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Taxation des CDD : pas de fausses menaces !

A la veille de l'ultime chance de parvenir à un accord entre les partenaires sociaux, voici que le gouvernement, pour peser sur la négociation, menace les organisations patronales de retirer le bénéfice du crédit d'impôt compétitivité (CICE) aux entreprises qui feraient un usage « abusif » des CDD. L'État devrait cesser de jeter en l'air une fois de plus des fausses solutions (nationalisations par exemple), des faux espoirs (le devenir de Virgin, dont les salariés ont été reçus avec compassion par la ministre de la Culture), ou de fausses menaces dans le cas présent.

Il n'y a rien de pire en général, et pour l'autorité de l'État en particulier, que de tenter de faire pression en agitant des menaces qui ne sont pas sérieuses donc pas crédibles. On savait déjà que la feuille de route gouvernementale comportait un passage obligé pour les organisations patronales, à savoir l'obligation d'accepter une pénalisation des contrats précaires. Mais ces organisations n'ont pas tort de demander à l'État à quoi cela servira, et d'indiquer que ce sera surtout l'emploi qui sera pénalisé : pas davantage de CDI seront signés, moins de CDD. Il faut bien aussi qu'en période de récession l'ajustement se fasse quelque part, comme l'expérience allemande l'a montré, qui a permis de maintenir les emplois permanents au prix d'une souplesse accrue en matière de contrats précaires.

Même si l'État est déterminé pour des raisons politiques à persévérer dans son erreur, il est insupportable de voir - une nouvelle fois - brandir le CICE comme un cadeau fait aux entreprises que l'État pourrait (discrétionnairement ?) leur retirer s'il estime qu'elles ne « marchent pas droit ». Car le CICE n'a rien à voir là-dedans. Les entreprises auront une nouvelle fois confirmation que l'État manœuvre en fait à leur détriment en se gardant à tout propos des moyens de chantage, et que le CICE ne sera pas une certitude sur laquelle ils peuvent fermement compter. Alors que le gouvernement a cherché à persuader du contraire en raccourcissant la période de mise en place du CICE, la démarche est contradictoire. De plus, la menace n'est pas crédible. On ne peut pas se résoudre à penser que l'État serait prêt à ruiner ainsi le bénéfice psychologique et matériel d'une mesure majeure comme le CICE (20 milliards d'euros), ou alors c'est à désespérer… La menace est enfin inapplicable : comment donc définir un « abus » dans le recours aux contrats précaires ? La loi détermine déjà les conditions de légalité de ce recours, et les sanctionne aussi. Serait-ce une sanction supplémentaire de nature administrative, intervenant après jugement et bien inutile puisqu'un CDD irrégulier est réputé être un CDI ? S'agirait-il d'autre chose et de discrétionnaire, ce qui est évidemment légalement impossible ?

Pour terminer, on évoquera qu'il est aussi insupportable de voir l'État reprocher aux entreprises la paille qui est dans leur œil alors que lui-même feint de ne pas voir la poutre qui est dans le sien et celui de ses entreprises publiques, à savoir des abus systématiques dans l'usage des contrats précaires, facilités d'ailleurs par la loi leur permettant de prolonger jusqu'à six ans les CDD, ce qui est absolument interdit au secteur privé. Là encore, une décrédibilisation de l'État, et un motif supplémentaire et justifié d'exaspération des entreprises. Un « effet Depardieu » qui se communiquerait aussi à ces dernières ? Nous en avons largement assez des remerciements de MM. Cameron, Reynders, Poutine et consorts.