale ambitieuse. Or, cette dernière coûte cher et la réduction des dotations aux collectivités diminue d’autant nos marges de manœuvre. Face à ce défi, nous avons passé une série de conventions avec des acteurs privés et mobilisé le financement par nos concitoyens qui le souhaitent. Face à un État traditionnellement dépensier et peu impliqué dans le suivi de ses subventions, un vaste mouvement coopératif se mobilise dans notre société. Résultat : les citoyens sont davantage associés aux politiques publiques et culturelles, lesquelles sont d’autant mieux contrôlées qu’elles intègrent un financement direct et spontané. Ce mouvement est notamment facilité par des cadres normatifs plus modernes et plus souples (ex : la loi sur le mécénat de 2004) et il revient aux élus de faire évoluer le logiciel de financement de la politique culturelle, comme en matière de loisirs d’une manière plus générale. 

Fondation iFRAP : Quelle gestion du CCAS avez-vous découvert en arrivant aux responsabilités ?

AR : J’ai découvert un CCAS en déficit de près d’un million d’euros et menacé d’être mis sous la tutelle du préfet. Parce que cet outil demeure essentiel à l’action sociale d’une municipalité, j’ai dû, pour assurer son maintien, mettre fin à des dispositifs telles que la gratuité des transports pour tous les seniors, en prenant désormais comme critère celui du reste à vivre. Nous allons très prochainement remettre à plat le système des aides dites facultatives pour conditionner la reconduction à un véritable suivi social et à des engagements de la part des bénéficiaires pour les responsabiliser. Jusqu'ici les aides n'étaient pas soumises à un contrôle et le CCAS s'était transformé progressivement en guichet. Évidemment, ce type de décisions peut susciter de l’incompréhension, mais notre devoir consiste à revoir notre logiciel de gestion et notre rapport à l’efficacité de la dépense publique, y compris dans le domaine social. Nous devons en particulier viser l’équité et le plus faible plutôt que l’égalité aveugle, en tout point et à tout prix. Aujourd’hui, grâce à cette nouvelle orientation, le CCAS est tiré d’affaire et exerce une vraie mission de solidarité. 

Fondation iFRAP : Quel est le temps de travail annuel de vos agents ? Le nombre de RTT ? Pensez-vous faire évoluer cela ?

AR : La durée du temps de travail est de 35 heures hebdomadaires au sein de notre collectivité et ce, depuis 1982. Par ailleurs, notre collectivité n’a pas mis en place de système de RTT, qui nécessiterait un système de badgeage et la mise en place d’une gestion informatisée du temps de travail. Aujourd’hui et ce, depuis 2002, les cadres A et B, bénéficient cependant de 13 jours d’ATT (Aménagement du Temps de Travail) accordés sur une base déclarative en contrepartie de 37h50 de temps de travail par semaine. Enfin, pour être tout à fait exhaustif, le nombre de jours de congés est quant à lui de 27 + 3 jours exceptionnels + 2 jours hors période + 1 à 5 jours de congé d’ancienneté.

La gestion de Reims en chiffres (2013)

Total des produits de fonctionnement1.107 euros par habitant
Total des charges de fonctionnement 920 euros par habitant
dont charges de personnel (2.200 agents)580 euros par habitant
Dette au 31/12/2013471 euros par habitant
Capacité de désentemment 6,2 ans

Il faut souligner la position exceptionnelle de la ville de Reims dans notre étude Podiums : Les 30 plus grandes villes de FrancePosition telle que nous en avons demandé confirmation à son directeur financier : les charges de personnel (580 euros par habitant) ne représentent que 24 % des frais réels de fonctionnement bien que l'on retrouve un léger surplus de charges externes. Un exemple qui prouve qu'une gestion de la masse salariale optimisée est possible, d'autant que Reims n’est pas une ville sous-développée, exsangue de services. 

Fondation iFRAP : Quelle est selon vous la meilleure méthode de réforme ?

AR : Dire qu’une ville n’est pas prête pour le changement est faux. Peut-être plus que leurs élus, nos concitoyens ont conscience que l’interventionnisme politique et les dépenses publiques vont laisser place à un recentrage des collectivités sur leurs missions premières et à de nouvelles pratiques collaboratives (ex : autopartage). Désormais plus attentifs à la gestion de leurs impôts, les Français acceptent donc les réformes de structure, à condition cependant que nous montrions l’exemple. À Reims, nous n’avons pu réduire les subventions aux associations et le budget de fonctionnement qu’en réalisant aussi des efforts sur les indemnités des élus (-20%) et celles du protocole. Dans ce domaine précis, ces économies représentent plus d’un demi-million d’euros et les efforts se poursuivent encore cette année.