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Vaincre le chômage réclame plus de cohérence

Cette tribune a été publiée le 14 janvier 2013 dans le journal Les Échos.

Comment s'y est prise l'Allemagne pour abaisser son taux de chômage (5,4 % contre 10,7 % actuellement en France) ? Une étude très détaillée de l'OIT montre que le succès allemand est dû à un arsenal très complet et surtout cohérent de mesures toutes axées sur la baisse du temps de travail permettant de conserver le personnel permanent des entreprises en évitant les licenciements. La mise en jeu de cette préférence, qui répond à une longue tradition allemande de flexibilité « interne », a certes été facilitée par une conjonction de facteurs comme la bonne santé des entreprises, un épisode de modération salariale, et, avec les réformes Schröder, le durcissement du régime de l'indemnisation du chômage (baisse de la durée d'indemnisation, obligation d'accepter un emploi à des conditions inférieures).

Mais ce n'est pas tout : les accords d'entreprise, où les salariés acceptent temporairement la baisse de leurs avantages, y compris de leurs salaires en contrepartie du maintien de l'emploi, ont été très nombreux : 17 % du total des entreprises, dont 51 % de celles de plus de 250 salariés, pratiquaient en 2009 ce type d'accord. De même, l'État a apporté des aides très importantes au « Kurzarbeit », sous forme de prise en charge des cotisations sociales. La dérégulation de l'intérim et des contrats atypiques (CDD) a aussi permis que l'ajustement porte sur les contrats atypiques et non sur l'emploi permanent. Enfin, l'importance très faible des contrats publics aidés doit être notée. A ce sujet, l'OIT se lance dans une critique appuyée de ces contrats, en relevant que l'expérience montre qu'ils ne facilitent pas l'intégration de leurs bénéficiaires et qu'ils devraient être réservés aux personnes très éloignées du travail ou en mauvaise santé.

Que penser, dans cet esprit, des mesures que compte prendre la France ? Incontestablement favorables sont, d'une part, le crédit d'impôt de 20 milliards, sorte de plan de relance (mais cinq années après l'Allemagne…), et l'accord qui devait intervenir entre les partenaires sociaux, ou être imposé par l'État, pour mettre en œuvre les accords majoritaires d'entreprise, qui se veulent la copie de ceux que nous avons évoqués à propos de l'Allemagne. En revanche, la pénalisation prévue des contrats précaires suscite la critique : non seulement, comme Laurence Parisot l'a remarqué, ce n'est pas en rendant plus onéreux ces contrats que l'on embauchera davantage en CDI, mais plus simplement l'expérience allemande montre que l'on ne peut vouloir à la fois protéger le personnel permanent et interdire les contrats précaires : l'ajustement doit pouvoir se faire quelque part, indépendamment de la réduction du temps de travail. C'est ici la cohérence qui manque. En troisième lieu, l'efficacité des contrats publics aidés paraît, à en croire l'OIT, manquer largement d'adéquation au problème. Enfin, la relance est faible et contredite par une augmentation de la fiscalité pesant sur les entreprises.

Pour vaincre le chômage dans les circonstances actuelles, l'arsenal français est donc bien maigre et aussi contradictoire par certains aspects, à l'opposé de l'ensemble des mesures prises chez notre voisin. La France a donné depuis longtemps la préférence au chômage et à son traitement social toujours aussi généreux et peu incitatif à la reprise du travail.

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