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Vers une réforme de la fiscalité du patrimoine pour redessiner les règles de partage du profit ?

Après les différents rapports sur le partage de la valeur ajoutée, (rapport Cotis de l'INSEE, rapport du Conseil d'Analyse Economique), qui tous concluent que la part des salaires, cotisations sociales incluses, dans la valeur ajoutée des entreprises était une constante économique aussi bien dans le temps que dans l'espace, et qu'il n'y avait pas de raison pour la modifier, on croyait cette question enterrée.
On se souvient en effet qu'elle avait été ouverte par la déclaration du chef de l'Etat de janvier dernier, évoquant une répartition par tiers du profit. Cette déclaration avait fait couler beaucoup d'encre et la conclusion générale était que le sujet n'avait pas lieu même d'être discuté.

Et voici pourtant que le chef de l'Etat s'exprime à nouveau sur ce partage du profit dans son discours du 22 juin devant le Congrès :

« Enfin, comment revaloriser le travail si la valeur, si le profit ne sont pas équitablement partagés ? » ... « L'actionnaire doit être justement rémunéré mais le travail doit être justement considéré. C'est un débat que j'ai ouvert. Je le conduirai jusqu'au bout. Là aussi je prendrai mes responsabilités parce que c'est un problème de justice. C'est un problème aussi d'efficacité. Tout le monde a quelque chose à gagner dans un nouveau partage, plus équitable, plus valorisant, plus motivant. C'est cela aussi le nouveau modèle de croissance. »

Cette déclaration prend d'autant plus de relief qu'elle figure, isolée des autres considérations, à la fin du discours et qu'elle paraît avoir été ajoutée dans la toute dernière version.

Le sujet ne serait donc pas enterré. On attend encore un rapport de la mission parlementaire d'information sur les nouvelles régulations de l'économie, ainsi qu'éventuellement des propositions émanant du Medef. Le gouvernement devrait alors se saisir de la question. Mais à quoi faut-il s'attendre ?

Le CAE (Conseil d'Analyse Economique) en particulier, dont on se plaît actuellement à souligner l'influence, indique que la part des profits bruts est stabilisée depuis deux décennies, qu'elle baissera fortement du fait de la crise, et qu'elle est inférieure en France à ce qu'elle est dans la grande majorité des autres pays industrialisés. Le CAE en conclut que « la situation actuelle de partage de la valeur ajoutée ne justifie donc en rien une intervention publique visant à modifier ce partage. » Par ailleurs, et le CAE s'accorde sur ce point avec les syndicats, les dispositifs de partage des bénéfices se substituent en partie au salaire, ce qui conduit à un report des risques sur le salarié. Il n'y a donc pas lieu d'inciter davantage à développer l'épargne salariale.

Bien que la déclaration présidentielle vise la répartition entre salariés et actionnaires, il n'est pas impossible que le gouvernement se dirige vers une autre voie, moins directe, consistant à agir sur la fiscalité. C'est ce que suggère le CAE, qui souligne que la fiscalité directe est l'outil le plus approprié pour opérer les transferts redistributifs inspirés par une préoccupation de justice sociale qu'évoque Nicolas Sarkozy. Dans cette hypothèse, on pourrait se diriger vers une réforme globale de la fiscalité des revenus et des revenus du patrimoine, que la Cour des comptes appelle aussi de ses vœux.
Le chef de l'Etat s'est défendu d'augmenter globalement la fiscalité. Pour autant, le gouvernement a pris soin de préciser qu'il ne s'interdisait nullement de modifier la répartition des différents impôts dans le prélèvement total.

Doit-on craindre que le patrimoine en fasse les frais, sous ses diverses formes et particulièrement sous celle de l'imposition des revenus de ce patrimoine ? La vigilance s'impose.