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Travail de nuit, travail le dimanche, des opposants bien suspects

Les syndicats sont depuis longtemps à la manœuvre sur le travail de nuit et le dimanche. Mais cette fois-ci, ils se heurtent à la fronde des salariés et des consommateurs, et le débat devient véritablement public, ce qu'il n'avait pas été, notamment lors de la modification de la loi dite Maillé intervenue en 2009. Cela les embête manifestement, mais les conduit comme d'habitude à la surenchère, cependant que le gouvernement ne s'apprête pas à donner le coup de balai qui s'impose dans toute cette réglementation inutile, mais à la compliquer encore pour ménager à la fois la chèvre syndicale et le chou… de tous les autres, entreprises, salariés et consommateurs.

Nous avons reçu plus de réactions que de coutume à notre article de la semaine dernière sur le travail de nuit et l'affaire Séphora et les avons publiées. Nous y voyons se manifester une opposition tranchée entre d'une part ceux qui invoquent la liberté des salariés et la situation de l'emploi, et d'autre part ceux qui croient devoir interpréter la loi de façon aveugle sur la base d'arguments concernant le danger pour la santé des salariés ou la pression exercée (certains n'ont pas craint d'évoquer l' « esclavage » pratiqué par les employeurs « prédateurs » etc.). Réactions où l'on voit la patte des syndicats.

Il semble vraiment que l'on ne puisse pas sortir d'une opposition idéologique où l'on voit des arguments religieux (par exemple de la part du Front National) se mêler à la conception marxiste du travail considéré uniquement comme un instrument d'aliénation.

Des balivernes et un coup de balai qui s'impose

Est-il réellement nécessaire d'en arriver là, et le débat mérite-t-il autre chose qu'une réflexion pragmatique hors de toute idéologie ? Non, pour une raison somme toute bien simple [1]. La loi limite comme chacun sait le temps de travail à 35 heures par semaine (sauf heures supplémentaires qui ne sont pas dans le débat ici). À partir donc du moment où cette limite de temps total de travail existe, où est le problème, dans une société laïque, pour un salarié de travailler le dimanche plutôt qu'un autre jour de la semaine, sous réserve bien entendu qu'il ait donné son accord ? N'oublions pas d'ailleurs que les salariés chez Sephora ou Castorama sont des volontaires, qu'ils reçoivent des contreparties financières ainsi qu'en temps de repos, et sont médicalement suivis. Bien des salariés qui ont des enfants préfèrent aussi passer leur mercredi avec eux. Et si on interroge ces salariés quand ils sont consommateurs, la réponse est claire comme les sondages le révèlent. Pourquoi donc les consommateurs ne seraient-ils pas aussi dignes d'attention ?

Cette simple remarque fait apparaître bien suspects de positionnement électoraliste ou opportuniste les oppositions manifestées au travail de nuit comme le dimanche. Nous ne sommes plus dans une société où le dimanche est nécessairement le jour du Seigneur [2], où les sardinières de Douarnenez étaient contraintes d'engager des grèves très dures pour mettre leurs employeurs véritablement esclavagistes à genou, et où la santé des salariés est en jeu. Ce n'est certainement pas les salariés de Sephora ou Castorama qui peuvent craindre de ne pas faire « d'vieux os » [3] : quelle hypocrisie voyons-nous chez ces opposants !

Pourquoi les syndicats sont-ils à la manœuvre ?

Pour l'un d'entre eux plus particulièrement, FO, c'est parce que ça rapporte gros. FO a effectivement trouvé le filon de la plainte, qu'il est habilité à introduire du fait de son statut de syndicat. Il lui suffit de demander une condamnation sous astreinte comminatoire et ensuite de faire liquider les astreintes par le tribunal. FO aurait ainsi ces dernières années engrangé de nombreux millions d'euros, dont 2 à 3 rien qu'auprès de Castorama et Leroy Merlin.

La CGT, qui ne s'était pas outre mesure manifestée sur le sujet, prend le train en marche, et voici maintenant qu'elle affirme péremptoirement que le travail de nuit, mais aussi « le travail continu et en horaires décalés nuisent à la santé », ce qui lui donne l'occasion de demander « au minimum » que le salaire soit doublé, sans compter le repos compensateur (qui existe déjà). Et c'est quoi son maximum ? Autrement dit, c'est pour les syndicats une occasion nouvelle de surenchère, et non pas du tout de revenir à un dialogue raisonnable. Et si le gouvernement ne leur donne pas raison, ils auront toujours la possibilité de se donner le beau rôle dans la défense du pouvoir d'achat des salariés, même si les revendications sont folles.

Revenons sur terre. Il suffirait donc seulement d'organiser des procédures strictes pour être certain dans tous les cas de l'accord des salariés, c'est-à-dire de poser comme règle la décision au sein de l'entreprise ou de l'établissement, au lieu encore une fois d'établir des lois au niveau national. Ces lois devant nécessairement connaître des quantités d'exceptions, on aboutit à des complications administratives (compétence du préfet, des communes, des intercommunes, des syndicats…) et injustices dont pour le coup tout le monde reconnaît le caractère kafkaïen et finalement ridicule.

Voici enfin un problème qu'il serait, ou aurait été, facile de régler. Le gouvernement a hélas renvoyé la question en commission, ou plutôt au rapport de l'ancien président de La Poste. Était-ce vraiment nécessaire pour régler une question dont les termes sont déjà largement connus ? Michel Sapin nous dit qu'en tout état de cause la règle demeurera l'interdiction du travail du dimanche. On peut donc, hélas, craindre que cette démarche ne réponde qu'au besoin de gagner du temps, et n'augure rien d'autre que des ajustements de détail et en fin de compte de nouvelles complications.

Infographie par MY TF1 NEWS.

[1] Luc Ferry en particulier développe cette argumentation.

[2] Cela fait bien longtemps que les messes du samedi soir ont été généralisées.

[3] Actualité d'Henri Salvador, qui évidemment ne croyait pas un instant, en évoquant la santé, que « ne rien faire, c'est la conserver ».