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Cabinets ministériels : la polémique risque de chasser les conseillers issus du privé

L'enquête très médiatisée du député Dosière sur les rémunérations dans les cabinets ministériels risque d'aboutir à ce que la mixité public-privé soit encore moins présente parmi les conseillers des ministres du gouvernement. Explication.

« Le gouvernement ne connaît pas la crise » déclare le député PS René Dosière dans son analyse des personnels et des dépenses des cabinets ministériels. Selon son étude, la rémunération moyenne de chaque membre de cabinet augmente en 2009 de + 26,3 %. Et le député de souligner que de telles progressions sont « inconnues dans la fonction publique ». Il le déplore d'autant plus que, selon son rapport, « les réductions de personnel sont drastiques dans la fonction publique ».
Mais, si l'on se penche un minimum sur la méthodologie suivie par le représentant de la Nation, on comprend que le calcul est quelque peu biaisé. Tout simplement parce que le décompte des rémunérations des membres de cabinets ministériels ne concerne que les contractuels. Soit les personnels issus du privé ou les personnels publics non titulaires. Et le rapport d'expliquer très simplement que sont exclus du calcul les personnels publics car : « le coût des fonctionnaires issus des ministères continue à être supporté par le ministère d'origine ».

Sur 626 membres de cabinets, le rapport Dosière concerne donc seulement 240 conseillers pour 2009. Il est particulièrement intéressant de comprendre que l'étude du député Dosière sur les rémunérations dans les cabinets ministériels exclut d'office 386 membres de cabinets payés par les ministères d'origine. Les 20 millions d'euros consacrés aux rémunérations hors primes des membres de cabinets évoqués dans le rapport ne sont donc qu'une partie des deniers publics dépensés pour payer les membres de cabinet. S'il demande la division par deux des effectifs des cabinets, le député ne s'émeut pas de ne pas connaître les émoluments des fonctionnaires – conseillers de cabinets alors qu'il pourrait exiger de connaître le montant de l'ensemble des rémunérations des membres de cabinets sans exception.

En plus de leur rémunération, l'ensemble des membres de cabinets perçoit aussi une « indemnité de sujétions » que l'on appelle aussi dans le jargon « prime de cabinet ». Selon les chiffres du député, la prime de cabinet serait en moyenne, tous personnels confondus, de 9131 euros par an. Mais ce chiffre n'a qu'une valeur indicative car, suivant les fonctions et surtout suivant l'administration qui règle le salaire, le montant de la prime de cabinet peut se révéler extrêmement variable.

Souhaiter que les cabinets ministériels soient transparents dans la politique de rémunération de leur personnel semble être un objectif de bon sens. Mais il serait particulièrement pervers que la transparence ne vaille que pour les personnels contractuels. La transparence doit s'appliquer à tous. Sinon, les rapports tels celui du député Dosière aboutiront à une seule issue : il y aura de moins en moins de personnes issues du secteur privé dans les cabinets ministériels puisque ce sont les seuls, outre les contractuels publics, dont on connaît la rémunération.

Déjà en 2007, l'iFRAP avait montré que près de 70% des conseillers de nos ministres étaient issus du secteur public, qu'ils soient titulaires ou contractuels. Montrer du doigt particulièrement les contractuels revient à inciter les cabinets à éviter soigneusement d'embaucher des personnels issu du privé à des postes élevés type directeur de cabinet, directeur adjoint ou chef de cabinet ... qui impliquent des rémunérations hautes. Les représentants du privé au sein des cabinets n'étaient déjà pas bien nombreux et ce malgré des objectifs de parité public-privé affichés en 2007, cela risque d'être pire avec ce rapport.

Le nombre de conseillers par ministère mériterait certainement d'être cantonné à une vingtaine mais une chose est certaine : il convient de mettre fin à brève échéance à cette règle qui veut que des membres de cabinet issus des administrations continuent d'être payés par leur ministère d'origine. Et que soit votée chaque année par le Parlement une enveloppe dédiée à rémunérer l'ensemble des conseillers qu'ils soient issus du public ou du privé. La transparence ne pourra se faire sur le sujet qu'à cette condition. Les réformes aussi car comment demander une réforme de l'Etat profonde à des conseillers issus très majoritairement de l'Etat ?