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Syndicats dans les TPE : la mesure repoussée à l'Assemblée

Entretien avec Bernard Vivier, Directeur de l'Institut Supérieur du travail

Les députés ont rejeté sous l'impulsion de Jean-François Copé, le patron des députés UMP, l'amendement du gouvernement visant à instaurer le « dialogue social » dans les très petites entreprises (TPE) par 70 voix contre 25 (à noter : l'opposition à voté pour).

Fondation iFRAP : Il semble difficile de comprendre la pertinence de cette mise en place de représentants du personnel dans les entreprises de moins de 11 salariés, contrairement a ce qui existe aujourd'hui [1]. Quelle est votre analyse du sujet ?

Bernard Vivier : C'est un dossier à deux dimensions :
- Une démarche des organisations syndicales visant à être présentes dans les TPE avec une représentation du personnel dans les entreprises de moins de 11 salariés
Dans ces petites entreprises, le besoin de représentants du personnel se fait moins sentir que dans les plus grandes. La notion d'intermédiaire, de porte-parole (c'est bien la fonction du syndicat), ne se justifie pas dans ce type de structures car l'échelle hiérarchique est courte. Les salariés ont déjà accès à une discussion directe avec leur patron. Déjà, dans les entreprises entre 11 et 20 salariés, le taux de participation aux élections syndicales est très faible et le nombre d'élus délégués du personnel qui ne sont pas syndiqués est très important. Le syndicalisme français est en fait un syndicalisme de moyennes et de grandes entreprises.
Contraindre à des élections dans les petites entreprises ne semble pas être la priorité. En cas de rupture du dialogue dans les petites entreprises, les régulateurs existent déjà : conseil de prud'hommes et inspecteur du travail.

« Les salariés des TPE ont déjà accès à une discussion directe avec leur patron »

- Une démarche pour conforter la loi de 2008
Cette loi portant rénovation de la démocratie sociale indique que l'élection des délégués syndicaux constitue un des critères de la représentativité des syndicats. Les salariés doivent donc être sollicités pour voter pour un délégué du personnel ou et un comité d'entreprise. Dans l'état actuel du droit, dans les petites entreprises de moins de 11 salariés, 4 millions de salariés ne sont pas concernés. Pour que la loi de 2008 ne soit pas attaquée (par exemple par la CFTC, la CGC et FO… qui risquent d'être déstabilisés dans leur représentativité au niveau national) pour un défaut de constitutionnalité, le gouvernement a imaginé un système d'élections dans les petites entreprises.

Fondation iFRAP : Quel est le rôle du gouvernement dans tout cela ?

Bernard Vivier : Le gouvernement veut faire une loi sur la représentation du personnel dans les petites entreprises en faisant élire des représentants sur listes syndicales qui viendront « visiter » les entreprises si besoin. Les syndicats patronaux y sont tous opposés sauf l'UPA qui veut exister face au MEDEF et à la CGPME. Du coté des salariés, FO est contre mais le CGT et la CFDT sont pour car elles sont les grandes gagnantes de la loi de 2008.

Au final, les justifications pour faire une telle réforme ne sont pas satisfaisantes. Cela ne concernera que très peu de salariés, le taux de participation à ces élections sera, à l'évidence, ridiculement bas. Et il semble étrange de vouloir instaurer un processus de dialogue social dans de très petites structures à l'identique des grandes, en prévoyant, en plus, que des personnes extérieures aux entreprises puissent venir à n'importe quel moment sur place visiter l'entreprise.

[1] A partir de 11 salariés : délégués du personnel et à partir de 50 salariés : comité d'entreprise.