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Comme la Grèce, la France a dépensé sans compter

La Grèce n'est un problème que parce que nous avons -aussi- dépensé sans compter

Si la Grèce est un problème pour l'Europe -et en particulier pour la France- ce n'est pas seulement parce que la Grèce a menti sur ses comptes et dépensé sans compter, mais aussi parce que nous avons été totalement inconséquents depuis 30 ans dans la gestion de nos finances publiques. Le dernier budget en équilibre remonte à 1975…

En juin 2004, l'iFRAP organisait un colloque à l'Assemblée nationale intitulé « Dépense publique : le parlement spectateur ou acteur ». Ce colloque était clôturé par le ministre du Budget Dominique Bussereau qui y appelait «  les parlementaires à faire preuve d'une "volonté politique sans faille" pour aider le gouvernement à réformer la procédure budgétaire et à mieux s'assurer "du bon emploi des fonds publics". (…) et à « profiter des nouveaux outils de contrôle que leur donne la "Loi organique relative aux lois de finances" (LOLF), pour faire de cette nouvelle constitution budgétaire, qui entrera en vigueur à partir du budget 2005, "une machine à faire des réformes et à engendrer des économies ».

Erreur fondamentale. La LOLF est un outil d'analyse budgétaire mais en rien un mécanisme automatique d'économies budgétaires. Depuis, la Fondation iFRAP a demandé maintes et maintes fois que la question de l'efficience de l'utilisation des deniers publics soit au cœur de la mission du Parlement. En 2007 notamment, nous avons proposé que le Parlement soit doté de plus de moyens pour évaluer les politiques publiques et notamment que soit créé un organe d'audit différent de la Cour des comptes qui ne travaille pas pour (ou au service) du Parlement.

Nous n'avons pas été écoutés, notamment à cause des résistances farouches nées dans notre Administration opposée à ce que la dépense publique soit pour la première fois vraiment contrôlée par le Parlement. Finalement, dans le cadre de la réforme constitutionnelle votée en 2008, le Parlement a été confirmé dans son rôle d'évaluation des dépenses publiques mais sans les moyens d'enquête, la Cour des comptes devant l'assister. A ce jour, la mayonnaise entre le Parlement et la Cour n'a pas pris.

Bref, est né à l'Assemblée nationale un pauvre organe, le Comité d'évaluation et de contrôle de la dépense publique qui a produit à ce jour seulement… 7 rapports. Et combien d'économies sonnantes et trébuchantes ?… Nul ne sait.

Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale, était d'ailleurs au moment de la réforme constitutionnelle particulièrement réticent à ce que le Parlement se lance dans une véritable étude approfondie de l'utilisation des deniers publics par nos administrations centrales, locales et sociales.

Pourtant, maintenant que le mur de dette se rapproche dangereusement de nous et que nos politiques commencent à l'apercevoir, le même Bernard Accoyer regrette cette semaine dans Acteurs publics que : « la Lolf n'ait pu empêcher l'augmentation de la dépense et de la dette publiques, qui menacent de nous submerger aujourd'hui. Peut-être a-t-elle trop dilué certaines responsabilités alors qu'elle visait, au contraire, à mieux les identifier ? À l'évidence, ce dispositif doit à présent devenir l'instrument d'une véritable maîtrise et d'une optimisation de la dépense publique. Il en va du destin de l'Europe et de l'avenir de nos enfants. »

Étrange. Toujours les mêmes constatations mais pas d'action. N'avons-nous pas passé des heures à la présidence de l'Assemblée avec Bernard Zimmern pour sensibiliser le cabinet du président à l'urgence de réduire nos dépenses ? Pourtant, de nombreux parlementaires avaient alerté l'opinion sur le fait que la LOLF était un rideau de fumée et que, loin de contribuer à permettre de mieux contrôler la dépense, elle avait contribué à la rendre plus opaque en supprimant les comptes de dépense détaillés et en affichant des indicateurs de performance choisis par l'Administration pour leur innocuité [1].

La vérité, c'est que nos dirigeants n'ont pas voulu voir à quel point notre situation était financièrement devenue précaire. Aujourd'hui, il est temps de se réveiller.

Si l'on en croit le tableau ci-dessous, et contrairement à l'idée en vogue actuellement qui voudrait que les recettes de prélèvements obligatoires aient dramatiquement baissé et que ce serait la raison du déficit : entre 2000 et 2011, en euros courants, le PIB a augmenté de 34%, les recettes de tous les Prélèvements obligatoires ont augmenté de 32% de façon très comparable tandis que les dépenses ont, elles, augmenté pour leur part de 46%. Cherchez l'erreur, elle n'est sûrement pas dans le coût des niches fiscales et sociales mais dans la fuite en avant incontrôlée de nos dépenses publiques.

Les comptes de la nation, 2000-2010

Entre 2000 et 2007, les dépenses de salaires et de pensions publiques des trois fonctions publiques (voir tableau de la Cour des comptes ci-dessous) sont passées de 227,6 milliards à 287,9 (+26% en 7 ans). Tandis que les prestations sociales versées en espèces augmentaient de 273,3 à 398 milliards d'euros entre 2000 et 2009 (+46% en 9 ans) et que les dépenses des collectivités augmentaient de 60% entre 2000 et 2009 passant de 133,7 milliards à 213,8… Le problème est clair, ce n'est pas la LOLF qui le résoudra, n'en déplaise à ceux qui croient encore au pouvoir magique des indicateurs de performance, il va falloir se remonter les manches et ouvrir toutes nos boîtes de Pandore.

Espérons que François Fillon aura le courage d'annoncer les mesures qui s'imposent (cf. notre dossier sur le sauvetage du AAA français).

Dépenses publiques de personnel

[1] Ainsi par exemple sous l'empire de l'ordonnance de 1959, il était possible de distinguer les comptes d'un ministère et en son sein, les crédits aloués à un service. Des informations particulièrement utiles lorsqu'on sait que le découpage des ministères évolue très vite en France, au gré de chaque remaniement ministériel. Par ailleurs les concepteurs de la LOLF avaient initialement prévu une représentation dite "réticulaire" afin de pouvoir croiser contrôle vertical (ministère, direction, services) et transversal (en format LOLF) par grandes politiques publiques (missions). Là encore la réforme est semble-t-il restée au milieu du gué. Enfin, la documentation consacrée à la loi de réglement des comptes est aussi parcimonieuse que la durée de son examen. On ne retrouve pas par exemple l'équivalent des "jaunes" budgétaires avec les crédits effectivement consommés ni les très utiles DPT (documents de politique transversale), réservés à la loi de finances initiale de chaque année. Enfin on attendrait une indexation complète des rapports d'exécution budgétaire des opérateurs annexé au PLFR ou à la LFI de l'année n+1.