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Enseignement français à l'étranger : Un mammouth en gestation !

"Je vais plaider pour une autonomie du réseau français à l'étranger afin de soulager l'engagement de l'Etat"

Entretien avec Olivier Cadic Conseiller élu pour le Royaume-Uni à l'Assemblée des Français de l'étranger. [1]

Autodidacte, après un bac informatique, Olivier Cadic crée à 20 ans sa PME d'électronique Info Elec en 1982. En 1996, il transfère le siège social d'Info Elec à Ashford, située à deux heures d'Eurostar de Paris et fonde l'association "La France libre... d'entreprendre". En 1999, Olivier lève 10 millions d'euros auprès de prestigieux fonds de capital risque, et crée PCB007.com, la première place de marché mondiale du circuit imprimé sur internet. En 2003, estimant que l'électronique réserve ses meilleures opportunités de croissance à l'Asie, Olivier cède, tour à tour, toutes ses activités dans ce domaine en l'espace de deux ans. Fin 2005, par l'intermédiaire de Cinebook, sa société d'édition, Olivier Cadic décide de promouvoir la bande dessinée franco-belge auprès des anglo-saxons. Il publie une vingtaine de séries à succès en anglais dont Lucky Luke, Blake & Mortimer, Largo Winch et Thorgal qu'il vend dans le monde entier. Devenu Président de la section britannique de l'Union des Français de l'Etranger (UFE), association reconnue d'utilité publique en 1936, il conduit en 2006, avec le soutien de Nicolas Sarkozy, la liste UFE au Royaume-Uni pour l'élection à l'Assemblée des Français de l'Etranger (AFE). Le 18 juin 2006, Il est élu Conseiller à l'AFE, ce qui le place au troisième rang dans l'ordre protocolaire après l'Ambassadeur et le Consul Général.

Le coût du réseau d'enseignement français à l'étranger a bondi cette année de 130 millions pour atteindre 460 millions d'euros, comment l'expliquez-vous ?

Olivier Cadic : Ce « bond » du coût de l'enseignement français à l'étranger s'explique d'abord par le coût de engagements pris par Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle :
-Extension du réseau scolaire français à l'étranger. Le budget 2008 a été augmenté de 8,5 millions pour atteindre une enveloppe de 291 millions d'euros. Il a été annoncé une programmation immobilière de 200 millions d'euros pour rénover un réseau d'établissements vieillissants.
-Extension des bourses pour les Français de l'étranger. Le nombre des bénéficiaires a passé la barre des 20 000 pour la première fois. Nous savons déjà que le budget prévu de 47 millions d'euros pour 2008 sera dépassé de 7 millions d'euros.
-Prise en charge progressive des coûts de scolarité des classes de 2nde, 1ère et terminale dans les lycées français à l'étranger. Le Président de la République a décidé que, dès l'année scolaire 2007-2008, la collectivité nationale prendrait à sa charge la scolarité des enfants français qui sont en terminale. 20 millions d'euros ont été inscrits au budget 2008 pour financer cette décision. Lorsque la promesse s'appliquera aux 3 classes, il en coûtera 60 millions d'euros par an au budget de la nation. Par ailleurs, nous venons de découvrir que l'Etat finançait la contribution pour la constitution des droits à pension des agents détachés exerçant une mission d'enseignement à l'étranger. Ce sont ainsi 95 millions d'euros qui viennent s'ajouter à l'enveloppe dont l'addition globale s'élève à 460 millions d'euros.

Vous aviez émis des réserves sur la prise en charge des frais de scolarité par la collectivité nationale. Comment se met-elle en place à Londres ?

Olivier Cadic : L'application de cette mesure connaît un début difficile. Nous avons enregistré seulement 34 demandes de prise en charge sur 180 élèves de terminale, soit moins de 20%. Certains attribuent cet échec à un sursaut civique des parents. Ils refuseraient de faire supporter les frais de scolarité de leur enfant par le contribuable français. D'autres lient plutôt cette désaffection au formulaire de l'administration qui est assorti d'une insidieuse déclaration de revenus. La mesure de prise en charge de la scolarité pour les classes de terminale, première et seconde favorisera à terme au plus 500 élèves à Londres, soit à peine 2,5% des enfants français du Royaume-Uni. Ensuite, 90% des élèves de terminale du lycée Charles de Gaulle de Londres demandent à entrer en université britannique, ce qui démontre bien que si les parents recherchaient avant tout la gratuité, l'université française ferait un tabac !

Je me suis engagé fortement dans la campagne en faveur de Nicolas Sarkozy. Mais je ne partage pas ses priorités en matière d'enseignement français à l'étranger.

Les trois quarts des enfants français du Royaume-Uni ne sont pas concernés par l'orientation présidentielle. Ils sont scolarisés dans des établissements britanniques par choix de leurs parents ou du fait de leur localisation géographique éloignée des écoles françaises du pays. Pour environ 21 000 mineurs français enregistrés au Consulat à Londres, seuls environ 4 000 fréquentent les établissements français du Royaume-Uni.

Pour défendre l'intérêt général, nous ne devons pas nous limiter aux Français qui peuvent accéder aux écoles françaises. Il faut aussi travailler activement au développement de filières bilingues et créer un diplôme reconnu par les deux pays pour valider la formation.

J'ai été frappé par le nombre de personnes qui venaient voter à Londres pour l'élection présidentielle et ne parlaient pas le français. Voilà le résultat d'un système qui ignore une partie de nos compatriotes.

Quelle suite souhaitez-vous donner à votre action ?

Olivier Cadic : Le Président de la République a souhaité des Etats généraux de l'enseignement français à l'étranger. Ils se tiendront début 2009.

La révision générale des politiques publiques est une formidable opportunité pour s'interroger sur les objectifs de notre dépense publique en matière d'action à l'étranger.

Je vais plaider pour une autonomie du réseau français à l'étranger afin de soulager l'engagement de l'Etat ; une nouvelle ambition pour dynamiser l'action de l'Alliance Française, et le développement de filières bilingues respectueuses de la diversité propre au système éducatif du pays partenaire pour mieux s'y intégrer. Mais le principal de notre investissement doit porter sur « l'école à distance » qui est l'école du 21 ème siècle, ouverte à tous ceux qui sont attirés par notre système où qu'ils soient. Certains considèrent qu'il faut élever le réseau public d'établissements français à l'étranger au rang de cause nationale en amplifiant son financement par le contribuable. Si cette vision passéiste l'emporte, nous assisterons à la naissance d'un nouveau mammouth.

[1] L'Assemblée des Français de l'étranger est l'Assemblée représentative des quelque deux millions de Français établis à l'étranger. 1,3 million de Français sont enregistrés dans les consulats dont 108 000 pour le seul Royaume-Uni. On estime à plus de 2,3 millions le nombre de Français résidant à l'étranger dont 3 à 400 000 outre-manche.