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Usine PSA d'Aulnay : le coût du travail, encore

Ouvert au début de la campagne électorale, le débat sur la compétitivité et le coût du travail a été refermé par l'affirmation péremptoire que la « compétitivité-prix » était un problème secondaire en France. Affirmation argumentée par une statistique comparée de l'INSEE. Sauf que cette statistique date… de quatre ans, et que les difficultés de PSA viennent nous ramener à la raison et à la nécessité de diminuer les charges des entreprises – ce que les programmes des candidats ne promettent guère, voire tout au contraire ce dont ils s'éloignent pour beaucoup.

Les retards de l'INSEE

En janvier de cette année, l'INSEE a publié une étude « Emploi et salaires, édition 2012 », très largement reprise par les médias et les politiques, selon laquelle la France et l'Allemagne feraient jeu égal pour le coût du travail dans l'industrie manufacturière (33,16 euros en France et 33,37 en Allemagne). La compétitivité-prix ne saurait donc être un élément essentiel à l'égard de notre voisin qui est aussi notre plus important partenaire commercial. CQFD, est-on tenté de dire.

Oui, mais, les statistiques en cause datent de 2008, soit quatre ans de retard ! La raison en est que l'INSEE ne fait que reprendre les données d'Eurostat provenant de l'enquête ECMO qui est quadriennale. Autrement dit, la prochaine fois il faudra attendre 2016 pour les chiffres portant sur 2012 ! Difficile d'en faire un guide d'action politique.

En vérité, les résultats de cette enquête peuvent être mis à jour simplement, par la publication trimestrielle de l'indice du coût du travail (ICT) qu'Eurostat demande à chaque pays de fournir. L'INSEE s'en acquitte, mais se borne à son rôle d' « institut national » en ne s'intéressant qu'épisodiquement aux comparaisons européennes. Heureusement, un organisme comme COE-Rexécode fait le travail, et nous en reprenons ici les résultats, mis à jour à la date du dernier trimestre 2011, avec l'évolution depuis 2000.

Les statistiques pertinentes

Source : Eurostat/COE-Rexécode

Fin 2011, le coût horaire du travail s'établissait respectivement en France et en Allemagne à 36,41 euros contre 35,74 pour l'industrie manufacturière, et à 35,09 euros contre 31,42 pour l'indice général de l'industrie et des services marchands. L'écart se creuse donc depuis 2000, mais aussi depuis 2008 et on ne peut plus dire que les deux pays font jeu égal. Certes le coût du travail s'accroît aussi fortement dans les pays comme l'Italie et les Pays-Bas, à la différence de la modération salariale allemande, mais, partant de plus bas, le différentiel reste très important.

A l'égard de l'Allemagne, le simple effet de rattrapage est de plus très important. Même à supposer que les coûts du travail restent voisins, la France perd l'avantage dont elle disposait en compétitivité-prix, ce qui pouvait antérieurement compenser un désavantage au plan de la compétitivité hors-prix. A égalité maintenant sur la compétitivité-prix, il faudrait à ses produits pouvoir vaincre la concurrence allemande en égalant ses performances sur le hors-prix. Bien entendu, des progrès sont à faire sur ce point, mais c'est une illusion de croire que l'on peut facilement et rapidement rétablir une égalité d'image, et une fausse idée de s'en prendre aux entrepreneurs français qui seraient par exemple incapables d'innovation [1].

Sauver l'usine PSA d'Aulnay sous bois ?

L'usine d'Aulnay sous bois de PSA est l'un des premiers employeurs de la Seine Saint-Denis. 3.300 employés, mais au total avec les sous-traitants et entreprises dépendantes, 9.000 emplois. On sait que depuis une année le sort de cette usine, non assuré après 2014, est incertain. Le chef de l'État a voulu prendre les choses en main et reçu les syndicats, puis ces jours derniers le patron de PSA Philippe Varin. Rien n'a filtré sur cette dernière entrevue, mais il n'est pas sorcier d'imaginer que le coût du travail a été au cœur des conversations, à entendre vendredi dernier la déclaration de Nicolas Sarkozy sur i>Télé : « La meilleure façon de sauver cette usine, c'est d'alléger les charges sur les salaires des salariés et sur les cotisations de l'entreprise », en ajoutant que la taxe professionnelle qu'il a supprimée pesait « 250 euros par voiture fabriquée en France ».

Il faut reconnaître au président candidat le souci d'alléger les charges des entreprises en France. Deux mesures en particulier sont à retenir, la suppression de la taxe professionnelle, bien qu'elle ait été remplacée par une CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) moins pénalisante, et l'allègement à hauteur de 13 milliards des cotisations patronales d'allocations familiales, compensées par une hausse de la CSG et de la TVA. Ce n'est pas négligeable pour doper la croissance, même si ce n'est pas suffisant.

Mais que dire du programme des autres candidats, qui ont d'emblée écarté le problème comme non pertinent ? En particulier le financement des mesures de François Hollande, qui affirme que la faisabilité de son programme dépend de la croissance, repose sur une multiplication des prélèvements sur les entreprises. Ainsi, bien loin de diminuer le coût du travail -et au contraire- ces prélèvements incluent huit hausses d'impôts pesant directement sur le coût du travail pour un total de 16,9 milliards :

Assurance chômage : Sur-cotisation de 2 points 0,6 milliard d'euros
Participation et intéressement : Assujettissement à certaines cotisations 1,6 milliard d'euros
Epargne salariale : Assujettissement à la taxe sur les salaires 0,3 milliard d'euros
Epargne salariale : Prise en compte pour les allégements sur bas salaires 1,7 milliard d'euros
Alignement du régime social des indépendants sur le régime général 2,1 milliards d'euros
Relèvement de 0,1 point/an les cotisations patronales et salariales 4,6 milliards d'euros (en 2017)
Abaissement à 1,5 Smic des allégements de cotisations sur bas salaires 3 milliards d'euros
Suppression des exonérations fiscales sur heures supplémentaires (sauf TPE) 3 milliards d'euros

A ces 17 milliards il faut ajouter un ensemble de mesures fiscales défavorables, concernant l'impôt sur les sociétés mais aussi une augmentation de la CVAE (qui a remplacé la taxe professionnelle) pour 3,4 milliards estimés. Par ailleurs, ce même programme socialiste annule l'allègement de 13 milliards de cotisations patronales qui devrait prendre effet l'automne prochain. Ce sont donc environ 33 milliards d'euros par an de plus qui vont charger la barque des entreprises.

Ces remarques prennent un relief particulier lorsque l'on évoque le sort de la filière automobile en France et en particulier de l'usine PSA d'Aulnay, qui souffre déjà, dans les circonstances actuelles, de trop forts prélèvements au niveau du coût du travail et des impôts sur la production, et ceci bien que l'entreprise ait déjà bénéficié de la suppression de la taxe professionnelle sur laquelle le candidat socialiste entend partiellement revenir.

Avant même de parler croissance, ce dernier devrait nous expliquer, pour le cas où il serait élu, quelles dispositions il prendrait pour –seulement- éviter la perte de 9.000 emplois sur le département de la Seine Saint-Denis.

[1] Pensons aux nombreux Français qui, à tort ou à raison, s'offrent à des prix qu'ils jugent maintenant abordables, en comparaison des prix français, les « belles (automobiles) allemandes » dont ils rêvaient il y a quinze ans. L'image de ces dernières subsiste et suffit à faire la différence à prix voisins.