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Un grand emprunt national pour quoi faire ?

Les modalités du grand emprunt annoncé lundi dernier par le Président de la République lors de son discours devant le congrès à Versailles ne sont pas encore définies, mais à l'issue du séminaire gouvernemental qui s'est tenu ce week-end, on en sait un peu plus sur l'utilisation des fonds qui pourraient être levés.

Le Premier ministre a rappelé de façon très large quels étaient les secteurs stratégiques d'investissement : développement durable, université de demain, capital humain et compétitivité. Sous ces dénominations ce sont des investissements dans le numérique, les technologies et particulièrement dans la voiture du futur qui devraient être favorisés. Il s'agit d'investir dans la France de demain et le Premier Ministre a tenu à rappeler qu'il ne s'agissait pas d'un 2e plan de relance.

Cet emprunt a déjà suscité de nombreux commentaires. Nous sommes revenus la semaine dernière sur les critiques soulevées par la Cour des comptes concernant la situation de la France face à la dette publique et sur le fait que notre pays ne peut plus s'exonérer d'une politique de redressement des comptes publics. Un constat implacable qui jette le doute sur la distinction introduite dans le débat actuel entre dépenses d'investissement et dépenses publiques.

Sur ce point, le Premier ministre a précisé que les dépenses d'investissement devront avoir une rentabilité financière et socio-économique clairement appréhendable. Ce qui pose toute la question des critères retenus pour ces investissements.

Une première inquiétude provient du fait que ces investissements s'ils prennent la forme de dotations auprès d'entreprises risquent de tomber sous la réglementation communautaire des aides d'Etat. Une préoccupation particulièrement sensible pour le secteur automobile. Une telle perspective sera bien entendu examinée par les pouvoirs publics et les investissements choisis en conséquence. Mais une autre interrogation demeure, liée à la capacité de l'Etat investisseur à déterminer quels seront les grands domaines économique d'avenir pour la France.
Qui au final décidera quel secteur précis, quelle entreprise, quel projet méritera d'être soutenu ?
Confiera-t-on à un comité de fonctionnaires le soin d'étudier des projets représentant au total plusieurs milliards d'euros ?
Car dans les domaines évoqués, la rentabilité financière est surtout difficilement appréhendable.

Une piste serait de privilégier le co-investissement avec des partenaires privés qui ne puissent être destinataires des fonds.

A l'image du programme SBIC qui avait été conçu dès 1958 par le Congrès américain, où l'Etat apporte sa garantie à des emprunts émis par des organismes financiers préalablement agréés, à hauteur de 3 fois le capital mais avec l'engagement qu'en cas de perte se sont les capitaux privés qui sont en première ligne, la garantie de l'Etat n'intervenant que lorsque les capitaux privés sont épuisés. Un tel dispositif pourrait utilement combiner la mobilisation de l'épargne des Français et le développement de nombreuses équipes spécialisées dans le financement d'entreprises et de projets. Et surtout s'assurer de l'intérêt financier et socio-économique des investissements pour le bénéfice de tout le pays.